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La BD du jour : Bourbon Street T2 de Philippe Charlot et Alexis Chabert



Suite des aventures épiques de notre quartet de vieux jazzmen sudistes. Après nous avoir émus dans un premier volet subtil nous retrouvons Alvin, Oscar, Joe et Cornélius sur les routes pour une dernière tournée en signe de rédemption. Un vrai coup de cœur !

 

Rappelons-nous. Dans le premier volet de Bourbon Street, Alvin, un guitariste de jazz au seuil de la retraite, décidait de reformer le groupe qui aurait pu lui donner une gloire même éphémère. Il réunissait ainsi Oscar, Joe et surtout Cornélius, le trompettiste qui imposait il y a plus de 50 ans sa touche sur une musique faite de balbutiements les plus divers : balbutiements d’une musique fraîche en parfaite adéquation avec son époque, balbutiements amoureux d’une passion naissante qui devait s’avérer tragique. Un agent trouvé pour booster le quartet et voilà nos papys sur la route, à la poursuite d’une hypothétique gloire, tout du moins l’espèrent-ils. Et pourtant c’est autre chose dont il va être question ici. Les fantômes ressurgissent toujours à la croisée des chemins, pour signifier peut-être de façon prégnante qu’ils n’en ont pas fini avec les vivants, qu’une porte reste ouverte malgré eux dans cet entre-deux qu’est la mémoire évanescente de nos actes passées.

Le second volet de Bourbon Street débute donc sur la route, celle des tournées harassantes et interminables entrecoupées de pas mal de déboires et de situations cocasses. Le musicien de jazz doit s’attendre au pire même au faîte de sa gloire. Salles froides ou surchauffées, lieux sordides et improbables, villes ternes et sans âmes deviennent souvent le portfolio des musiciens baroudeurs. Et pourtant il en faudrait plus pour désarçonner le jazzman et encore plus Alvin et sa troupe d’un autre âge. Même si la musique prend le dessus sur les déceptions du moment, la nostalgie d’un passé révolu vient pourtant gangrener les pensées des deux destins d’Alvin et Cornélius autour de la mémoire d’Angélina. C’est elle qui occupe les pensées des deux hommes tout au long de cette tournée qui vire à la rédemption. Alors la musique ne peut vraiment éclore car elle reste empreinte de remords et d’incompréhensions là où il faudrait la teinter de tristesse et de violence. Mais l’incroyable se produit parfois ou détour d’un chemin a priori anodin…

Avec la suite et la fin de ce diptyque, Philippe Charlot et Alexis Chabert nous offrent un récit poignant, véritable aventure humaine qui aborde en substance des thématiques sensibles comme la ségrégation dans les Etats du sud des Etats-Unis, le deuil et la nécessaire reconstruction, le rapport au temps qui passe et qui martèle nos esprits et notre santé. On prend un sérieux plaisir à parcourir cet album où l’ambiance des clubs de jazz et au-delà l’esprit jazz transpire à chaque page. On y découvre aussi une dose subtile et tendre de fantastique avec les apparitions et le rôle joué par un certain Louis Armstrong. Une véritable pépite qui hume bon ce mélange de maïs et de seigle, de vieux fûts fumés et cette passion nécessaires à l’élaboration d’un excellent bourbon…

Philippe Charlot et Alexis Chabert – Bourbon Street T2 – Grand Angle – 2012 – 13,90 euros