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Sin City – J’ai tué pour Elle : Deux avis, sinon rien !



Sin City J'ai tué pour elle Une

 

Sin City J'ai tué pour elle Affiche« Le métal hurle. Un truc me frappe en pleine poitrine. Y’ a plus de haut, plus de bas. Je suis tout léger. Je me souviens de rien. Comment je suis arrivé ici ? Qu’est-ce que j’ai fait… Et pourquoi ? Sur ma vie, j’me souviens de rien. J’ai dû oublier de prendre mes médicaments. Quand on est malade, c’est pas bien d’oublier ses médicaments. J’ai pris une bastos. La blessure est pas vieille. Peut-être une heure. Pas moyen de me remettre comment j’l’ai chopée. Sur ma vie, je me souviens de rien. Mais bordel, qu’est-ce que je fous là ? Sur ma vie, je me souviens de rien… C’est samedi. Un samedi soir comme les autres. »

Marv, la gueule cassée au grand cœur, vient une fois de plus de régler leur compte à des petites frappes. Le problème est qu’il ne sait plus comment. Ni pourquoi.

Johnny, un jeune et talentueux joueur de poker, s’apprête à affronter une partie de son passé à Sin City en défiant le sénateur Roark, l’homme le plus puissant de la ville, aux cartes. Le jeu est risqué.

Nancy Callahan est une femme brisée depuis la mort de John Hartigan, le seul homme qu’elle ait jamais aimé. Une seule chose l’anime encore. La vengeance. Au risque de sombrer dans la folie.

La déesse qui asservit les hommes. Ava Lord. Femme de tous les rêves et de tous les cauchemars à la fois. Vénéneuse Ava Lord. Femme fatale. Mante religieuse qui se sert de son corps pour parvenir à ses fins. Personne n’échappe à sa toile. Pas même Dwight McCarthy, totalement fou d’elle.

Sin City J'ai tué pour Elle Deux

L’avis de Julie

Bienvenue à nouveau dans la ville du vice et du péché. La cité n’a pas changé. Toujours aussi sombre. Toujours aussi étouffante. Toujours aussi gangrenée. Souillant toujours autant ceux qu’elle touche. Ceux qui arpentent ses rues sont des hors-la-loi, qui tentent de survivre comme ils peuvent au milieu de cette mégalopole baignant dans la corruption de ses dirigeants. Ils y survivent avec leurs poings. Ils y survivent avec des armes.

Le principe est resté le même. Trois arcs narratifs, un principal et deux plus secondaires. Et une introduction, toujours issue Des Filles et des Flingues. Cette fois-ci, il s’agit de « Just Another Saturday Night ». Elle donne le ton d’entrée. Le film sera violent. Comme le précédent. Voire même au-delà. Esthétiquement, ça démarre fort. Dès les premières minutes, les plans sont somptueux et Rodriguez confirme son talent de metteur en scène. D’autant que l’univers visuel de Miller est respecté à la lettre. C’est graphique, mais cela reste du cinéma. À l’image du premier volet où l’introduction annonçait d’emblée au spectateur ce qui l’attendait, celle-ci le replonge instantanément dans l’environnement pourri et tentaculaire de Basin City.

Suivent trois histoires qui s’entremêlent grâce à certains personnages. Marv notamment, que l’on retrouve à chaque fois, avec plus ou moins d’importance selon les arcs. Mais là où Sin City était cohérent, avec trois récits bien développés et tenant la route, J’ai tué pour Elle peine. Car sur les trois histoires, deux sont en deçà. Et pour cause puisque les fameuses sont des scénarios originaux. Elles ne viennent pas des romans graphiques de Miller mais ont tout simplement été écrites pour l’occasion. Et malheureusement, elles sont moins développées, moins bien traitées et scénaristiquement moins intéressantes que l’arc issu de la série de comics (plus précisément du deuxième volet) qui quant à lui rattrape tout le reste. Il est le cœur du film. Il lui donne son titre – J’ai tué pour Elle.

Sin City J'ai tué pour elle Trois

Elle, c’est Ava Lord. La femme fatale qui se joue des hommes pour mieux les dominer. Elle les possède, corps et âme. Comme elle possède Eva Green, parfaite dans ce rôle de garce manipulatrice. Sa voix, son corps, sa sensualité. Tout se prête à la perfection à ce personnage démoniaque. Face à elle, Josh Brolin (Dwight McCarthy). Plutôt convaincant en homme torturé par ses vieux démons même s’il on regrette toujours un peu Clive Owen, grand absent de ce second volet.

Le reste de la distribution est à leur image. Vraiment excellente. Mickey Rourke (Marv), toujours aussi bluffant. Jessica Alba (Nancy Callahan), plus torturée que jamais. Bruce Willis (John Hartigan), personnage fantomatique dont les apparitions sont traitées à la perfection. Joseph Gordon-Levitt (Johnny), à qui le rôle du jeune joueur sûr de lui sied à merveille. Et Power Boothe (Roark), impitoyable en sénateur hégémonique. Et même du côté des seconds rôles, cela vaut le détour. Notamment Ray Liotta, Christopher Meloni et Rosario Dawson (plus présente dans le volet précédent).

Une partition quasiment sans fausses notes ? Pas tout à fait. Car au-delà du scénario bancal des deux arcs secondaires, le spectacle visuel est moins étonnant. Non pas que cela soit moins réussi qu’il y a neuf ans. Non. L’effet de surprise est passé, tout simplement. Les codes visuels sont conservés sans être renouvelés, et ce malgré la présence de la 3D. De même, l’utilisation de la couleur au milieu de tout ce noir et blanc si caractéristique du style Sin City en devient presque gratuite. Si certains moments le justifient, d’autres ne servent à rien. Enfin, la version française est une catastrophe, principalement sur l’arc Ava Lord / Dwight McCarthy où Eva Green n’est pas doublée par elle-même, ce qui fait perdre toutes les nuances données par l’actrice lorsqu’elle passe de la femme fatale séductrice à la démone manipulatrice.

Tout ne peut finalement pas être tout noir ou tout blanc à Sin City. Mais si ce deuxième volet souffre de quelques défauts par rapport au premier, il dispose d’une base solide grâce à l’arc J’ai tué pour Elle. Sa bande-originale (dont une chronique plus spécifique signée Tof est disponible ici) est toujours aussi sombre, avec de belles reprises des thèmes du premier volet. Enfin, ce film reste surtout un bijou visuel, faisant preuve d’une grande intelligence dans sa mise en scène plus violente et plus sexy que jamais.

La note de Julie : 7/10

Sin City J'ai tué pour elle Quatre

L’avis de François

Marv est un psychopathe-philosophe. Nancy, une stip-teaseuse vengeresse. Ava, une mante-religieuse manipulatrice. Johnny est un joueur un peu trop orgueilleux et enfin Dwight est un justicier-protecteur incapable de se protéger lui-même. Dans la capitale de la corruption et du crime, différents destins se croisent et s’entrechoquent. Parfois brisés, toujours condamnés, les protagonistes vivent sur le fil de leurs desseins aux passions vindicatives et bien souvent destructrices.

Lorsque Sin City est sorti en 2005, le cinéma américain a tourné une page de sa propre histoire. C’est un peu « l’effet Depardieu » : que l’on adore ou que l’on abhorre le personnage, il ne nous laisse pas indifférents pour autant. En ce qui concerne l’ovni cinématographique de Robert Rodriguez et Frank Miller, c’est pareil. On peut l’avoir détesté pour de très bonnes raisons mais il serait de mauvaise foi de ne pas reconnaître que ce fut un véritable choc visuel. La manière de mettre en scène les personnages et de raconter l’histoire était atypique et totalement novatrice. Chaque scène fut retravaillée en post-production pour retranscrire au mieux l’esprit des comics, pourtant réputé inadaptable sur grand écran.

L’atmosphère était glauque, les protagonistes violents et lugubres et leurs histoires aussi sordides les unes que les autres. Mais l’adversité la plus odieuse favorise bien souvent les passions. C’est là tout le paradoxe et le génie de Sin City, autant pour les comics que pour les films : la violence devient esthétique, les passions meurtrières deviennent poétiques. Le sale est sublime et le marginal est fascinant. Paul Valéry disait : « Si les désirs étaient des actes, les rues serait pleines de cadavres et de femmes enceintes. » Ici, Eros (pulsion sexuelle) et Thanatos (pulsion meurtrière) sont les dieux locaux et possèdent les clefs de la ville.

Sin City n’est ni plus ni moins que la catharsis du monde moderne : l’épuration des pensées par la représentation dramatique. A travers les héros ou les situations, le spectateur se libère de ses pulsions, de ses fantasmes ou de ses angoisses. Ce lieu atemporel où jamais rien ne change nous inquiète autant qu’il nous fascine. Et cela même car il met en scène le reflet dystopique de notre propre société.

Sin City J'ai tué pour Elle Cinq

Mais passons les pseudo-analyses-socio-philosophico-rébarbatives. Que vaut ce second volet ? Est-il à la hauteur du premier ? Et bien la réponse est non. Sin City : J’ai tué pour elle est décevant, sans être mauvais pour autant. Même si la surprise visuelle fait moins son effet que pour le premier film, les jeux de contrastes et de lumières sont toujours aussi travaillés, la photographie en noir et blanc avec l’ajout subtil de couleur toujours aussi surprenante. La 3D a un véritable intérêt, ce qui est devenu assez rare de nos jours pour être souligné (vraiment bluffante dans les plans sous la neige ou la pluie diluvienne par exemple). Bref, en ce qui concerne toute la partie visuelle et graphique, Frank Miller et Robert Rodriguez sont des maîtres et n’ont plus rien à prouver à ce niveau là. En dernier lieu, rien à dire sur la bande-son, toujours aussi prenante, et toujours en phase avec l’atmosphère si particulière propre à cet univers.

En ce qui concerne les dialogues et le montage, cela devient une autre affaire. Cependant, il faut prendre en compte plusieurs éléments : cette suite n’est pas une suite, il s’agit d’autres histoires tirées d’autres comics qui situent plus ou moins les faits avant et pendant le déroulement de l’action du premier film. Robert Rodriguez assume d’ailleurs totalement l’aspect décousu du scénario, tout comme Frank Miller qui développait aussi cet aspect dans les comics. Le montage ne tient donc absolument pas compte de la chronologie des événements. Mais cet exercice périlleux qui relevait par exemple du génie dans un film comme Pulp Fiction devient littéralement un chaos temporel ici. Même en s’accrochant vraiment, les scènes s’enchaînent une à une sans trop de cohérence et sabotent l’intérêt de l’intrigue.

Les différents protagonistes sont inégalement intéressants et il en va de même pour leurs pérégrinations. Sans surprise, Mickey Rourke livre une prestation aussi charismatique que le personnage qu’il incarne. Joseph Gordon-Levitt est une très bonne surprise même si l’intérêt de son histoire tient sur une ligne. Josh Brolin, malgré le fait qu’il soit un grand acteur, a bien moins de charisme que Clive Owen qui interprétait le personnage de Dwight dans le premier volet. Malheureusement (ou heureusement), on ne peut pas demander plus à Jessica Alba que de danser lubriquement avec un lasso, sinon ça devient rapidement risible au bout de deux phrases de dialogue. Idem pour Rosario Dawson, mais on remplace le lasso par un Uzi. Et puis Eva Green-nude, unique dans le rôle de la nymphomane misandre mais aux dialogues aussi redondants que caricaturaux.

Et c’est finalement ce sentiment répétitif qui agace au bout d’une heure de film. Cette sensation que cette scène que l’on vient de voir ressemblait à celle d’avant et que ce dialogue était vraiment identique à celui d’il y a vingt minutes. La violence est toujours aussi esthétique mais beaucoup moins poétique. Les histoires sont toujours intéressantes mais moins passionnantes. Les personnages sont toujours charismatiques mais moins attachants. On a cette sensation que Rodriguez et Miller n’ont pas voulu évoluer dans la manière de faire vivre le film au spectateur. On nous ressert le même plat que le premier, mais réchauffé neuf ans plus tard. Toujours aussi copieux, que l’on déguste avec enthousiasme, mais avec un certain goût de lassitude. Un peu comme le film annuel de Woody Allen depuis trente ans : on va le voir sans risquer de tomber sur un navet, mais on sait pertinemment qu’on aura pas le droit à plus qu’une petite fable psycho-sociale cosmopolite sur fond de musique jazz. C’est toujours bien mais c’est toujours la même chose.

La note de François : 7/10