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La BD du jour : Le sourire de Mao de Cornette & Constant



Une Belgique coupée en deux avec une Wallonie placée entre les mains d’un Président qui se fait appelé capitaine et qui se met en tête d’acheter à la Chine la dépouille très bien conservée de son idole Mao Tsé-Toung. Telle est la trame délirante de ce récit proposé par deux auteurs belges qui, dans une extrapolation qui pourrait être crédible, portent un regard sur le glissement fascisant de certains régimes européens. A méditer sans perdre le sourire !  

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MaoLe sourire de Mao prend place dans un futur proche. La Belgique, gangrénée par des querelles intestines entre Wallons et Flamands, a décidé de se scinder en deux états indépendants. La République Démocratique de Wallonie se trouve placée entre les mains de Delcominette, un président fascisant qui cultive le culte de l’image comme d’autres dictateurs par le passé. D’ailleurs c’est le corps embaumé de l’un d’eux, Mao Tsé-Toung, qui fera l’objet d’une tractation acharnée entre la nouvelle République et les autorités chinoises. Le colosse asiatique a depuis quelques temps viré de bord pour découvrir les lois du marché et de l’économie libérale. Lorsque Delcominette décide d’approcher ses nouveaux dirigeants pour acheter à prix d’or la dépouille de l’ancien dictateur, ces derniers n’hésitent pas un instant à se débarrasser de cette icône du communisme qui reflète mal les idées actuelles qui bercent la puissance économique du Levant. La République de Wallonie cultive le culte de l’image et de l’apparence. L’acquisition de la dépouille de Mao, n’en est qu’un symbole parmi d’autres. Les sections de scouts, tendance balillas, fleurissent ainsi dans le plat pays et alimentent une culture et une idée de l’ordre et de la défiance envers ceux qui n’épousent pas les valeurs du nouveau régime. Ces cellules, bercées dans l’idéal politique de Delcominette, entendent ainsi faire respecter l’ordre, parfois de manière plus efficace que la police.

Ludmilla jeune Fauve de Hesbaye, Antoine, garçon critique envers le régime et Franck, jeune adulte désœuvré vont ainsi se croiser par l’entremise d’un destin parfois troublant qui semble échapper à chacun d’eux. Revenons sur les faits. Franck, provoqué dans un bar par des scouts, tire sur l’un d’eux, le tue et se voit placé en prison, sans que son interpellation et son acte ne passe inaperçu dans les médias. Antoine rencontrera Franck en prison. Le jeune homme un brin rebelle a lui aussi eu quelques déboires avec la justice pour une histoire dans laquelle Ludmilla est partie prenante en tant que victime. Mais les apparences sont parfois trompeuses et le parcours de chacun des trois héros se déliera au fil des planches pour révéler quelque chose de plus manichéen…

Dans ce récit atypique qui mêle une fiction pas si déconnante au regard de l’actualité récente, Cornette au scénario arrive à parodier le politique et ses travers en usant de ce qu’il faut d’extrapolation pour naviguer entre sérieux et grande farce. Le président démago et mégalo représenté par Delcominette peut recouvrir sans peine les traits de quelques leaders européens présents ou passés. Au travers des médias manipulateurs à la solde du régime, la société semble s’endormir doucement. Pour autant le récit ne vire pas dans le « zéro espoir » et c’est bien là tout son charme. Car le citoyen peut toujours influer sur le sens de son destin, pour peu qu’il accepte d’ouvrir les yeux et de se questionner sur la légitimité des actes de ceux qui agissent au nom de l’intérêt supérieur de leur pays. Le dessin de Constant quant à lui respire la fraîcheur, se fond dans le récit en sublimant le déroulé qu’il teinte de cette dose d’humour qui évite d’en faire ressassé partisan. Le suspense est aussi au rendez-vous est fait de cet album une des belles découvertes du printemps.

Cornette & Constant – Le sourire de Mao – Futuropolis – 2013 – 16 euros