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Okja – Une fable délirante pour critiquer les dérives du capitalisme



Dans un futur proche, une multinationale américaine, Mirando, annonce la découverte d’une nouvelle espèce. Un cochon surdimensionné – d’origine naturelle disent-ils – dont l’élevage ne provoque visiblement aucun dommage écologique. Une vingtaine de spécimens sont répartis chez des éleveurs dans différents pays du monde. Leur mission ? Élever le plus beau, le plus gros et le plus « sain » supercochon. Une remise de prix viendra couronner le vainqueur.

Dix ans plus tard, loin de l’univers déchaîné des mégalopoles assourdissantes, une petite fille – Mija – s’amuse dans les montagnes sud-coréennes avec sa meilleure amie Okja, un énorme cochon. Depuis le décès de ses parents, Mija vit seule avec son grand-père et cet animal que leur a confié la société Mirando des années plus tôt. Mais l’expérience touche à sa fin et la multinationale cherche à récupérer son bien. Ce qui n’est pas du goût de Mija

Une petite fille partant toute seule à la rescousse de sa meilleure amie, un très très gros cochon que tente de récupérer une multinationale sans foi ni loi après lui avoir confié des années auparavant. Le postulat de départ du nouveau film de Bong Joon-ho est un peu naïf. Et si le périple de Mija amuse au début, le divertissement laisse rapidement place à l’ennui à cause des nombreuses longueurs dont souffre le scénario d’Okja. La fable enfantine, bien que jolie, est beaucoup plus manichéenne que ce que propose l’oeuvre de Miyazaki (l’une des influences de Bong Joon-ho pour ce conte).

Si ce premier niveau n’est pas des plus convaincants, le film en propose un second plus intéressant lorsqu’il se met à attaquer la folie capitaliste sous toutes ses formes : surconsommation, recherche du profit sans se soucier des conséquences, abrutissement de la population aux moyens d’émissions télévisées d’une débilité sans nom. Une folie capitaliste d’autant plus vicieuse qu’elle cherche à masquer sa voracité sous de beaux atours, ceux d’une entreprise progressiste et écoresponsable. Qui en réalité use des OGM à outrance et abuse de la production intensive de viande animale sans le moindre scrupule.

Inégal dans le scénario, Okja fait par contre preuve d’une mise en scène virtuose. Les scènes sont tout simplement spectaculaires et la fable d’enfant vire à la farce cartoonesque lorsqu’apparaissent à l’écran les membres excentriques de la multinationale. Le cynisme de Tilda Swindon est glaçant et Jake Gyllenhaal (au potentiel humoristique insoupçonné) livre une performance impressionnante en présentateur télé aussi hystérique que pathétique, cabotinant à n’en plus finir. Et dans le camp adverse, que dire de ces activistes du front de libération des animaux (mené par l’excellent Paul Dano) dont les convictions un peu trop prononcés mènent à des situations ubuesques telles qu’un membre qui manque de tourner de l’œil car il refuse de consommer le moindre produit issu d’une exploitation (même une tomate !). Ou encore un déploiement de parapluies en guise de bouclier pour se protéger des tirs des forces de l’ordre car, étant pacifiques, aucune riposte violente n’est possible.

Pris à part, chacun de ces éléments et chacune de ces situations sont une réussite totale. Mais l’ensemble donne lieu à un mélange un peu trop foutraque, et la caricature devient malheureusement outrancière. Malgré cela, la force du message véhiculé l’emporte, et le film évite une trop grande mièvrerie dans son happy end qui n’a, au final, ni gagnants, ni perdants.