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De Philip K. Dick à Denis Villeneuve, replongez dans l’univers de Blade Runner



Difficile de parler d’intelligence artificielle sans évoquer l’univers de Blade Runner, qui a déjà fait l’objet d’un Focus dans nos colonnes lors de la sortie de Blade Runner 2049 et que nous avions réévoqué dans le cadre d’un fil rouge sur le thème de la dystopie. Un univers dans lequel les androïdes se rêvent en êtres humains.

Si le chef-d’œuvre de la S-F réalisé par Ridley Scott sorti en 1982 figure aujourd’hui au Panthéon des films cultes, il faut tout de même rendre à Philip K. Dick ce qui lui appartient puisque Blade Runner est avant toute chose une adaptation très libre de son roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques.

Paru aux Etats-Unis en 1968 et publié en France en 1976, cette œuvre d’anticipation prend place en 1992, dans un futur apocalyptique où la Terre est dévastée suite une guerre nucléaire mondiale. L’air y est à peine respirable et les surfaces ne sont quasiment plus habitables. Seuls les pauvres et autres marginaux y vivent encore (du moins ceux qui sont assez solides), tandis que les nantis ont pu émigrer sur Mars. Tout comme les êtes humains, la plupart des animaux ont disparu et en posséder un est une richesse rare. Rick Deckard et sa femme en ont faire leur obsession, d’autant que l’empathie procurée par les animaux est une des seules sources de bien-être des humains étant restés sur Terre.

Jusque là, difficile à première vue d’appréhender le lien entre le roman de K. Dick et son adaptation cinématographique. Sauf que le personnage de Rick Deckard exerce un métier bien particulier : il est chasseur d’androïdes, qui sont légion dans cet univers post-apocalyptique. Créés pour accompagner les émigrants sur Mars, certains se sont enfuis pour revenir vivre illégalement sur Terre parmi les humains. 

C’est en partant de cet élément du roman que Ridley Scott a construit le scénario de Blade Runner en imaginant une révolte de réplicants qui mène à leur traque afin de les « retirer ». Mais finalement, cette histoire en devient presque secondaire, laissant place à une philosophie s’interrogeant sur ce qui définit l’être humain : la présence de souvenirs, de sentiments, d’empathie. Ainsi le film de Ridley Scott – à qui nous avions consacré une critique à quatre mains – est d’une grande profondeur dans son propos. Assez violent, souvent choquant, Blade Runner est une réflexion sur la vie et l’on ne peut s’empêcher de penser aux heures qui nous restent dans la nôtre, ce qu’illustre d’ailleurs cette scène culte dans laquelle Rutger Hauer (parfait de bout en bout) donne une leçon cinglante aux spectateurs que nous sommes.

Blade Runner, réalisé par Ridley Scott. Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Daryl Hannah, … (Sorti en France le 15 septembre 1982).

 

Trente-cinq ans après (et trente ans dans la temporalité des films), voilà que Denis Villeneuve accepte de relever le pari fou d’offrir une suite à ce film cultissime avec Blade Runner 2049. Et les choses sont faites dans les règles de l’art puisque trois courts métrages (présentés et visibles en intégralité ici) sont proposés afin de faire le lien entre les intrigues des deux longs. Cette suite, réalisée par Denis Villeneuve, est une suite comme en voit rarement. En tout cas de notre point de vue.

Dès les premières secondes, une sensation familière. Celle du Blade Runner de 1982. La même atmosphère pluvieuse, lugubre et irrespirable. Les mêmes buildings aux lumières artificielles. La même misère grouillant dans les rues de la mégalopole sinistrée. L’héritage de Ridley Scott est bien là. Tout comme la société cyberpunk qu’il dépeignait, à la différence qu’elle s’est encore modernisée. Les outils technologiques y sont bien plus puissants, et la robotisation a atteint des sommets, notamment avec les nouveaux modèles de réplicants. De même, on retrouve dans le film de Denis Villeneuve la même philosophie, la même réflexion sur ce qui constitue l’humanité d’un être. Mais à un degré supérieur. La notion de transhumanisme – déjà bien développée dans le premier film – est ici poussée à l’extrême et couplée à des questions touchant à l’altérité, notamment à son acceptation.

Blade Runner 2049, réalisé par Denis Villeneuve. Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Jared Leto, Ana de Armas, Robin Wright, … (Sorti en France le 4 octobre 2017).

Enfin, pour prolonger un peu le plaisir auditif autour de cet univers cyberpunk, sachez que tof avait proposé une Playlist spécialement dédiée aux BO des deux films. Et pour les jusqu’au-boutistes, il existe même des jeux vidéos (présentés ici) consacrés à cette dystopie baignant dans l’intelligence artificielle.