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4 cases en plus : Quoi de plus normal qu’infliger la vie – La preview



La société dans laquelle nous vivons n’a jamais été aussi normée. Si Tati avait construit en son temps de manière particulièrement frappante son univers sur les travers du monde moderne, son souci consumériste, et son mimétisme ravageur, Oriane Lassus, s’inspire de cette veine pour, avec la même dérision et la même volonté de nous interroger, décortiquer le poids qui pèse sur les jeunes femmes qui choisissent de renoncer à être mère. Bousculant les codes de la réussite sociale ces femmes se voient ainsi mis au banc, fléchées dans un monde qui n’admet que peu la différence…

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Quoi de plus normal qu’infliger la vie ? d’Oriane Lassus – Arbitraire (2016)

Décider de ne pas avoir d’enfant vient donc à l’encontre de la pensée majoritaire. Car le monde contemporain possède ses indicateurs de réussite sociale qui passe par les fameux : avoir un job, épouser l’homme ou la femme de sa vie, acquérir une belle maison et la meubler de tout un lot d’enfants faisant la joie de leurs parents et surtout, quelques jours par an, de grands-parents devenus gagas avant l’âge. La société accepte souvent que l’un ou l’autre de ces indicateurs puisse être absent, mais avec l’idée que tout cela n’est que temporaire et que tout rentrera dans l’ordre. Oriane Lassus se penche dans Quoi de plus normal qu’infliger la vie ? sur l’absence de ce dernier repère de réussite. Une absence non pas issue d’un facteur biologique mais d’un choix réel de vie. La tension qui s’exerce sur ces femmes qui « ont fait le choix » devient dès lors souvent difficile à supporter. Car au-delà de la pression « familiale », passée en revue ici, c’est le dictact d’une société qui martèle sa norme qu’analyse la dessinatrice. Les expressions devenues courantes, les publicités, les émissions télé… ne font ainsi qu’isoler celles qui ont décidé de ne pas se fondre dans le moule. Dans un style déjà bien racé, Oriane Lassus, sur un ton volontairement acide, analyse un sujet peu ou pas étudié dans l’art graphique. Et elle le fait avec une grande force d’expressivité.

Jeune autrice, Oriane Lassus se voit mise en lumière en 2011 à Angoulême pour son blog qui décroche le prix Révélation. Cela lui permet de publier dans la foulée son premier album chez l’éditeur Vraoum, « Ça va derrière ? » qui raconte les joies d’un parcours en voiture sur les routes de vacances. Elle publie ensuite chez une petite maison d’édition belge un album de vingt pages, « Immobilerie pointure » qui raconte le monde et le milieu sombre des agences immobilières. Elle aime à décortiquer ces petits moments de la vie qui échappent à beaucoup d’entre nous sous une forme qui lui est propre et qui décloisonne le cadre classique de la BD en cases bien rangées et bien alignées. Elle nous livre avec Quoi de plus normal qu’infliger la vie ? un album réflexion sur le choix des femmes à ne pas avoir d’enfants, sujet qui est devenu, on ne sait trop comment, un brin tabou dans notre société qui tend à exercer sa pression sur ceux qui ne souhaite pas épouser le moule d’une vie bien rangée…

 

Les premières planches de l’album ici (n’hésitez pas à cliquer pour zoomer !)