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Une Vie Ailleurs de Gabrielle Zevin : la nostalgie de l’éternel recommencement



Une Vie Ailleurs de Gabrielle Zevin : la nostalgie de l'éternel recommencement

« Liz Hall, 15 ans, vient de mourir dans un accident de vélo. Elle se retrouve sur Ailleurs, un lieu où les défunts rajeunissent jusqu’à redevenir bébés avant de repartir dans le grand cycle de l’humanité… Pour Liz, qui rêvait d’atteindre enfin ses seize ans, le choc est brutal. Car elle n’a aucune envie de rajeunir. Ce qu’elle voulait, c’était décrocher son permis de conduire. Entrer à la fac. Connaître le grand amour. Il va pourtant lui falloir faire le deuil de son ancienne vie sur Terre avant de trouver un sens à cette nouvelle existence… »

Le scénario est classique, et ne révèle pas de grande surprise en dehors de l’existence d’Ailleurs et de son fonctionnement.

Liz meurt lors d’un accident de vélo à 15 ans. Elle se réveille dans un bateau qui la dépose sur Ailleurs. Elle découvre qu’elle est morte et que sur Ailleurs, les gens rajeunissent. Et une fois bébé, repartent sur Terre. Liz a de la chance, elle n’est pas seule, elle est accueillie par sa grand-mère et elle s’est fait deux amis sur le bateau. Mais Liz va avoir du mal à accepter sa mort. Elle va avoir du mal à accepter le fait qu’elle ne pourra pas faire tout ce qu’elle voulait, tout ce qu’un adulte a le droit de faire. Elle va commencer par devenir accro aux longues vues qui permettent de voir ce qui se passe sur Terre. Mais elle finira par aller de l’avant, à se trouver « un travail » et vivre sa nouvelle vie, tout simplement.

Ce n’est donc pas l’originalité du scénario qui va vous tenir en haleine, mais plutôt l’originalité du monde créé et la capacité de l’auteur à vous toucher. Vous ne pourrez pas rester insensible à ce livre.

La vie dans Ailleurs est assez similaire à celle sur Terre, sauf qu’on n’y voit pas de gens violents. Les morts apprennent à vivre leur nouvelle vie. Ils sont accompagnés d’un conseiller. Ils devront choisir un travail qui est plus une vocation qu’un travail d’ailleurs. Et Liz se trouve une vocation qui me plairait bien : s’occuper des chiens à leur arrivée sur Ailleurs. Ils ont la possibilité de voir ce qui se passe sur Terre grâce à des longues vues. Et Liz en abusera. Elle essaiera même de prendre contact avec sa famille. Mais seul son frère l’entendra. Alvy est d’ailleurs un des personnages secondaires qui m’a le plus touché. Le petit frère qui essaye de remonter le moral à ses parents après la mort de sa sœur… Le petit frère qui sera le seul à entendre sa voix à travers l’eau et qui révèle vers la fin, qu’il tend toujours une oreille quand l’eau coule. Au cas où.

Un autre personnage intéressant, qui est plus que secondaire, c’est la meilleure amie de Liz. On ne l’entend pas, on ne la voit pas (en dehors des observations de Liz à travers les lunettes), mais pourtant elle a un geste qui m’a beaucoup touché : envoyer une bouteille d’eau à la mer pour inviter Liz à son mariage…

Sur Ailleurs, les gens continuent de vivre. Liz apprendra à ne plus s’accrocher à ce qu’elle a perdu et elle vivra. Mais elle rajeunira aussi. Et nous la verrons « régresser », redevenir une petite fille, ne plus faire que jouer et lire des contes de fées, perdre son autonomie et une fois bébé, une fois qu’elle aura oublié ses amis, sa famille, l’homme qu’elle aime, retourner sur Terre. La fête de « naissance » qu’ils donnent à son départ est bien triste d’ailleurs. C’est ce qui est paradoxal : elle va renaître, mais elle va disparaitre de la vie de ses proches sur Ailleurs. Et elle a passé sa vie sur Ailleurs en sachant ce fait.

Tout le monde est conscient sur Ailleurs qu’ils vont renaître sur Terre mais disparaitre d’Ailleurs. C’est une vie un peu douce et amère à la fois qu’ils passent dans ce monde. Ils savent ce qui va se passer. Ils ne peuvent pas mourir, ils sont déjà mort. Donc ils vont inéluctablement rajeunir et repartir.

Un extrait du livre illustre parfaitement cela :

Il y aura d’autres vies. [..] Et pour Prague et pour Paris, pour les souliers trop petits à bout pointus, pour les incertitudes et les revirements. Et il y aura d’autres vies pour que les pères conduisent leurs filles à l’autel. Et il y aura d’autres vies pour d’adorables bébés à la peau comme du lait. Et il y aura d’autres vie pour un homme […] Oh, il y a tellement de vies! Nous adorerions pouvoir les vivre en même temps et non une par une. Nous pourrions choisir les meilleurs moments de chacune d’elles, puis les enfiler comme des perles. Mais ce n’est pas comme ça que cela marche.