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La BD du jour : Jeangot T1 de Joan Sfar & Clément Oubrerie



S’attaquer à la biographie d’un géant du jazz tel que Django Reinhardt, il faut déjà être assez fort pour l’entreprendre. Mais si en plus cela se fait en transposant le récit de la vie du musicien en récit animalier bourré d’humour, il faut oser. Sfar et Oubrerie l’ont fait et avec brio et panache ! un must…

 

Comme dans pas mal de domaines l’art, et notamment la musique, se construit autour de noms qui traversent les âges, qui s’imposent comme des valeurs, des moyens de comparer les époques et de saisir les évolutions d’un genre. Django Reinhardt fait partie de ces références incontournables. Le jazz manouche qu’il développa à partir de la fin des années 20 insuffla un vent nouveau dans lequel certains musiciens essayèrent de le rejoindre ou de le suivre, car le génie du guitariste avait du mal à trouver son répondant à une époque où la musique se teintait de nuances et de courants les plus divers. Virtuose de l’instrument, autodidacte, animé d’une soif de jouer à s’en égratigner les doigts, Django Reinhardt bouscula pas mal de choses de son vivant, inscrivant progressivement son nom au firmament d’un genre qui devait ensuite lui rendre de vibrants hommages.

Joan Sfar propose avec Jeangot une biographie du guitariste manouche construite en triptyque. Il confie le dessin à Clément Oubrerie révélé récemment par la série Pablo, scénarisée par Julie Birmant. Si nous connaissons l’intérêt que porte Sfar à la biographie (Gainsbourg, Brassens, Chagall…), celle-ci s’impose par son approche décalée et franchement humoristique, vous allez vite comprendre pourquoi.

Niglaud, un hérisson d’un âge certain, raconte bien des années plus tard son histoire vécue avec Jeangot, le Renart surdoué de la gratte. A vrai dire ces deux-là se sont croisés très tôt au sortir du ventre de leur mère respective dans une roulotte juchée sur un terrain non balisé en Belgique. Les Renarts n’aiment pas les hérissons, d’ailleurs ils les mangent dès qu’ils en ont l’occasion. La survie de Niglaud relève donc du miracle et à une adoption précoce par le jeune Jeangot. Dès lors, les destins du hérisson râleur et du renard enchanteur se trouveront liés irrémédiablement. Dans le premier volet de cette série nous découvrons donc la jeunesse du musicien et de son acolyte – faite des bêtises classiques entre gamins découvrant la vie, l’amour et la musique – jusqu’à l’approche de leur vingtaine. Nous les suivrons lors de leurs premières prestations dans les bals et bordels parisiens jusqu’à l’incident (une bougie renversée) qui allait mettre le feu à la roulotte de Jeangot… Feu dans lequel le musicien manqua de perdre la vie. Hospitalisé en urgence, le jeune homme renversera les pronostics très pessimistes des docteurs qui l’auscultent à l’hôpital et pensaient devoir l’amputer de la main gauche.

Un récit éminemment drôle calqué sur la vie du guitariste. Le scénario tout à la fois déjanté de Sfar, accompagné d’un dessin relevé de Clément Oubrerie qui transpire l’humour à chaque planche font de Jeangot un album particulièrement frais à lire sans modération pour dénoircir nos quotidiens…

Joan Sfar/Clément Oubrerie – Jeangot T1 – Gallimard – 2012 – 14 euros