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La BD du jour : Petit traité d’écologie sauvage d’Alessandro Pignocchi (Steinkis)



Vie commune entre animaux, fruits et hommes. Cela serait possible si l’on considérait que la nature possède une âme, une vie intellectuelle et une capacité à échanger avec l’homme. Pourtant, dans les sociétés occidentales, il y a bien longtemps que le regard sur la nature s’est effacé dans le culte d’un modernisme axé sur un rapport bien mince avec la faune et la flore qui l’entoure. Essai stimulant et décalé offert par Alessandro Pignocchi, chercheur et auteur de BD à suivre…

Prenons comme postulat de départ que la civilisation occidentale adopte la vision du monde des tribus amazoniennes. Des tribus qui entretiennent avec la nature, flore et faune confondues, le même niveau de rapport qu’avec les hommes, toutes ces espèces possédant une vie intellectuelle et sentimentale comparable à la nôtre. La donne serait bien entendu fortement changée et notre société, qui repose sur un rapport à cette nature bien différent, devrait s’adapter à un mode de vie remettant notamment en cause l’urbanisation des grandes mégalopoles de notre globe et jusqu’à notre tendance au surconsumérisme. Dans ce monde-là les chefs d’états, semblables à leurs homologues jivaros, ne possèderaient plus aucun pouvoir, et se verraient réduits à être « capables de synthétiser et de verbaliser les aspirations communes ». Ni donneurs d’ordres, ni détenteurs d’un pouvoir quelconque, les anciennes élites verraient leur charge dénuée d’intérêt ou plutôt réévaluée à la lueur des nouveaux désirs des femmes et des hommes. Plus que cela, ils bondiraient littéralement au rappel des traités internationaux votés par le passé qui accordaient si peu d’intérêt à la nature, la plaçant de fait dans une spirale de destruction irréversible. Dans ce monde qui se réconcilierait avec un état premier, les tendances sociales, éthiques, voire sexuelles seraient profondément changées. S’il advenait qu’une voiture écrase par mégarde un hérisson, il faudrait que le coupable de cet horrible méfait mange l’animal pour éviter que son âme ne puisse le hanter et qu’elle retourne auprès de son esprit protecteur. La société et l’économie des nations pourraient très bien reposer sur la remise au goût du jour du troc comme monnaie d’échange. Les jeunes en recherche de stage feraient signer à leurs parents des formulaires pour partir étudier chez les Pnams de Bornéo, une tribu nomade. Et les hommes pourraient contracter mariage avec des animaux ou des plantes, comme l’explique le président russe dans une révélation émouvante qui explique son rapprochement avec une papaye…

Construit sous forme de sketches au ton savoureusement décalé, Petit traité d’écologie sauvage prend corps dans un futur proche (ou une uchronie) dans lequel nous reconnaissons quelques dirigeants actuels des grandes puissances du monde, François Hollande, Angela Merkel ou Vladimir Poutine. Des dirigeants qui commencent tout juste à s’habituer au monde nouveau qui se développe et qui place la nature au centre des préoccupations des hommes. Alessandra Pignocchi en chercheur spécialisé en sciences cognitives travaille depuis pas mal de temps auprès des indiens Jivaros. De cette étude rapprochée, il a livré aux yeux de tous un premier projet remarqué, Anent, publié lui-aussi chez Steinkis. Petit traité d’écologie sauvage expose des idées et des contradictions entre les deux cultures occidentales et Jivaros. Par l’absurde il pousse ses théories jusqu’au bout, permettant d’en relever les connections possibles ou les non-sens. A défaut d’épouser une vision du monde nouvelle, plus axée sur la nature et le respect animal, les hommes pourraient peut-être se sensibiliser aux dangers qui guettent et aux « miracles » d’une nature qui s’adapte sans cesse. Jusqu’à quel point ?

Alessandro Pignocchi – Petit traité d’écologie sauvage – Steinkis