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La BD du jour au féminin : Chimères T2 de Christophe Pelinq, Melanÿn et Vincent



A notre grand regret la femme n’est pas toujours présente en bonne place dans les récits de bande dessinée. Cantonnée à des rôles de faire-valoir sa présence revêt bien souvent un caractère anecdotique. Le phénomène s’inverse fort heureusement ces dernières années et les séries ou one-shots dédiés au beau sexe alimentent de plus en plus les présentoirs de nos librairies. C’est pour cette raison que nous avons décidé de consacrer sur les prochains jours notre rubrique La BD du jour à la femme. Des récits bien différents, des profils tout aussi divers mais ce point commun de placer l’héroïne au cœur de l’action. Jeunes filles fragiles, femmes au caractère bien trempé, femmes du monde qui ont changé le cours de l’histoire, femme fortes et fatales, toutes ô combien attachantes. Elles vous accompagnerons lors de cette semaine et même plus pour vous donner à voir un autre visage de la BD !

 

Le premier volet de Chimère(s) 1887 prenait place dans cette fameuse période dite fin de siècle où le décadentisme s’affirmait comme une vision possible de l’avenir. Un avenir fait d’incertitudes, de sombres perspectives face à l’instabilité politique ambiante, d’une industrialisation galopante qui n’annonçait déjà rien de bon pour les classes populaires, encore et toujours asservies malgré les idéaux de Liberté affichés par la Révolution française quelques décennies plus tôt. Fin de siècle donc, et Paris qui se transforme, se défigure pour certains, laissant apparaître de grandes avenues et des immeubles « nouveau style » issus de l’imagination débordante d’Haussmann et des architectes de l’époque. Le rythme de la vie s’accélère, tout devient vitesse. La réflexion semble devoir quitter les esprits les plus éveillés pour se perdre dans des méandres malsains. Tout cela se fait en douceur et cohabitent encore deux mondes qui se côtoient dans des bordels où il est de bon ton de s’exhiber pour affirmer son ouverture d’esprit et de portefeuille, donc de richesse.

Chimère, nous l’avons vu dans le premier acte de cette série vient d’arriver à la Perle Pourpre. Son âge – elle n’a que 13 ans – la place dans les centres d’attractions privilégiés de la maison. Les hommes qui fréquentent l’établissement envient secrètement celui qui a eu le privilège de la déflorer. Chimère de son côté semble s’accommoder de son sort. Elle ne plonge pas dans des océans de dégoût ou d’envies sombres. Bien au contraire. Chaque coup qui lui est porté la fortifie encore et encore. Peu importe que son visage finisse dans les thomas débordants sous les colères de Gisèle, la maîtresse de maison. Peu importe qu’on exerce sur elle une pression constante du à l’attrait qu’elle suscite. Elle fait front, se fait même de nouveaux amis, comme Oscar, le garçon de maison qui en tombe sous le charme. La jeune fille assure le fil conducteur du récit mais c’est bien Gisèle qui se trouve placée sous le feu des regards dans ce nouvel opus de la série. Les scénaristes, Pelinq et Melanÿn développent un background intéressant sur ce personnage qui a connu, quelques années auparavant, en 1874, sous le nom d’Olympe, le succès des cabarets. Alors bien sûr des questions naissent inévitablement. Comment Olympe au faîte de sa gloire a-t-elle pu déchoir à ce point et devenir la tenancière d’une maison de passe, qui, si elle possède l’une des meilleures réputations de la capitale, asservi tout de même des filles prisent dans ses filets et qu’elle n’hésite pas à rabaisser sans cesse ? Quels secrets cache-t-elle au fond d’elle ?

La série se poursuit donc avec ses flash-back sur Gisèle. Les problèmes politiques autour de Ferdinand de Lesseps et de son fameux canal de Panama se développent. Le saint homme se trouve ici pris au centre d’une machination machiavélique ayant pour but de l’entraîner dans une inévitable chute. Ambiance délétère donc qui tissent sa toile et permet au lecteur de se questionner sur le sens de tout cela. Une série phare qui nous réserve encore pas mal de rebondissements…  

Pelinq, Melanÿn et Vincent – Chimères T2 – Glénat – 2012 – 13,90 euros

Semaine spéciale « La femme en BD »

Déjà chroniqués :

La Balade de Yaya de Omont et Zhao (FEI)
La mémoire de l’eau, tome 2 de Mathieu Reynès et Valérie Vernay (Dupuis)

Les prochaines chroniques :

– END T1 de Barbara Canepa et Anna Merli (Soleil)
– Blanche neige de Maxe L’Hermenier, Looky et Lamirand (Ankama)
– Nous Anastasia R de Cothias, Ordas et Berr (Bamboo/Grand Angle)
– Les reines de sang, Tome 1 : Aliénor, la légende noire d’Arnaud Delalande, Simona Mogavino, Carlos Gomez et Erwan Le Saëc (Delcourt)
– Dakota T1 de Dufaux et Adamov (Glénat)
– Justine : D’après le marquis de Sade de Guido Crepax et Dominique Grange (Delcourt)
– Burlesque girrrl de François Amoretti (Ankama)