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Focus sur Didier Convard (2ème partie) : L’image du monde…



Didier Convard a décidé d’explorer les sites de notre patrimoine pour tisser des scénarii qui mêlent les thématiques qui fondent son œuvre, à savoir le post-apocalyptique, l’histoire et la réflexion sur le monde qui nous entoure et qui cache bien souvent des vérités âpres. Il poursuit donc après le Panthéon, le Musée des Arts et Métiers – et son Pendule de Foucault – par une relecture de Versailles, bien entendu peu conventionnelle…

 

 

Le château de Versailles symbolise la puissance de la royauté française à l’apogée du règne de Louis XIV. Dans une Europe où les idées du siècle des lumières grignotent chaque jour un peu plus de territoire, le regard se porte vers ce château démesuré dessiné par des architectes et des jardiniers, de Le Vau en passant par Jules Hardouin-Mansart et André Le Nôtre, qui donnent toute la noblesse à ce lieu où se retrouvera sur plus d’un siècle la cour des Rois de France. Didier Convard a décidé de faire revivre ce site au travers d’une histoire qui livre des scènes classiques de l’époque : jeux dans les jardins entre nobles arborant des perruques outrancières et suffisamment de poudre pour blanchir leur peau, théâtre royal destiné à l’amusement du souverain et de ses proches, séductions entre amants peu effarouchés… Pour autant cette vision traditionnelle de la cour se teinte ici de quelques « dérèglements » technologiques qui agrémentent les planches et laissent s’épaissir un suspense quant à la chute à venir.

Madame de Rosny, jeune femme à la beauté exquise s’éprend du beau marquis de Barberon. Tous deux fricotent dans les labyrinthes végétaux construits proche du château. Mais le mari de la belle dame n’est pas du genre facile et expose toujours plus aux yeux de tous sa jalousie maladive. Il demande à un Robert, valet de la cour, de retrouver son épouse. Un oiseau cybernétique prend alors son envol et lance une géolocalisation… Plus tard à l’intérieur du château nous assistons en direct à la naissance d’un nouveau-né. Aussitôt l’enfant sorti du ventre de la mère qu’un étrange rituel se met en place. Le marquis de Bellegarde, doyen de la cour du haut de ses 263 ans se trouve sommairement exécuté afin de conserver l’équilibre des 5000 personnes présentent au château. Etrange… et que devons-nous penser de cette biche foudroyée littéralement alors qu’elle essaye de franchir les grilles du château pour se rendre à l’extérieur ? Tout ceci cache bien entendu quelque chose et le jeune marquis de Barberon voudra en savoir plus… Avec sa belle il découvrira que le médaillon que se doit de porter tout résident du château de Versailles cache une puce qui détecte leur présence et les empêche de fuir, d’aller au-delà du cadre qui leur est connu. Sinistre, ce vase-clos imposé poussera le marquis de Barberon dans une quête de savoir. Pourquoi les résidents de Versailles sont-ils fait prisonniers ? Qu’y a-t-il derrière les grilles infranchissables du château ? Qui sont véritablement les Roberts, serviteurs ou gardiens d’une vérité pas forcément bonne à entendre ?

Ce récit qui mêle tradition et modernité offre un panorama d’un Versailles surprenant où les anachronismes fleurissent et teintent le récit d’un savoureux voile de mystère jusqu’à sa chute brutale. Dans ce contexte les scénaristes Didier Convard et Eric Adam excellent en alliant le calme plat de la cour et la déraison qui pousse deux amants à renverser l’ordre des choses. Les dialogues savoureux se tissent autour de la surenchère de verbes et de courbettes lexicales propres à cette époque et à ce lieu. Eric Liberge quant à lui offre un panorama saisissant de Versailles. Grâce à un scénario relativement ouvert il peut développer des thématiques qui lui sont chères et dans lesquelles, son trait et sa capacité à densifier le récit sont superbement employés. Un étrange album qui pose la question du rapport aux autres, de la soif de vérité et de cette idée force que l’apparence d’un monde n’est pas forcément le monde, mais l’image que l’on veut bien lui donner…

Convard/Adam/Liberge – Versailles, le crépuscule du Roy – Glénat – 2012 – 13,90 euros

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La présentation de l’album Le pendule de Foucault et l’interview de Convard et Vignaux
Le Panier de Mie : Autour de Didier Convard : Michelangelo et le banquet des damnés & Vinci et l’ange brisé