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La BD du jour : Grumf de Enfin Libre



Fable futuriste détonante, Grumf s’impose comme un exercice de style singulier qui place le lecteur dans un rôle actif, le pousse à se poser des questions et à reconsidérer ce qu’il pensait comme acquis. Un message certes pas forcément joyeux, caricaturiste à souhait mais pour autant loin du ressassé misérabiliste…

 

Nous sommes dans un futur relativement proche. Certains indices le prouvent et notamment cette persistance des problèmes qui envahissent et polluent notre quotidien. Le capitalisme décline et accumule les claques qui prouvent qu’il n’est peut-être qu’une parenthèse dans l’histoire de l’humanité entre deux périodes encore plus troubles… Mais revenons à notre contexte, pris par une quatrième crise le G33 prend des mesures radicales contre la prolifération du virtuel et pour le retour à un certain étatisme. Pour une frange de la  population qui milite depuis un certain temps pour repenser le monde, au point de mettre en place une langue propre susceptible d’être apprise et comprise par tous, l’annonce de la décision des hautes instances qui dirigent (?) le monde sonne comme une victoire. Mais comment comprendre cette victoire ? Quand des travailleurs votent pour la fermeture de leurs propres usines, quand les hommes laissent leur fierté et leur singularité se noyer dans un océan de partages sans partage, quand la meilleure façon d’avancer se lit dans un retour aux « sources », celles de la terre, de la rusticité, de l’obscurantisme qui voit éclore les sectarismes et les repliements sur soi, peut-on encore parler de victoire ou de progrès ? Le progrès ne passe-t-il pas par une société plus harmonieuse pour tous qui sait vaincre ses carences et juger ses erreurs pour avancer ?

Enfin libre nous propose avec Grumf un album trace, un de ceux qui s’imposent aussi bien par le fond que par sa forme. Car de la forme, parlons-en ! Accompagnant l’idée qui se trame derrière cet exercice de style, à savoir le fait de tout sacrifier/remettre en cause pour atteindre un nouveau bonheur/équilibre, les planches suivent le même chemin et les dessins de départ, colorés et parfois chargés, déclinent au fur et à mesure que l’album propose ses théories d’une nouvelle organisation de pensée. Les couleurs se ternissent puis finissent par virer dans des dégradés de gris pour enfin se laisser choir dans un noir et blanc minimaliste. Par cela Enfin Libre nous laisse nous interroger sur notre façon d’envisager notre avenir. Si nous devons être attentif pour ne pas tout accepter, devons-nous pour autant ne plus croire en un futur certes pas forcément coloré et limpide mais qui, par ces dangers, ses espoirs esquissés et cette farouche envie de ne pas rebrousser chemin, doit s’imposer comme le fil d’Ariane capable de nous pousser hors du labyrinthe de nos doutes et de nos peurs ?

Enfin Libre – Grumf – La Boîte à bulles – 2012 – 13 euros