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La BD du jour : TER de Rodolphe et Dubois chez Daniel Maghen



Parfois des hommes sortent vivants de terre, pas qu’ils soient dans cette veine des hommes revenus à la vie, mais de ceux dont l’arrivée improbable intérroge. Lorsque Mandor est « découvert » par Pip dans une tombe qu’il pille, il a tout oublié ou presque. Qui est-il ? Pourquoi est-il surgit de nulle part et quel est son rôle sur cette TER qui possède des similitudes avec la nôtre ?

Il est des mondes difficiles à cerner, non pas qu’ils nous soient totalement étrangers mais justement parce qu’ils ressemblent étrangement au nôtre. Dans des lieux que nous ne connaissons pas forcément, à une époque différente. TER peut se voir comme un négatif de notre Terre, un lieu qui pourrait être le Mont-Saint-Michel (mais pas tout à fait le même que dans le tome 3 de Centaurus…) ou la ville de Sanaa, bien des années plus tôt, dans un moyen-âge très respectueux des classes sociales divisées entre le monde d’en bas, destiné au peuple et aux paysans, et le monde d’en haut, plus préservé et plus opaque dans laquelle les notables établissent leurs quartiers.

Dans cet univers un homme, amnésique, qui se devra de retrouver sa mémoire pour lever les voiles sur sa naissance, pourrait surgir et remettre en cause l’ordre des choses. C’est sur ce postulat que naît TER, le nouveau récit de Rodolphe qui utilise comme support un genre, la SF, lui permettant d’échafauder un scénario avec ce qu’il faut de mystères pour nous happer. Pip un jeune homme débrouillard arpente le désert qui s’étend à la périphérie du village dans lequel il vit avec sa sœur pour piller des tombes laissées loin du regard des hommes. Il y récupère tout un tas d’objets hétéroclites qu’il lui assure une partie de sa subsistance. Un jour en soulevant une dalle qui recouvre une des sépultures qu’il s’apprête à piller, il tombe sur un homme nu encore en vie. L’homme ne sait plus qui il est, et ce qu’il fait là. Il a perdu l’usage du langage. Pip le ramènera chez lui et lui offrira la possibilité de travailler sur son passé pour comprendre le pourquoi de sa présence ici…

Rodolphe aime poser le cadre de ses récits, avec ce qu’il faut de petits détails qui possèdent un sens et que le lecteur devra assembler au fur et à mesure pour en reconstituer le puzzle. Ici son monde ressemble donc au nôtre, avec des hommes pas si différents, une structure sociale similaire à celles que nous avons pu connaître à d’autres époques. Pourtant ces repères rassurant laissent placent à pas mal de mystères dont le premier et le plus évident et celui de la présence de Mandor, l’homme découvert par Pip, sur ces terres. Le second élément qui interroge le lecteur est celui de l’amnésie. Celle de Mandor mais aussi des hommes qui semblent avoir perdu les traces de leur passé. En prenant Mandor comme narrateur Rodolphe permet une immersion totale du lecteur dans le cadre posé. Si le scénario se révèle efficace jusque dans son cliffhanger final, il le doit aussi au dessin de Christophe Dubois, qui nous avait séduits sur La Ballade de Magdallena, et nous revient avec son trait très enveloppant fait de poésie et d’onirisme qui tire en permanence vers un fantastique subtil. Le jeu des couleurs, les cadres, le soin apporté au détail des personnages permettent de placer TER parmi les albums phares de ce premier semestre rendant l’attente de la suite des aventures de Pip et Mandor presque insupportable !

Rodolphe/Dubois – TER – Daniel Maghen – 2017 – 16 euros