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La BD du Jour : La bombe de Didier Alcante, Laurent-Frédéric Bollée et Denis Rodier (Glénat)



L’histoire de la bombe atomique, de l’idée même de sa construction à Hiroshima et Nagasaki. Un témoignage saisissant, documenté et d’une grande lisibilité malgré sa pagination importante (près de 500 pages). Un récit choc, un monument. Incontournable !

La guerre tire à sa fin. En Europe, le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule devant l’avancée des troupes alliées qui parviennent jusqu’à la capitale du IIIème Reich, défigurée à jamais. Dans le Pacifique, un autre combat se joue entre le Japon et les Etats-Unis. Un combat total dans lequel le sacrifice devient la seule issue possible pour un Empire nippon voué à une défaite désormais inéluctable. Le 6 août 1945 est lâchée sur Hiroshima la première (hors essais) bombe atomique de l’histoire. Trois jours plus tard les Etats-Unis procède au même exercice au-dessus de Nagasaki. Une autre histoire s’ouvre dès lors pour l’humanité. Une histoire dans laquelle l’homme, pour la première fois, démontre qu’il peut s’autodétruire à grande échelle. Là où les catastrophes naturelles, cyclones, éruptions volcaniques ou tremblements de terre pouvaient dessiner les contours d’un véritable chaos, la bombe atomique, comme le décrira plus tard le philosophe Gunther Anders, plonge l’humanité dans le « Temps de la fin », celui dans lequel l’homme peut provoquer lui-même chaque jour la fin du monde, ou au moins la fin d’un monde.

La Bombe, énorme récit proposé par Alcante, Bollée et Rodier nous invite à comprendre comment l’humanité est parvenue à cette nouvelle ère. La crainte que l’Allemagne parvienne la première à construire la fameuse bombe force les chercheurs Leo Szilard et Eugene Wigner à se rapprocher d’Albert Einstein qui seul pouvait attirer l’attention du président américain sur les dangers de cette hypothèse. Si l’Allemagne parvient à disposer de la bombe, les cartes seraient totalement redistribuées. Une course s’ouvre dès lors pour mettre la main sur l’uranium, notamment celui du Katanga, afin de réaliser les essais et parvenir à créer une réaction en chaîne destructrice. Cette course à la bombe n’est pas l’apanage seul de l’Allemagne et des Etats-Unis. Le Japon mais aussi la Russie se mêlent à la course. Chacune des quatre grandes puissances débloque des fonds colossaux et regroupent ses chercheurs, physiciens en tête, pour sortir vainqueur de cette course folle. Un seul gagnant au final, s’il nous est possible d’utiliser ce mot, suivi de la fin d’une guerre aux millions de victimes et l’assurance d’un futur désormais gangréné par la peur d’une guerre nucléaire possible entre les blocs soviétiques et américains.  

A partir d’une énorme documentation maitrisée, les trois auteurs de ce projet livrent le récit de la bombe atomique avec un souci de vulgarisation qui ne vire jamais à la simplification dénaturante des faits. Ils offrent ainsi un récit dense qui n’occulte pas les tensions entre chercheurs et politiques aux visions parfois radicalement opposées. La notion même de progrès se voit, au travers de ces deux visions divergentes, égratignée puisque la recherche, dont la finalité reste de proposer un monde meilleur aux hommes, se voit ici utilisée à des fins plus sombres. Que vous soyez intéressé par la seconde guerre mondiale, l’histoire des sciences ou tout simplement curieux de connaitre les évènements qui aboutirent à la matérialisation des deux bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki – dont les auteurs n’occultent pas le tragique au travers de la petite histoire d’un père de famille dont l’ombre projetée sur un escalier devient l’un des symboles de l’horreur qui frappa les civils – ce livre est fait pour vous. Un témoignage saisissant, parfois glaçant, pour ne pas oublier…

Didier Alcante, Laurent-Frédéric Bollée et Denis Rodier – La Bombe – Glénat