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La BD du jour : Clandestino de Marazano & Bufi



Récit poignant, Clandestino présente le destin de Gabriel qui devra, bien malgré lui, devenir le « bras droit » d’un flic ripoux acteur majeur d’un trafic d’armes à destination de l’Amérique du sud. Le sésame vaut son pesant d’or, un visa aux Etats-Unis pour sa jeune sœur et des perspectives d’une vie meilleure. Mais cet idéal possède un prix et le jeune garçon l’apprendra bien vite…

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CLANDESTINODe nos jours, en Afrique, deux hommes ligotés sont balancés depuis un 4X4 en pleine savane au milieu même d’une faune dangereuse qui d’évidence ne fera qu’une bouchée d’eux. Le premier, plus âgé, se nomme William, le second quant à lui porte le nom de Gabriel. Ce préambule pose des interrogations qui seront levées progressivement par l’histoire qui nous est proposée ici Richard Marazano.

Nous basculons de fait vingt ans en arrière à New-York. Sur le port de marchandise un bateau fait l’objet d’un contrôle poussé des douanes. Et pour cause l’immigration clandestine en provenance d’Amérique du Sud bat son plein à une époque où les poches de résistances de quelques groupes armés plongent certains pays dans des tensions palpables. Devant le no future affiché la fuite semble une option comme une autre et c’est par centaines que les migrants prennent place à bord de navires marchands cachés dans des containers à la merci de ceux qui se jouent d’eux en amassant quelques liasses de billets verts. Gabriel et sa sœur Maria font partie de l’un de ces voyages. Et plus précisément de celui qui nous intéresse dans ce récit.

La police dépêchée sur place n’est pas des plus amicales pour les clandestins qui ne doivent en aucun cas poser le pied sur le sol américain. Dans les échauffourées qui suivront Maria sera blessée en essayant de prendre la fuite. Alors qu’elle se fait soigner par des médecins, William, un policier, engage la conversation avec Gabriel, son aîné âgé de 13/14 ans. L’agent des douanes semble intéressé par le fait que le jeune ado parle un anglais plutôt correct et se dit qu’il pourra peut-être l’aider à envisager un avenir meilleur. Car le flic ripoux fomente un plan d’envergure à base de trafic organisé de vente d’armes à destination de l’Amérique du Sud. Gabriel lui servira non seulement d’interprète mais lui permettra de lire dans les sous-entendus qui lui échappent et qui font souvent la différence dans les contacts avec l’autochtone pas toujours facile et à la gâchette rapide… S’il accepte Gabriel pourra rester aux Etats-Unis et sa sœur aussi… Donnant donnant plutôt obséquieux entre un flic attiré par l’argent et le pouvoir et un gamin avide de liberté et de sécurité pour son avenir.

Avec le premier volet de ce triptyque Marazano arrive à poser le cadre d’un récit poignant qui veut lever le voile tout à la fois sur le drame de l’immigration clandestine vers les Etats-Unis mais aussi et surtout sur la manipulation des gens dans l’obligation de composer et de négocier avec le diable dans le seul but de survivre. Le récit laisse un potentiel de déroulé avec peu de limites (les thèmes abordés, trafic d’armes, conflits en Amériques du sud, jeunesse brisée, sens du sacrifice… sont légions) ce qui augure d’une belle suite. Le dessin d’Ennio Bufi se meut dans le récit en crédibilisant ce qui se trame. Le jeu de regard des personnages mais aussi le cadre qui sert au récit sonnent « vrais » ce qui dénote un travail efficace qui ne s’inscrit ni dans la surenchère d’effets ni dans le dénuement total. Le dessinateur s’autorise par contre une utilisation bien sentie des fonds perdus pour densifier certaines scènes qui participent à accentuer les tensions palpables dans le récit. Un opus qui pose de bonnes bases et dont on fleure une suite à la hauteur de nos espérances !

Marazano/Bufi – Clandestino – Grand Angle – 2013 – 13,90 euros