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Comics en Vrac : Dans l’Antre de la Pénitence



Un seul comics cette semaine mais il est nécessaire qu’il ait son dossier à lui seul. Ce comics qu’on n’attendait pas nous a beaucoup plu. Il sera, à coup sûr, dans nos pré-sélections du Festival MaXoE et il doit absolument être dans votre bédéthèque. On y parle de folie, de deuil, de repentir et de rédemption. 

Dans l’Antre de la Pénitence

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1905. San José. Sarah Winchester a perdu, coup sur coup, son mari et sa fille. Elle est inconsolable et se lance, dans son deuil, dans une croisade folle contre les armes à feu. Héritière de son mari et donc de la fortune du célèbre armurier Winchester, elle décide de dilapider la fortune qui lui revient en construisant une maison gigantesque. Elle est non seulement immense mais n’a pas de fin, les marteaux s’activent jour et nuit pour créer de nouvelles ailes, sortes d’appendices à ce monstre de l’architecture. Mieux encore, les ouvriers obéissent aux ordres souvent teintés de folie de Sarah : construire un escalier qui ne mène nulle part, positionner une porte en face du vide, … Ces ouvriers sont recrutés par la maîtresse de maison et par elle seule. Ce sont des anciens apôtres de la violence, ils viennent ici comme on vient en cure de désintoxication, dénués de rage et d’armes. La famille Winchester fait pression sur Sarah mais rien n’y fait, elle est persuadée de travailler pour le bien de tous et pour purifier l’humanité si prompte à la violence. Et un beau jour, un ouvrier pas comme les autres frappe à la porte. 

Quelle belle BD ! En commencer la lecture, c’est forcément aller au bout sans s’arrêter. Elle s’inspire de l’histoire vraie de cette maison Winchester. Sarah en avait fait un labyrinthe propre à égarer les âmes vengeresses. Ce comics retranscrit merveilleusement bien le deuil de la dame mais aussi sa folie. On se perd, nous aussi, dans les méandres des premières pages et, petit à petit, le puzzle se met en place. Sa relation avec ses ouvriers montre bien qu’elle vivait dans deux mondes à la fois, celui du réel et celui du spiritisme. Ainsi, on aborde la douleur du deuil et ses conséquences sur la raison, on plonge aussi dans la violence enfouie en chacun d’entre nous. Quel plaisir de voir aussi ces ouvriers toujours prêts à basculer à nouveau dans les plus sombres de leurs travers. Oui, la lecture est parfois dérangeante mais elle l’est autant qu’elle est jouissive et c’est du, aussi, au trait torturé qui nous est offert ici. Le crayon se montre égaré parfois pour mieux distiller l’incertitude des événements. Un coup de maître à n’en pas douter ! 

Scénario : Peter J. Tomasi – Dessins : Ian Bertram – Dans l’Antre de la Pénitence – Glénat – Glénat Comics – 192 pages – octobre 2017 – prix 19,95 €