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Cazenove, dix ans déjà : l’interview !



La carrière de Cazenove n’a rien de classique. Besogneux, il construisait, il y a de cela un peu plus de dix ans maintenant, des gags après d’harassantes journées d’un travail alimentaire qui aurait pu le refroidir. Longues journées qu’il ne renie pas et qui ont sans doute forgé son caractère, ce sens du détail et de la dérision. Rencontre avec un auteur au sens propre du terme… (interview exclusif à découvrir en fin d’article !)

Le chemin parcouru par Christophe Cazenove depuis son entrée dans le monde de la BD force le respect. Scénariste d’humour il fourmille d’idées qu’il couche sur papier avec le souci permanent de susciter le rire et la bonne humeur. Auteur des séries phares Les gendarmes et les pompiers, il écrit aussi pour la jeunesse avec notamment la série devenue culte, Les sisters. Son style s’est forgé avec la patine du temps, en apprenant au contact des autres, en observant et se nourrissant de l’apport des anciens dont Raoul Cauvin qu’il mentionne avec modestie et respect. Il a surtout retenu que le gag en lui-même n’est rien s’il ne se rattache pas à un contexte, à un background à travailler en permanence. Le gag devient entre ses mains la finale, le point d’orgue d’une situation au potentiel comique qu’il va bâtir avec l’idée du sens, de la direction à suivre pour la relever et l’assaisonner comme il se doit. Chaque planche offre en effet bien plus qu’une pirouette amusante aussi hilarante soit elle. Cazenove a compris très tôt en effet, comme d’autres auteurs de la maison Bamboo, que l’histoire drôle est avant tout une histoire et que les personnages doivent s’affiner, se construire et s’enrichir au fil des volumes de chaque série.

Aujourd’hui, en découvrant le bilan de dix années de travail, nous touchons à l’évidence d’un travail d’auteur. Le style Cazenove semble identifiable parmi d’autres, il se construit dans les jeux de mots, calembours, incidents du quotidien, zones d’ombres révélées avec cette envie de surprendre et de susciter le rire sans sombrer dans la turlupinade malsaine. L’auteur évite les écueils du rire facile pour nous offrir de véritables séances d’humour teintées d’humanité et de bonne humeur permanente.

A une époque qui se cherche, qui se perd parfois dans des antagonismes destructeurs se doper à l’humour de Cazenove ne permettra peut-être pas d’améliorer notre quotidien mais tout du moins de l’adoucir et de voir la vie différemment avec le détachement suffisant pour nous permettre d’avancer dans cette folle époque qui inspirera sans doute l’auteur pour de nouveaux gags et situations cocasses !

  

Quoi de mieux que de fêter les dix ans d’une riche carrière en lançant un nouveau volet des Fondus ? Je rappelle ici le principe de cette série : travailler une thématique en gardant le canevas et l’histoire des personnages. Chaque thématique (Le bricolage, la brocante, la cuisine, la glisse, le jardinage, la moto…) se trouve scénarisée par le duo Richez/Cazenove. Le dessinateur par contre change pour chaque volet apportant une touche personnelle sur laquelle s’appuient les auteurs.

Ce nouveau volet publié tout début juin tombe à point nommé avec les vacances estivales, et pour cause il nous fait redécouvrir nos amis des précédents volets (Thierry, Piang, Régina, Thomas et Maurice) sur les chemins de randos. Celui qui a pratiqué cette activité physique de détente conviendra que les situations comiques fourmillent et que le potentiel se révèle suffisamment riche pour nous accompagner un bon moment…

La rando c’est l’effort sain dans une nature encore préservée, la sensation de faire corps avec les éléments, de purifier chair et esprit dans un désintérêt total. La souffrance gratuite pour un bénéfice rendu au centuple. Qui n’a jamais été subjugué par un paysage d’une pure beauté au sortir d’un virage montant vers le sommet d’un pic aride ? Alors que l’on gravit les chemins qui nous mènent toujours plus haut, quoi de plus beau que de passer au-dessus d’une couverture nuageuse coincée entre deux vallées et  d’observer ce manteau laiteux et moutonneux qui s’étend à perte de vue ? La rando offre bien des surprises et c’est pour cela que ses adeptes s’en trouvent si vite accrocs. Pour nos héros des volets précédents la rando c’est aussi des aspects plus sombres que l’on souhaite vite oublier : les traversées de sentiers en milieu hostile (animaux coquins, végétation trop exubérante…), la découverte d’une nature dénaturée, chemins sans fin parcourus en boucle, rythme des uns ne s’accordant pas aux autres, sacs chargés ou déchargés comme ils ne devraient pas… et cette marchandisation de la nature qui germe dans nos montagnes et rompt jusqu’à son charme ! Telles sont, parmi d’autres, des brins de situations développées dans ce premier volet. Le comique opère sans peine, et d’autant plus pour ceux qui peuvent s’identifier à ses situations que nous avons pu connaitre. Car là réside aussi la force de cette série, faire appel à de vieux souvenirs enfouis et nous remémorer des épisodes de nos propres vies.

Les Fondus de la rando, avec Jytery au dessin s’impose donc comme une série à suivre qui laisse apparaitre tout un potentiel à décliner. Une lecture recommandée avant de partir sur les sentiers pour apprécier encore plus les moments à vivre avec nos proches !

Cazenove/Richez/Jytery – Les fondus de la rando – Bamboo – 2012 – 10,60 euros

 

Notre Interview de Christophe Cazenove
(réalisée en mai 2012)