- Article publié sur MaXoE.com -


La Vengeance dans la peau : Bourne Killer



Saga la plus rentable des années 2000, la licence Jason Bourne doit avant tout son succès à l’œuvre littéraire de Robert Ludlum. L’écrivain prolixe est l’auteur de ce triptyque d’espionnage, adapté à l’écran avec plus grande souplesse. Véritable phénomène outre-atlantique, cette pastille en trois volets, très pure, tarde néanmoins à provoquer l’engouement en Europe, comme jadis, un illustre agent britannique. Peut-être faut-il y regarder de plus près.

 Et ne pas y voir autre chose qu’un habile blockbuster de printemps, en adéquation avec son époque. C’est donc par le prisme de la vengeance épidermique que les errements psychologiques de Jason Bourne prennent fin. A moins que…

 

Chasse à l’homme

Rappel des épisodes précédents. Jason Bourne (Matt Damon) travaille pour la CIA. Son job : tueur à gages. Devenu gênant pour ses supérieurs, il se retrouve liquidé, au sens figuré. Balancé à pleines eaux, Bourne est laissé pour mort. Brisé mais convaincu, l’ex-agent a droit à sa rédemption. A son tour à l’autre bout du fusil, il veut savoir qui court après lui, et qui il est vraiment. Une chasse à l’homme, dont il est devenu la proie pendant deux longs métrages. Mais, petite nouveauté ici, c’est Bourne qui tire les ficelles. Il ballade à lui seul toute la compagnie de l’Intelligence Service. De Londres à Tanger, en passant par Moscou. Sans état d’âme. Son plus fidèle compagnon : l’adrénaline. Il en fait bon usage. Traqué dans une gare Waterloo, il décime une plâtrée de palanquins surarmés. La foule en témoigne. Sûr de lui, Bourne. Intraitable aussi. Il ne s’entiche plus de comparses. Il agit seul et se sert de son élément. Invincible, il survit sans mal à un poseur de bombes, à une caisse broyée dans sa chute. Indestructible. Bourne tout puissant. Ils étaient prévenus.

 

Initiales J.B.

Pas plus fourni qu’un palmier en plein hiver, l’attirail de Bourne se résume à sa seule conviction. Simplicité de l’âme. Ce héros des temps mornes contraste sans peine avec les cérémonies cocktail de son collègue Londonien. Jason Bourne. James Bond. Deux visions de « l’homérisme » aux kilométrages variables. C’est toute la grâce de cet épisode. Pas d’embonpoint scénaristique. Que du muscle. Sec et claquant. Tout s’éclaircit. Les questions trouvent enfin leurs réponses. Pour une fois, le jeu en vaut la chandelle.

Post 11 septembre, l’Amérique ne sera plus jamais la même. Son cinéma également. Il fallait flatter l’impérialisme partout, tout le temps. Remise en question. Oncle Sam doute. L’ennemi viendrait-il de l’intérieur ? Il faut dénoncer ses errements, ses manipulations. Se laver de ses pêchers. Et démêler la nébuleuse qui tisse sa toile dans chaque carcan du pouvoir. Ici, la CIA. A sa tête, des malotrus. Lessivés par la matrice de la vérité, il en ressort une force dénonciatrice assez dans l’air du temps. Laver son linge sale en famille et s’absoudre ainsi de reproches. Pour mieux repartir.

Travailleur de l’image, Paul Greengrass déploie son énergie derrière la caméra. Toujours collé à son héros, dont il suit le parcours depuis le deuxième épisode, avec plans coupés au millième de seconde, multipliés jusqu’à l’écœurement. Même si la pratique n’a rien d’un coup d’essai, il y a du style dans cette rigoureuse précision. Ultime ballet, la chevauchée à moteur dans les larges avenues new-yorkaises. Insaisissable et pourtant tellement scotchant. Jusqu’au dénouement, chirurgical, où Bourne revient à grands pas sur les lieux qui l’ont fait bête. Face à son bourreau. La boucle est bouclée. Même si l’aventure s’achève, Matt Damon l’a martelé lors du dernier Festival de Cannes, elle aura au moins rattrapé par la peau du dos, un cinéma d’action satisfait de lui-même, et aliéné de certitudes. Tué de l’intérieur. Bourne Killer.

 

Initialement publié le 12.09.2007