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Docteur Radar, l’interview de Bézian !



Un nouveau récit de Bézian sur un texte de Noël Simsolo ça se savoure, si la première expérience (Ne touchez à rien) souffrait peut-être d’un manque de rythme, Docteur Radar offre quant à lui un contrepoids de choix à ce premier projet. Ça bouge dans tous les sens, en voiture, à pied, en avion, en train, chaque page laisse les personnages sur le qui-vive, prêts à bondir s’ils ne sont pas déjà en action. Bref un dynamisme omniprésent qui permet une explosion du talent de son dessinateur. Un projet en lice pour le Grand Prix des lecteurs 2014 !
 
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Docteur RadarLes destins se tissent parfois dans les gares, ces lieux de transit qui agglomèrent toute une foule de voyageurs réguliers ou occasionnels. Parfois glauques, parfois rythmées par une effervescence de tous les instants, elles deviennent des lieux où l’information gravite, tout comme le menu fretin prêt à quelques rapineries ou autres activités licencieuses. Dans le Paris de la fin du XIXème et du début du XXème siècle elles offraient déjà de belles perspectives architecturales propres à émerveiller les impressionnistes de tous poils et les industriels ravis de voir s’affirmer cette ère nouvelle de l’industrie.
En ces années 20 un passager pas forcément ordinaire s’embarque à destination de Berlin. Gontran Saint-Clair, c’est son nom, est chercheur de son état, et pas le moindre. Il projette en effet d’envoyer un avion dans la stratosphère, à quelques dizaines de kilomètres du sol. Projet fou s’il en est à une époque où l’on commence à peine à domestiquer la force motrice terrestre ! Mais le brave chercheur verra son destin vite abrégé par de mystérieux casse-cous venus l’empoisonner discrètement dans sa cabine. Tout cela pourrait revêtir le voile du fait divers ordinaire, si ce n’était pas le début de tout un lot d’assassinats aux victimes possédant d’étranges similitudes. Toutes les victimes étaient des chercheurs sur le point de voir leurs projets aboutir. Des projets ayant trait à la conquête de l’espace. C’est ainsi que l’on découvre peu après le professeur Vernon pendu dans sa cave ou le docteur Vaillant repêché dans l’Elbe le visage pas très beau à voir… Aussi au départ, ce qui aurait pu relever de la pure coïncidence pourrait très vite devenir bien plus inquiétant. La police locale complétement dépassée ne semble pas en mesure de mettre à mal les plans de notre tueur fou. C’est dans ce contexte qu’entre en scène un personnage bien plus versé dans ce genre d’enquête où les méninges et le sang-froid sont mis à rude épreuve. Il s’agit d’un ancien as de l’aviation, un des premiers, Ferdinand Straub détective privé plutôt efficace. C’est ainsi que se dessineront les contours du mystérieux tueur et commanditaire, un certain Docteur Radar…  
Noël Simsolo et Frédéric Bézian n’en sont pas à leur coup d’essai. Les deux hommes avaient livrés un album resté plutôt confidentiel il y a une dizaine d’années maintenant « Ne touchez à rien ». Ils reviennent autour d’un projet de polar tiré d’un feuilleton radiophonique produit dans les années 90 par Radio France. Docteur Radar pourrait devenir, même si Bézian reste volontairement évasif sur le sujet (voir notre interview), une des séries phares des années à venir. Un potentiel sans limite tant au niveau du contenu narratif que de sa représentation graphique. Une représentation graphique dans laquelle le dessinateur toulousain peut encore et toujours renouveler son style, au du moins le tirer vers des recherches esthétiques nouvelles. Ici c’est le mouvement qui est mis à l’honneur, tout comme le travail sur la gestuelle des corps, qui sont présentés indifféremment distordus, difformes, triturés dans des poses qui suggèrent toute une panoplie d’émotions, de la douleur, en passant par l’étonnement, l’anxiété, la peur… Le suspense lui est omniprésent, le décalage aussi tant au niveau de la représentation visuelle qui joue sur des faux-semblants que sur le ton donné à ce récit épique. Le découpage pensé par Bézian joue sur les symétries, accompagne le regard du lecteur qu’il vient conforter dans une pensée ou une émotion. Un album de haute facture ! A noter qu’une version luxe limitée à 999 exemplaires est proposée par l’éditeur au prix attractif de 49 euros dans un format élargi et avec l’ajout d’un cahier graphique qui justifie à lui seul l’achat de cette édition.
 
Simsolo/Bézian – Docteur Radar – Glénat – 2014 – 19,50 euros
 

Interview de Frédéric Bézian