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La BD du jour : Médée T1 : L’Ombre d’Hécate de Le Callet & Peňa



Relire la mythologie pour essayer d’en tirer une nouvelle lecture peut-être plus fine et plus nuancée que ce que la tradition a bien voulu transmettre. Médée reste dans la Grèce antique la femme infanticide, fratricide et meurtrière, prête à tout dans un but de vengeance. Mais qui est-elle vraiment ? Et peut-elle redorer son blason, renaître sous des traits plus nuancés ? C’est cela que Blandine Le Callet va s’attacher à nous révéler au travers d’une série qui devrait ne pas manquer d’aiguiser notre curiosité de lecteur !

Dans un jardin luxuriant quelque part sur les bordures orientales de la Méditerranée une fillette d’une huitaine d’années s’amuse avec des garçons qui l’acceptent dans leurs jeux. Elle s’appelle Médée et son père est le Roi de ce Royaume apaisé. La jeune fille vive d’esprit, respire fraîcheur et intelligence, et, si ce n’était son statut de femme, aurait bien pu succéder à son père Aiétès sur le trône. Mais les traditions bien ancrées paraissent difficiles à contourner et Absyrtos, le fils frêle et atteint d’un mal difficile à cerner pour l’époque qui pourrait être une épilepsie aigüe, se voit maintenue la confiance de son père qui essaye par tous les moyens de trouver l’origine du mal afin de le circonscrire. Médée quant à elle refuse son statut de femme dévouée aux tâches de couture et de broderie, elle aime sa liberté et pourrait tout donner pour la préserver…

Il est des mythes qui marquent plus que d’autres. Celui de Médée en fait partie peut-être en raison du fait que le rôle sombre est détenu par une femme, peut-être aussi car son destin tragique, marqué par ses fuites successives à travers la Grèce antique précédées de meurtres plus ou moins sordides, a laissé des traces durables jusqu’à nourrir toute une série de réinterprétations dans la littérature, la musique classique, le cinéma ou le théâtre. Le premier volet de cette série entend présenter la jeunesse de Médée dans le royaume de Colchide. Une jeunesse marquée par le désir omniprésent d’Aiétès, son père, Roi de Colchide, de consolider son trône et surtout de tout faire pour que son fils Absyrtos, malade et fragile, lui succède malgré tout. Blandine Le Callet maitrise son sujet. La romancière qui s’essaye au neuvième art propose en effet de présenter son récit par la voix de Médée, lui laissant la chance de nourrir sa vision des faits. Le premier volet jette les bases, les indices de déraisons ou de folie meurtrière ne sont quant à eux pas encore palpables, ou à peine esquissés. La suite devrait quant à elle nous réserver des surprises qui pourraient, si ce n’est tenter de réécrire l’histoire, tout du moins nous en proposer une nouvelle thèse différente de celle que l’histoire a bien voulu conserver. Le dessin de Nancy Peňa, passée par Milan Presse et La Boite à Bulles, offre un superbe panorama de la Grèce antique. Le trait tout à la fois expressif et précis sert son récit dans un découpage qui, s’il s’avère classique, possède le mérite de la lisibilité. Médée jeune fille devenue maintenant femme va pouvoir livrer sa version sur les crimes qui lui sont rattachés, le meilleur reste donc à venir, mais cette base, qui humanise le bourreau peut nous amener à une meilleure compréhension des faits à venir…   

Le Callet/Peňa – Médée T1 : L’Ombre d’Hécate – Casterman – 2013 – 15 euros