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BD et patrimoine : récits à découvrir ou à redécouvrir !



Les rééditions de quelques monuments du neuvième art fleurissent depuis longtemps chez les éditeurs dits « patrimoniaux », ceux-là même qui, avec une énergie sans pareille, parviennent à faire renaître un album, une série ou des comics trips devenus introuvables et qui méritent un petit toilettage et une remise en avant. Les éditeurs classiques reviennent eux-aussi parfois à la réédition de ces albums passés à la postérité et qui pourtant deviennent difficiles à trouver. Pour cette petite chronique nous vous proposons quatre de ces projets récents qui ont tous décrochés le droit de participer à notre Grand Prix des lecteurs qui débute demain !

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Pogo

Pogo de Walt Kelly – Akiléos (2014)

Le premier d’entre eux n’est autre que Pogo, le petit opossum qui devint à partir de la fin des années 40 un personnage incontournable du patrimoine américain. A l’origine le personnage de Pogo accompagnait dans un second rôle les histoires d’une série qui trouva un succès d’estime auprès des lecteurs américains (Bumbazine and the singing alligator, mettant en scène un enfant, un alligator et Pogo, l’opossum). Walt Kelly, le créateur de cette série trouvait cependant que le personnage de Bumbazine, un jeune enfant noir, était moins fort et moins crédible que les animaux. La série devint dès lors Albert Takes the Cakes et s’imposa dans le populaire journal Animal comics. La série se développera jusqu’en 1948 puis fera un break, juste le temps pour Walt Kelly de devenir directeur artistique du New York Star qui publia, jusqu’à ce qu’il ferme définitivement trois mois plus tard, la suite des aventures de Pogo. Devant le succès de la série, le Publishers-Hall Syndicate de Robert M. Hall, à diffusion nationale, fit signer Walt Kelly qui continuera la publication de ses comics trips jusqu’en 1973. Pogo fascinait par sa vision dure mais réaliste du monde. Un monde et une société américaine que Walt Kelly, au travers de son personnage, pointait régulièrement du doigt. Car les Etats-Unis de la guerre froide regorgeaient d’intolérance, de relents nauséeux qui s’accordaient assez peu avec l’idéal de Walt Kelly. Pogo devint donc un emblème pour les humanistes de tout bord… Akiléos entreprend donc la publication de l’intégrale de cette œuvre monumentale. Une œuvre majeure par le propos qu’elle développe et par la masse qu’elle représente. Le premier volet de près de 300 pages de cette intégrale sera en effet suivi de onze autres opus représentant une pagination de près de 3000 planches ! Peut-être l’une des meilleures séries de presse. Incontournable !

Walt Kelly – Pogo, par-delà les étendues sauvages – Akiléos – 2014 – 39,90 euros 

Sam et Max

Sam & Max de Steve Purcell – Onapratut (2015)

Plus récente puisqu’elle se développe à la fin des années 80 la série Sam & Max s’est elle aussi imposée comme incontournable. Tout d’abord car elle développe des propos succulents et irrévérencieux à souhait, mais aussi car elle a bercé toute une génération qui la retrouva ensuite dans une série de jeux vidéos créée dans les années 90. Sam et Max sont un peu, niveau gabarit, les Laurel et Hardy des temps modernes. Sam, un chien plutôt grand et épais d’1m80 sur ses pattes arrières porte le costard-cravate et un Borsalino à feutre mou plutôt bien, tandis que Max, petit lapin blanc hyperactif et surexcité lui donne la réplique. Les deux forment la Police freelance. Entendez par-là une police parallèle qui s’en prend aux petits délinquants, voyous de tout poils et autres criminels notoires avec un penchant marqué pour les excès et une immoralité savoureuse. Son auteur Steve Purcell lança officiellement la série en 1987 même si les personnages sont plus anciens. La préface nous raconte la manière dont Steve s’amusait à retravailler les pages inachevées que son jeune frère Dave débutaient avec Sam et Max en héros très sérieux. Steve, lui, voyait les choses autrement, un ton décalé qui permet à un humour particulièrement efficace, teinté de dérision (y compris pour le dessinateur lui-même !) de donner de l’ampleur aux deux loustics et à leurs déambulations les plus exotiques (on passe d’un New York contemporain aux Philippines, à l’Egypte ancienne ou à un parcours initiatique à travers les Etats-Unis dans un hommage vibrant à Jack Kerouac dont Steve Purcell reprend le titre « Sur la route »). Le travail de la petite maison Onapratut est à saluer, car si les personnages et certaines histoires étaient connus des initiés du neuvième art, une intégrale qui permet de prendre conscience de l’intérêt de la série, manquait sérieusement. Sous une couverture souple se développent ainsi 18 récits allant de trois à plus de quarante planches (Sur la route découpé en trois volets et un jeu de plateau officiel !) pour un album de 200 pages très denses. A mentionner l’introduction qui place le contexte et révèle pas mal de secret sur la genèse et le développement de cette série. Hautement recommandé !

Steve Purcell – Sam & Max, police freelance – Onapratut – 2015 – 20 euros

Kronos

Kronos de Jean-Yves Mitton – Original Watts (2015)

Zaar est originaire d’Orion. Fils d’une famille engagée dans la mission d’exploration galactique 0-125, il n’a jamais connu sa planète lorsqu’il décide de se marier avec la belle et jeune Aliah. Lors de la cérémonie qui unie les deux tourtereaux est remis à chacun d’eux une bague qui permet de voyager dans le temps. Une bague qui ne doit cependant pas être utilisée en dehors des missions exploratoires sous peine de se voir purement et simplement anéanti. Lors de la soirée de noces, Zaar et Aliah décident de s’éloigner un peu du cœur des festivités pour profiter de la nature qui les entoure. Une nature sauvage puisque la mission 0-125 stationne dans l’espace-temps préhistorique peuplé d’animaux mastodontes à la puissance dévastatrice. Et c’est justement alors qu’il se trouve coupés de leurs proches que des hominiens dressent une troupe de mammouth contre eux. Acculée, Aliah utilise la bague pour échapper à une mort certaine. Zaar, qui comprend qu’il vient de perdre sa belle, ne sachant pas dans quelle époque elle a  fui, se décide lui-aussi de franchir la barrière et de devenir un naufragé de l’espace-temps…  
Certains se souviennent peut-être de l’âge d’or du Super-héros à la française. Mais pour ceux qui n’étaient pas encore nés ou trop jeunes à l’époque ou pour ceux qui sont passés tout simplement à travers, Original Watts, éditeur para-bd spécialisé dans les éditions de Tirages de tête ou de rééditions très finement travaillées, offre une session de rattrapage. Après avoir publié fin 2013 l’intégrale de l’Archer blanc de Jean-Yves Mitton et François Corteggiani, un diptyque publié à la fin des années 90 par Soleil, Original Watts réédite le plus rare et plus ancien (il date de 1988/1989) Kronos le naufragé de l’espace-temps du dessinateur (ici auteur complet) Jean-Yves Mitton. Comme le fait régulièrement l’éditeur, deux versions sont proposées aux amateurs de beaux livres, une version « classique » et une version Tirage de tête, limitée à 250 exemplaires sous coffret, qui se voit augmentée de deux ex-libris dont un sur papier Chromolux argenté, d’un poster 28×40 cm et d’un certificat d’authenticité signé par l’auteur. Les 144 pages de cet album enrichi dans les deux versions de la reproduction de planches originales, présentées sous couverture souple vernis en impose sérieusement. Un travail soigné, qui démontre tout l’intérêt de ces rééditions proposées à des prix plutôt attractifs. Si vous n’avez pas acheté votre exemplaire foncez, il n’y en aura pas pour tout le monde !

Jean-Yves Mitton – Kronos, le naufragé de l’espace-temps – Original Watts – 2015 – 29 euros (version classique)/59 euros (version Tirage de tête)

7 vies de l'Epervier

Les 7 vies de l’Epervier de Cothias & Juillard – Glénat (2014)

Il est des scènes qui ont traversé le neuvième art. Celle de l’ouverture du cycle des 7 vies de l’Epervier en est une. On y voit une femme enceinte fuyant dans la neige, apeurée par on ne sait encore trop quoi. Suivant, à une distance encore respectable, deux hommes armés d’énormes braques affamés tentent de retrouver sa trace. Mais la neige gomme les pas de la jeune femme… Lorsqu’elle est retrouvée, elle gît dans la neige et vient de mettre au monde une fille qu’elle a emmaillotée dans ce qui lui servait de vêtement. L’histoire est connue et si nous revenons dessus c’est uniquement pour signaler la publication récente d’une nouvelle intégrale de ce premier cycle éditée par sa maison d’origine, Glénat. Si deux intégrales avaient déjà été proposées, la première en 1998 sur les 322 planches couleur issues des sept premiers opus, la seconde, toujours éditée chez Glénat, augmentée du second cycle de quatre volumes publiés chez Dargaud, celle qui nous occupe reprend, pour la première fois, les sept volumes originaux dans une version en noir & blanc. Le travail de Julliard s’en trouve réellement magnifié dans une édition certes plus resserrée que l’édition classique (29,3 x 21,5 cm au lieu du traditionnel 32 x 24 cm) mais qui laisse encore la possibilité d’observer le luxe de détails proposés par le dessinateur. La couverture en imitation cuir donne à l’ensemble un aspect vieux livre que renforce le signet tissu. L’ouvrage épais est augmenté d’un cahier couleur d’une trentaine de pages. Pour les amateurs de la série et par extension les passionnés de belles sagas historiques qui ne se sont pas encore laissés prendre par cette oeuvre majeure du neuvième art. A ne pas rater !  

Cothias et Juillard – Les 7 vies de l’Epervier – Glénat – 2014 – 39 euros

Et aussi…

Quinze ans après

Quinze ans après de Cothias et Juillard – Dargaud (2014)

Pour compléter l’édition de cette intégrale, et aussi sélectionné pour notre Grand Prix des lecteurs, nous ne saurions trop vous conseiller de découvrir le tirage de tête du premier tome du troisième cycle des 7 vies de l’Epervier. Edité par sa nouvelle maison Dargaud (depuis le second cycle), ce tirage de tête vaut amplement le détour. Son très grand format (40,0 x 30,0 cm au lieu du traditionnel 32,0 x 24,0 cm) qui le rapproche du format des planches originales, l’ex-libris signé de Juillard, le tirage limité à 450 exemplaires commercialisés, les soixante-dix pages de bonus (dont des crayonnés de planches découpées, des détails de cases, des esquisses et recherches…) feront le bonheur du collectionneur. La couverture épaisse (c’est peu de le dire) et le fourreau dans lequel se glisse l’album (lui-aussi plutôt charpenté) font de ce Tirage de tête une vraie et belle opportunité d’apprécier ce fleuron de la BD franco-belge qui n’a, faut-il le signalé, pris aucune ride au passage ! Le bonheur est donc entier…

Cothias et Juillard – Quinze ans après– Dargaud – 2014 – 130 euros