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La BD du jour : Mermoz de Micheluzzi



Le destin des grands aviateurs de l’aéropostale fascine. Pour plusieurs raisons dont la plus évidente reste qu’ils furent de véritables pionniers des airs. Beaucoup connurent un destin éphémère mais ô combien synonyme d’espoir pour les générations qui suivirent. Mermoz possède une aura, c’est indéniable. Pour ses qualités de pilotes mais aussi et surtout pour sa capacité à défier la mort qui ne l’emportera qu’après avoir essuyer plusieurs échecs dans ses tentatives de faucher l’homme avant l’heure. Magnifié par le dessin de Micheluzzi, cet album marque indéniablement les esprits…

 Mavion

couv-micheluzzi-mermozPeut-être plus qu’un autre, Mermoz ne pouvait trouver son équilibre que dans les airs et, lorsque trop longtemps resté à terre il commençait à compter les heures qui le rapprochaient du prochain vol, l’aviateur pouvait devenir acerbe ou corrosif envers les personnes qui l’entouraient. L’addiction pour les airs, le jeune Mermoz la tient de son expérience dans l’armée. Engagé en avril 1920 il décroche son brevet de pilote quelques mois plus tard et se trouve affecté sur les territoires de l’Orient, la Syrie notamment où il découvrira le désert et ses rudes lois. Peu enclin à la chose militaire il accomplira sa tâche jusqu’en 1924 puis cherchera à être engagé dans l’aviation civile sans succès malgré ses brillants états de services. Ces mois de galères au cours desquels Mermoz se contentait d’emplois temporaires sans avenir et mal payés. Ouvrier dans une usine de moteur, laveur de voitures… marqueront le jeune homme plein d’illusions. Tout s’accélère ensuite lorsqu’il reçoit une proposition de la compagnie Latécoère qui recherche des pilotes pour ses lignes à partir de Toulouse. Mermoz n’hésite pas un instant. Pourtant, arrivé sur place et alors qu’il penser voler très vite, le jeune pilote fougueux se heurtera à la rigueur d’un certain Daurat, l’homme qui mènera l’exploitation de la ligne vers l’Afrique. Pour Daurat les états de service de Mermoz ne font pas bouger d’un iota sa position sur la question, comme tout nouveau pilote Mermoz sera d’abord affecté sur un poste de mécanicien…

Mermoz reste une icône de l’aviation et de l’aéropostale. Trop tôt disparu en décembre 1936 alors qu’il n’a pas encore 35 ans, son parcours reste exemplaire et permettra notamment de donner à la France une aura en Amérique du Sud où il ouvrira de nouvelles voies. Il restera surtout comme celui qui a su faire corps avec les airs dont il domptera à plusieurs reprises les humeurs. Aucun n’aurait survécu plus loin que le désert de Syrie, lorsque, pris sous le feu de bédouins hostiles, il ne devra sa vie qu’à une terrible force de caractère et un physique hors normes. Capable de poser son appareil à peu près où il le désirait il réussira à déjouer les caprices de sa machine dont la fiabilité – Mermoz volera à ses débuts sur des appareils utilisés lors du premier conflit mondial et à peine modifiés – n’était souvent pas la qualité première. Il sera le premier à envisager les vols de nuit décriés par la concurrence notamment nord-américaine. Visionnaire donc, peu enclin à la peur, avide de vol, Mermoz sacrifia une partie de sa vie à son destin et c’est peut-être en cela, et par sa mort tragique, quelque part dans l’Atlantique, quelques mois seulement après la disparition de son mécano Alexandre Collenot qu’il doit sa légende.

Micheluzzi livre cette biographie de l’aviateur pour la première fois en 1987. Les éditions Mosquito profitent d’un travail de réédition de l’œuvre du dessinateur pour faire revivre ce titre. L’immersion dans le sujet est totale dès les premières planches si tant que l’on soit réceptif au destin de ce héros des premiers temps de l’aéropostale. Par un trait précis, jouant sur les détails et accentué par un noir et blanc plus en phase avec son sujet, le dessin parvient à nous plonger dans le destin de ce personnage atypique. Mermoz fut adulé en son temps pour ses exploits, il ne céda pourtant à aucune tentation pour faire de son « devoir » une ligne directrice franche. Micheluzzi s’appuie sur la biographie écrite par Kessel sur le pilote pour faire vivre son texte. Même si celui-ci reste dans la biographie tissée de manière chronologique Micheluzzi arrive à magnifier ce destin. Un album brillant.

Micheluzzi – Mermoz – Mosquito – 2013 – 18 euros