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La BD du jour : Meilleurs vœux de Mostar de Frano Petrusa



L’amitié plus forte que la guerre ? Pas si évident, du moins peut-on le penser au travers de ce récit qui décline l’adolescence de trois gamins pris dans la tourmente d’une guerre dont ils ne saisissent pas ou mal les enjeux. Récit teinté de nostalgie qui respire une sincère humanité…

 

Dès le début de ce récit le contexte est posé : ça fait vingt ans que je ne suis pas retourné à Mostar. Les ponts sont de nouveau là… La Neretva aussi… En fait rien n’a changé. Très vite la nostalgie transpire de chaque planche qui compose Meilleurs vœux de Mostar. Pas pour s’y enfermer, juste pour faire revivre quelques moments éphémères passés dans une ville troublée dans sa chair par la guerre et l’opposition entre Croates et Bosniaques. Ce récit autobiographique, puisque le héros de l’album n’est autre que son auteur, débute par un retour aux sources. Frano, le croate, revisite vingt ans plus tard la ville de Mostar traversée par la rivière Neretva à une centaine de kilomètres de Sarajevo. Là il y a vécu une partie de son adolescence avant que le conflit ne trouble l’ordre établi au cœur des populations civiles. Plus qu’un récit sur la guerre, qui n’est finalement évoquée qu’en filigrane dans la dernière partie du récit, Meilleurs vœux de Mostar nous présente l’enfance de trois gamins que tout semble opposer mais qui deviendront pourtant inséparables. L’enfance se révèle donc le moteur du récit qui ravive en nous de plus ou moins vieux souvenirs.

Frano débarque à Mostar à la fin des années 80 pour vivre aux côtés de sa grand-mère après le décès de sa mère. Il subit très vite les quolibets de ses camarades de classes notamment en raison de ses origines. Il se liera pourtant d’une vraie amitié avec Goran, jeune serbe qui partage son banc d’école. Avec lui il découvrira la ville, de long en large, depuis le pont qui surplombe la Neretva et qui devient un lieu d’attraction touristique lorsque des jeunes hommes décident pour quelques billets de plonger dans la rivière en contrebas depuis son point culminant, en passant par les collines qui s’élèvent au-dessus de la ville et en offrent un panorama saisissant, et jusque dans ses ruelles étroites dans lesquelles se niche l’église dans laquelle il ira écouter la parole de Dieu sans se sentir forcément dans son élément. Il arpentera surtout les terrains de basket car sa grande taille le prédestine à cette discipline et que Goran lui-aussi se prête d’intérêt pour la NBA, l’esthétisme et la puissance des joueurs qui participent à son championnat et offrent une panoplie de dunks fantastiques. Ils découvriront aussi ensemble la beauté des filles et notamment de Amra la bosniaque dont le frère, grand joueur de basket, leur délivrera quelques astuces pour progresser dans ce sport. Les trois trublions, Frano, Goran et Amra vivront au rythme des saisons avec cet attachement en une amitié indéfectible. Leurs origines les opposent et avec l’arrivée du conflit armée aux portes de la ville, ce bel engrenage va pourtant se dérégler…

Récit simple qui ne vire pas au mélo, il est aussi un panégyrique à l’amitié, un moyen de dénoncer aussi les déraisons des hommes qui les divisent au point de renier le passé pour défendre un avenir et des valeurs qui ne valent pas tant que ça, pas autant tout du moins qu’une relation sincère et désintéressée entre trois adolescents qui découvrent la vie. C’est humainement un très beau témoignage mis subtilement en dessin avec un hommage sincère à une ville que l’auteur de ce récit a appris à connaitre, à apprécier et qui demeure le plus fort symbole d’une harmonie possible entre les peuples…   

Frano Petrusa – Meilleurs vœux de Mostar – Dargaud – 2012 – 14,99 euros