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La BD du jour : La Somnambule de Michaka & Thouard



Un polar à l’américaine dans lequel l’amnésie pourrait être salutaire, dans lequel une Mustang sort de son garage la nuit venue à l’insu des habitants d’un immeuble, dans lequel enfin réalité et fiction se rejoignent, s’entremêlent et reconstruisent la vie perturbée d’une héroïne à la dérive… Bien des éléments pour faire naitre le suspense !

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L.10EBBN001617.N001_LaSOMNAMB_C_FRUne jeune femme qui parait à la dérive essaye de reconstruire en elle le puzzle des images de son passé. Marian Tansey ressemble à l’américaine moyenne des années 70, bien sur elle et discrète sans être trop effacée. Elle cache pourtant un mal qui la ronge et l’isole de ses proches : elle a perdu toute image nette de son passé au-delà des deux dernières années. Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Est-elle mariée et a-t-elle des enfants ? Comment a-t-elle pu disparaitre sans laisser de traces ou d’inquiétudes chez ses proches ? Est-elle folle ou atteinte d’un mal incurable ? Tout un lot de questionnements qui la rongent au point de la plonger le soir venu dans des cauchemars toujours plus réels. Elle a trouvé refuge chez Ruth, une femme qui gère une association et qui lui loue une chambre en échange d’un job de vendeuse dans une brocante. Mais voilà, elle n’a pas de papier donc pas d’identité et lorsqu’elle débarque dans un garage pour acheter une Mustang d’occasion, le patron lui oppose un refus catégorique. Dick, le vendeur, tout à la fois charmé par la belle Marian et suffisamment intrigué par cette histoire essaye d’en savoir plus sur elle. Il lui avouera être à la recherche d’une chambre. Cela tombe bien puisque Marian sait que Ruth, sa logeuse et employeuse, en possède une inhabitée. L’affaire est conclue. Comble de satisfaction pour Marian, Ruth accepte de lui financer le prêt pour la Mustang. Cet enchaînement de faits pourrait nous éloigner du polar, pourtant nous y replongeons bien vite. En effet la fameuse Mustang rangée dans le garage de l’immeuble semble être utilisée la nuit. Marian découvre en effet des mégots de cigarettes chaque lendemain matin. Qui se sert de la voiture et dans quel but ? Mauvaise blague ou utilisation à des fins moins nobles ? La jeune femme mènera l’enquête. Elle y trouvera peut-être des réponses insoupçonnées qui lui permettront de se rapprocher de celle qu’elle est. Mais l’amnésie ne possède-t-elle pas aussi ses qualités ?

Adapter Helen McCloy n’est pas mince affaire et surtout sur un polar comme La Somnanbule. La perte progressive des repères chez l’héroïne et le perpétuel balancement entre réalité et imaginaire auraient pu donner à voir un récit dont les subtilités introduites par l’auteure américaine seraient gommées, laissant flotter un magma de faits difficilement rattachables entre eux. Au contraire Stéphane Michaka laisse planer le doute et le suspense dans un récit dont les pièces s’assemblent subtilement entre elles. Cela donne une superbe adaptation – qui prolonge même l’effet angoissant procuré lors de la lecture du roman – qui fait naitre des images parfois mystiques ou anxiogènes parfaitement prolongées par Jean-Louis Thouard au dessin. Un dessin qui rehausse les inquiétudes et troubles induits par le scénario grâce à l’utilisation de traits et de couleurs parfois troubles qui naviguent entre rêve éveillé et réalité fantasmée. Un côté sombre qui se trouve reproduit de main de maître par Jean-Louis Thouard qui excelle dans cette descente aux enfers. Au final un album qui parvient à offrir ce que l’on attendait de lui !

Michaka/Thouard – La Somnambule – Casterman – 2012 – 18 euros