Récit d’avant-guerre romancé et teinté de fantastique. Tel n’était pas jusqu’alors le crédo des deux scénaristes Cothias et Ordas. Pourtant dans Hindenburg les deux auteurs développent une trame surprenante autour de ce zeppelin de légende qui impose graphiquement sa superbe. Nouvelle série à suivre de près…
Sur les terres reculées du Labrador en ce début de mars 1936, Diane, la fille d’un exploitant de bois du grand nord, rend visite à Ahota, un vieil indien qui avait jadis sauvé des loups son père. La jeune femme opère le même rituel depuis qu’elle est en âge de le faire. Fraichement débarquée de son hydravion elle est accueillie par une bête féroce, mi-loup mi-ours dont elle n’arrive pas à avoir peur. A bord de son appareil la jeune femme a chargé une bonne quantité de bouteilles de whisky afin d’aider l’homme à supporter la dureté de l’hiver qui cingle la peau et la flétrit plus vite qu’ailleurs. Cette année Ahota sent que la fin n’est plus très loin et il explique à Diane son intention de reprendre contact avec ses descendants éparpillés un peu partout, notamment en Europe. Ses arrière-petits-fils détiendraient en effet un pouvoir particulier qui pourrait permettre de préserver le monde d’un immense danger, « Mais ils doivent y aller ensemble, sinon ils perdront » explique-t-il. La seule piste capable d’aiguiller Diane réside dans une carte postale reçue par Ahota provenant d’Allemagne et écrite par un certain Peter Braun, architecte-décorateur affecté par le Reich à la Deutsche Zeppellin Reederei pour travailler sur le Hindenburg, ce dirigeable qu’Hitler se fait fort de construire afin de magnifier sa puissance. Diane tentera d’infiltrer les services du Reich à Friedrichshafen, là où est assemblé le dirigeable, pour approcher ce premier contact au risque de tomber dans les griffes du loup… Parallèlement à cela le régime nazi développe, dans un Centre d’entrainement et de recherches ésotériques, un programme qui pourrait influer sur le sens de l’histoire à venir…
Adeptes des récits historiques documentés (Ambulances 13, La Rafale, Nous Anastasia R, L’oeil des dobermans…) le duo de scénaristes Patrick Cothias et Patrice Ordas explorent cette fois-ci la montée en puissance du régime nazi dans la seconde moitié des années 1930, une période qui devait changer la face de l’Europe quelques années plus tard. Pour décrire le régime qui devait mettre le vieux continent à feu et à sang dès 1939, Cothias et Ordas choisissent de ne pas s’attaquer au sujet de front et au travers de personnages clefs de l’histoire réelle, mais retranscrivent l’époque par le biais d’hommes secondaires ou fictifs. Cela permet au récit de ne pas sombrer dans le déjà-vu qui aurait pu nuire à la narration tout en préservant la retranscription d’une trame en partie réelle. Les recherches sur la race pure, les camps d’extermination, la chasse à ce que le IIIème Reich défini comme des sous-hommes (juifs, homosexuels, roms…) sont abordés dans ce premier opus. Les auteurs innovent cependant par rapport à leurs précédents récits en incluant une part de fantastique et de mystique par le biais d’hommes et de femmes recrutés pour leurs pouvoirs particuliers (lire le futur, télékinésie, invisibilité, donneur de sort…). De fait Hindenburg ne se cantonne pas à la seule histoire romancée mais apporte une touche de sel supplémentaire que l’on ne saurait bouder. Le dessin de Tieko restitue tout à la fois la portée historique du récit et son caractère fantastique dans une alternance de climats remarquablement bien maitrisée. A suivre donc avec curiosité !
Cothias/Ordas/Tieko – Hindenburg T. 1 – Grand Angle – 2013 – 13,90 euros
Et voici la bande-annonce de cet album !
Hindenburg – La menace d’un crépuscule par grandangle-bd