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La colline aux coquelicots : tout en douceur



Umi est une jeune lycéenne sans histoires. Enfin si, celle de son passé. Son père, marin de son état, a disparu en mer, tragiquement pendant la guerre de Corée. Depuis, elle hisse des drapeaux chaque matin comme le nécessaire phare digne de guider son père pour un improbable retour à la maison. Umi se fait ainsi remarquer par Shun, un élève du lycée qui a tout pour plaire à la jeune fille : il est beau, gentil et serviable. Une relation profonde naît alors entre les deux jeunes gens. Ils s’impliquent les deux dans les clubs de lycéens et dans la défense d’un vieux bâtiment du lycée (le quartier latin) que l’on menace de destruction. Cette sauvegarde sert de fond à l’histoire, comme si le réalisateur cherchait à nous montrer l’importance des lieux qui sont les témoins des drames humains. Et un drame, nous allons en vivre un, car les deux personnages principaux partagent un secret qui ne se révèle que tardivement dans le film.

C’est là tout l’art du studio. Nos 2 compères prennent toute la place dans l’histoire. Tout en douceur, leur personnalité s’impose à nous comme une évidence. Et puis petit à petit, les ficelles dramatiques se mettent en place grâce à une narration toute en élégance. Les autres « acteurs » sont de parfaits partenaires. Chacun a sa place dans l’histoire, chacun y apporte une forme d’éclairage.

La dernière demi-heure de film va vous scotcher. Le passé des enfants nous rejaillit à la figure avec la violence d’une gifle. Les pièces du puzzle s’imbriquent doucement pour nous révéler ce lourd passé. Magique … 


 

C’est beau 

On connaît la patte des studios Ghibli depuis un bon moment maintenant. Mais ce long-métrage place la barre encore un peu plus haut. La gestion des lumières fait toute la différence. Chaque ombre, chaque rayons de soleil ne sont là que pour mettre le trait en avant. Une fois de plus celui-ci fait mouche en toute circonstance : frais et épuré sur les personnages, il se fait plus diffus, à la limite de l’aquarelle sur les décors. La mise en scène est aussi en accord avec l’histoire. Afin de respecter le rythme sensible de celle-ci, les artistes ont multiplié les longs plans et ont renoncé à une construction plus épileptique, plutôt mal venue dans ce contexte. Le DVD que nous avons eu entre les mains fait honneur à cette palette de couleurs et de contrastes, on n’y décèle aucun artefact ni aucune altération.

Comme pour contrebalancer un peu l’émotion du récit, la bande-son se veut légère. Chansonnettes traditionnelles, crooner ou jazz se relaient pour nous accompagner sur les vagues de cette histoire. On pourrait regretter les habituelles philharmonies made in Ghibli mais, en prenant un peu de recul, on se rend compte que cela ne pouvait pas être autre chose.
 

Digne héritier

Le fils de Hayao Myazaki nous surprend et de bien belle manière. Sur les traces de son père ? Oui un peu, mais seulement un peu. Il partage avec lui l’amour des belles histoires, l’amour du Japon et de ses traditions. Sa manière de raconter les histoires est pourtant un rien différente. Hayao aime l’onirisme, les légendes, les mystères et les messages écologiques. Alors oui Hayao a participé au scénario mais son fiston a centré son histoire sur des personnages finalement simples, sans pouvoirs ni magie. Son art c’est de tisser des liens entre les hommes et les femmes et de nous prouver que tout l’existence n’est faite que de cela. Le plus fort c’est qu’on ne comprend pas comment il arrive à nous émouvoir autant, à nous surprendre autant, à nous bousculer autant en partant d’une histoire finalement assez banale. On en ressort pas indemne et c’est tant mieux !

Humain, poétique, beau, troublant, les qualificatifs ne manquent pas pour ce long-métrage. Ce que l’on retiendra surtout, c’est que le fils de Hayao vient de se faire un prénom. Il s’appelle Goro. Retenez bien cela !