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Game of Thrones – Saison 8 Episode 5



Daenerys Targaryen est sur le point de basculer. La perte de son dragon Rhaegal et l’exécution de sa plus fidèle conseillère et amie Missandei l’ont anéantie. Se sentant de plus en plus isolée d’un peuple en qui elle n’inspire pas confiance, elle sombre peu à peu dans la paranoïa. Une paranoïa accentuée par la méfiance de Lord Varys envers ses choix, et surtout par Jon qui lutte entre ses sentiments pour elle et l’immoralité de leur relation incestueuse. Gagnée par la fureur et prête à tout pour obtenir ce pour quoi elle se bat depuis tant d’années, elle se prépare à attaquer King’s Landing de la plus dévastatrice des façons.

« Fire and Blood. » En écho à la devise de la maison Targaryen, cet épisode 5 de l’ultime saison de Game of Thrones est un déluge de feu, de sang, … et de cendres. Le dernier mot de l’épisode 4 – « Dracarys » – prononcé par Missandei juste avant son exécution par Cersei Lannister laissait peu de doutes sur le sort réservé à la capitale : il faudra l’attaquer par les flammes jusqu’à ce que sonnent les cloches de la reddition.

Jouant une fois encore avec les nerfs et les émotions des spectateurs, The Bells est un épisode suffocant et dont la tension ne cesse de croître jusqu’aux fameuses cloches de son titre. Les destins de plusieurs protagonistes sont en effet scellés dans sa première partie, à commencer par celui de Lord Varys qui – à jamais au service du petit peuple, cette majorité silencieuse qui subit les affrontements des grands – est exécuté par sa Reine pour trahison. Sa fin était prévisible mais n’en reste pas moins poignante, notamment lors de ses adieux avec son « old friend » Tyrion Lannister. Des adieux, Tyrion en fera d’autres. Dans une scène où l’émotion est à son paroxysme, il quitte son frère Jaime, le seul ne l’ayant jamais considéré comme un monstre, le suppliant de fuir la cité avec sa sœur. En parfaite symétrie avec le dernier épisode de la saison 4 dans lequel Jaime sauvait la vie de son petit frère en le libérant, Tyrion fait ici de même, risquant sa propre vie. Les adieux sont déchirants et offrent sans doute l’un des plus beaux moments de cette série entre Peter Dinklage et Nicolaj Coster-Waldau, avant que celui-ci ne parte retrouver sa jumelle.

Réussissant à passer les portes de la capitale juste avant l’attaque – tout comme Le Limier et Arya – Jaime tente d’atteindre les cloches de la cité, dernier souhait de son petit frère qui veut à tout prix épargner la population. Pendant ce temps, Daenerys Targaryen à dos de dragon annihile la flotte des Fer-nés et les balistes qui lui ont coûté Rhaegal grâce aux flammes de Drogon. Le spectacle est au rendez-vous et rappelle l’attaque de l’armée Lannister lors de l’épisode 4 de la saison précédente. L’armée de la Reine des dragons est aux portes de la ville face à la Compagnie Dorée. L’attente grandit jusqu’à l’affrontement final…

… Sauf qu’une fois de plus, les showrunners prennent le contre-pied. La bataille de King’s Landing n’aura pas lieu. Les flammes de Drogon déciment la Compagnie Dorée et son inutile commandant se contentera de courir (le manque de temps pour traiter ce personnage en est certainement la raison, mais il est dommage qu’il ait été aussi peu développé). Les portes sont ouvertes et l’armée de Daenerys peut entrer dans la cité assiégée. Face à celle des Lannister, la tension est de plus en plus palpable, le silence est pesant et les jeux de regards puissants tandis que tous attendent que sonne la reddition.

Les cloches retentissent enfin. Et tout bascule. Cédant à la folie que la série avait savamment et subtilement distillé depuis ses débuts, Daenerys décide de réduire la cité en cendres bien que ses adversaires aient déposé les armes. A partir de cet instant, The Bells prend essentiellement le point de vue du peuple silencieux que Varys a cherché à protéger au péril de sa vie, en suivant le parcours d’Arya à travers les ruelles de la capitale peu après avoir remercié Sandor de l’avoir empêché de devenir comme lui : un être uniquement animé par la vengeance. Fuyant parmi le déluge de feu, de sang et de cendres, elle assiste impuissante à la folie destructrice de la guerre des puissants au nom d’une soi-disant légitimité à diriger un Etat ou un continent.

Si The Bells repose principalement sur un spectacle visuel démesuré, il n’en garde pas moins le côté shakespearien qui transcende l’ensemble de cette série, achevant de façon grandiose certains arcs narratifs. Difficile de ne pas évoquer ici le Clegane Bowl et surtout cette issue choisie par Le Limier, celle de se sacrifier dans ce qui représente sa plus grande crainte afin de venir à bout de son frère : les flammes. Dans le Donjon Rouge en ruine, Jaime retrouve sa jumelle pour finalement connaître la fin qu’il a toujours souhaité : mourir dans les bras de la femme qu’il aime. La mort des jumeaux Lannister est l’une des grandes réussites de cet épisode car elle parvient, notamment grâce à l’interprétation de Lena Headey, à susciter l’empathie du spectateur pour le personnage hautement détestable de Cersei, rappelant finalement qu’elle est aussi douée d’humanité.

Si les dernières images de ce splendide épisode – mettant en scène Arya une fois le déluge passé – sont d’une beauté symbolique stupéfiante malgré l’horreur, il faudra surtout retenir de The Bells l’ultime tournant qu’il offre à la série. Il aura en effet fallu huit saisons et soixante-douze épisodes pour que le véritable antagoniste de Game of Thrones soit révélé. Un antagoniste que personne n’attendait et qui donne vie à la phrase prophétique prononcée par son père des décennies auparavant : « Burn them all. »