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La BD du jour : Kililana song T1 de Benjamin Flao



Un village isolé dans un archipel magique du Kenya. Des personnages y gravitent et défient le temps. Naïm, jeune garçon de onze ans serpente ses rues à la recherche d’un havre de paix, d’une attention. Récit d’une humanité bouleversante, à partager…

 

 

Parcourons un village typique de la côte Est africaine, si possible localisé au Kenya dans une région aux superbe paysages dans l’archipel de Lamu. Au lever du jour, peu après huit heures du matin vous apercevrez sûrement un jeune garçon courir à travers ses rues. Pas très grand, pas dissemblable des autres enfants de son âge, si ce n’est son aversion pour l’école, et notamment pour ce professeur qui s’autorise à le frapper quand bon lui semble. Le garçon préfère donc déambuler dans les rues martelées par le soleil. Lui c’est Naïm et l’homme qui le poursuit son grand frère Hassan. La course se prolonge souvent une partie de la matinée mais Naïm l’emporte toujours.

Dans une ville gangrénée par la corruption administrative, la prostitution, un tourisme décalé qui fait se juxtaposer une misère latente – si elle n’est pas durablement ancrée dans la plupart des foyers – et une richesse indécente exhibée par un pan de touristes exécrable, dans une ville qui plie aussi sous un trafic qui sévit près de ses côtes, berceau des pirates voisins originaires de Somalie, et par ces investisseurs qui viennent s’offrir leur paysage carte postale en construisant des villas surdimensionnées sans s’attacher à comprendre l’histoire du terroir sur lequel ils veulent les édifier, le jeune Naïm se pose en observateur du quotidien. Il décortique avec ses yeux d’enfant ce qui se trame çà et là. Curieux il n’hésite pas à s’aventurer vers les gens qu’il croise dans les différents quartiers de la ville et jusque sur ses toits.

La ville, cette ville qui s’impose comme le meilleur ami de Naïm. Ces ruelles surchargées et étroites, ses toits de paille, ses palmiers, ses manguiers, ses places ensoleillées où l’ombre se fait plus rare au fil de la journée, son port chargé de bateaux de pêche, car la pêche reste l’activité principale de Lamu, son cinéma où il est si facile de berner Lamine, l’ouvreur, pour y entrer sans payer et son kaléidoscope de couleurs toujours plus métissées, les bleus dégradés qui se répandent sur la ville à la tombée du jour, les jaunes et les orangés des bars la nuit venue, le blanc assassin révélé par les façades radieuses qui font cligner des yeux, les verts de la brousse et le gris des poissons insolents.

Dans cette ville donc, amie de Naïm, on y croise un folklore de personnages décalés. Gunther, le capitaine de marine néerlandais, Ali, le vieillard gardien d’un arbre chargé d’histoire et de légendes, le Nacuda, autre vieillard fumeur de plantes interdites, Dounia la petite voisine qui vient chercher de l’eau au coin de la rue…

Tout cela habite le récit de Benjamin Flao. Kililana song possède un charme indéfinissable. On tourne ses pages avec l’envie d’en savoir plus, l’envie aussi d’apprivoiser Naïm et se dire que l’Afrique restera toujours à son image, mélange de richesse humaine et d’insouciance. Un album précieux pour ce qu’il est et pour ce qu’il fait naitre d’images en nous…

Benjamin Flao – Kililana song T1 – Futuropolis – 2012 – 20 euros