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La BD du jour : Papa Zoglu de Simon Spruyt (Editions Même pas mal)



Simon Spruyt nous avait séduits avec Junker son précédent opus. Il nous revient avec une histoire loufoque à souhait qui démontre la capacité du neuvième art à ne pas s’inscrire dans un conformisme lénifiant. Une expérience de lecture à faire partager !

Il était un pays dans lequel s’élevait l’un des plus somptueux palais jamais construit. Le prince qui y logeait et qui avait son autorité sur tout le pays avait fait fortune dans l’élevage de bétail, et plus précisément de vache et de taureaux. Mais les richesses accumulées ne pouvaient le contenter pleinement car ce qui lui manquait été de pouvoir enfin présenter un héritier à ses sujets. L’homme avait épousé l’une des plus belles femmes du royaume mais elle n’avait jamais pu lui donner d’enfants. Son bouvier lui raconta alors une histoire qui courrait en ville et qui disait qu’un paysan avait transporté une vieille femme errante sur le dos de sa maigre vache. En échange de cette bonté désintéressée la vieille béni la vache qui mis bas au printemps suivant pas moins de 77 veaux, assurant une prospérité inespéré à au paysan.

Le prince transposa cette histoire à son vécu et parti en tête de retrouver la vieille femme qui pourrait bénir sa femme pour qu’elle lui donne un superbe fils. Les chevaliers du roi partirent à sa recherche mais n’avaient que peu d’indices pour la trouver et se résolurent à ramener au château la première ancienne venue qui bien qu’elle ne possédait aucun don de magie se dit qu’après tout elle n’avait rien à perdre à bénir le ventre de la princesse. Et le miracle advint ! la femme du prince tomba enceinte dès le lendemain de la bénédiction. Mais malgré une grossesse qui se déroula sans problème, accoucha au bout de neuf mois d’un veau que le prince tua sur le coup. Là n’était que la première surprise car soixante-seize autres veaux sortirent du ventre de la princesse qui mourut des efforts consentis lors de cet épique accouchement… Tout aurait pu en rester là si la vieille sorcière, celle qui avait béni la vache du paysan n’était venu à la rencontre du bouvier du roi pour lui demander de venir s’occuper de la première vache qui devait mettre bas en cette nouvelle saison. La vache accoucha du plus bel enfant du pays. Le bébé grandit très vite et amener très loin de là où il naquit se mit en tête de retrouver sa mère. Le début d’une longue épopée dans les terres d’un royaume aux multiples surprises…

Simon Spruyt, auteur belge remarqué par son précédent opus, l’excellent Junker, paru il y a un peu plus de deux ans, prouve sa capacité à produire des ovni dans la galaxie parfois lisse du neuvième art. Pour son nouveau projet il nous interpelle dès la couverture construite à la manière d’une enluminure sur laquelle figure un petit homme moustachu qui semble errer dans une forêt. Le petit homme n’est autre que cet enfant né d’une vache qui s’est juré de retrouver sa mère. Le périple qui conduit l’enfant à traverser le royaume dans les grandes largeurs réservera son lot de surprises en mettant en avant quelques travers d’une société trop conformiste. Son parcours le pousse à rencontrer un couple de chevaliers gay, un trio de bûcherons misogynes, une reine dont le mari parti sûrement à la guerre se voit contrainte une ceinture de chasteté qui ne lui permet pas de copuler avec un autre chevalier et d’un riche ramoneur albinos suicidaire. Tous les personnages possèdent des traits tirés au maximum, pour accentuer le côté grotesque d’un récit qui offre des surprises à chaque planche. Sur la forme le dessinateur construit son récit à la manière d’un parchemin médiéval, usant de phylactères enrubannés, de lettrines et de scènes qui pourraient faire penser à des pages sorties de grande heures. Simon Spruyt repousse ainsi les limites de la création en jouant avec la forme, sur un récit détonnant. Une des oeuvres marquantes du premier semestre 2017.

Simon Spruyt – Papa Zoglu – Editions Même pas mal