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La BD du jour : Charonne – Bou Kadir : 1961-1962, Une enfance à la fin de la guerre d’Algérie de Jeanne Puchol



Les hommes peuvent-ils être maitres de leur destin ? En manifestant contre la guerre en Algérie, ses conséquences directes et pour la disparition d’un empire colonial qui détonne à l’heure des libérations et des espérances nouvelles, des hommes et des femmes sont mortes le 8 février 1962. Jeanne Puchol livre un témoignage poignant sur le sens de l’histoire et notre devoir de mémoire…

 

Jeanne Puchol se souvient. Elle avait quatre ans lorsque les évènements du métro Charonne se sont produits. Nous devrions même plutôt parler de massacre. Souvenirs épars. Celui d’une mère partie manifester – ses parents se relayaient dans les cortèges pour ne pas laisser leur fille seule – et qui miraculeusement évite de plonger en fin de manif, là où les policiers de tout poil chargent avec une férocité, une hargne sans pareille. Résurgences d’un passé militant expliqué cinquante ans plus tard à Jeanne qui essaye de comprendre.

La famille habite près du lieu où survient la répression sanglante de la manifestation au métro Charonne en ce triste et sombre février 1962. Jeanne évoque avec ses parents ces moments de tension. Une époque qui lui échappe car préservée, mise à l’écart de cette société déliquescente. La mémoire se brouille, la confusion gagne, le temps fait son office sur les détails pour ne garder que le bruit des bidules, des charges sauvages, des cris et des pleurs, des chants nourrissant les convictions toujours plus fortes. Au contraire de se lisser la sculpture du temps ainsi conservée accentue les traits, les rend difformes, étirés au possible sans leur laisser une chance de s’adoucir. Le passeur fait son office il transporte avec lui les âmes des morts sur l’Achéron avec politesse, bienveillance même – ils méritent bien ça – jusqu’à risquer de faire chavirer la barque gorgée jusqu’à plus soif. Mauvais cauchemars ? Non seulement folie des hommes qui les désunit jusqu’à les dresser les uns contre les autres. Rien ne sera pareil après ce terrible jour de 1962. Le temps ne gomme que les détails, les artefacts, les substrats sans odeur mais conserve ce qui fonde nos croyances en un avenir meilleur.

A une époque où l’homme perd l’envie de faire entendre sa voix, par peur ou résignation, où ses pas ne rythment plus le pavé, faisant cliqueter l’espoir d’un changement, le récit de Jeanne Puchol se lit avec cette émotion qui nous parcourt le corps et nous redonne cette croyance que l’homme peur agir sur son devenir. Un récit qui complète Dans l’ombre de Charonne de Désirée et Alain Frappier paru lui-aussi en début d’année 2012.

Jeanne Puchol – Charonne – Bou Kadir : 1961-1962, Une enfance à la fin de la guerre d’Algérie  – Tirésias – 2012 – 12,20 euros