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La BD du jour : Mireille d’Anne-Fleur Drillon & Eric Puybaret



Les rêves d’enfants portent en eux suffisamment d’espoirs pour que nous soyons-là pour tenter de les concrétiser. Anatole rêve de voler et il griffonne ainsi des feuilles de machines toutes plus étranges les unes que les autres. Oui mais il manque un détonateur pour rendre tout cela possible. Un détonateur qui pourrait venir de ce vieil étranger venu aménager près de la maison de ses parents…

 Mireille

Couverture BdefChaque enfant vit l’été au rythme des machines à rêves. Loin des préoccupations quotidiennes qui lissent les plaisirs le reste de l’année, il se lève le matin avec le sourire jusqu’aux oreilles, avide de croquer comme dans une belle pomme les heures qui le séparent du coucher du soleil. Nouveaux défis, nouvelles promesses, chaque instant possède sa vérité dont l’enfant décline la panoplie la plus large. Les adultes ne trouvent que rarement la clé de l’univers foisonnant construit chaque jour par l’imaginaire débordant de petites têtes blondes. Alors ils se contentent d’acquiescer ou d’encourager leur progéniture dans leurs extravagantes aventures diurnes. Parfois cependant il arrive qu’un étranger pénètre dans ces no man’s land tapissés d’espoirs et de déraisons. S’ils n’en possèdent pas la clé, ils en connaissent assurément la direction.

Anatole aime à dessiner des machines volantes, celles qui un jour le porteront au loin au-dessus des parterres de blé chauds sifflotant au gré des vents. Alors il griffonne des cahiers et des feuilles pour coucher les plans mirifiques de futurs objets capables de défier les éléments. Si ces parents préféreraient le voir occupé à des activités plus terre-à-terre, le jeune garçon parle de ses projets à son inséparable amie Mireille, l’hirondelle qui stridule de joie devant le regard passionné du garçonnet.

Un soir un vieux monsieur aménage dans la maison située juste à côté de celle de ses parents.  

Il avait une drôle d’allure, ce vieux monsieur ; un air mystérieux.
Il déchargea de sa camionnette tout un tas d’objets bizarres
qu’il entassa dans son jardin. Collé à ma fenêtre, je l’ai observé déambuler
parmi ces vieilleries en marmonnant, des heures entières.
Cet étrange manège continua les jours suivants.
Je n’avais qu’une peur, croiser son regard.

C’est le début d’une complicité comme il n’en existe que rarement. Le vieux monsieur qui intriguait Anatole deviendra celui qui participera à construire et à alimenter ses rêves. Il volera un jour ! Juché sur sa voiture à pédale armée d’une grosse hélice ou sur un vélo rafistolé de bric et de broc, le garçon tentera de mettre ses plans en pratique aidé par son nouveau compagnon.

Anne-Fleur Drillon a composé un texte fait de souvenances lointaines dans lequel le réel et l’imaginaire se mêlent pour teinter chaque instant de magie pure. Il y a dans cette observation tendre de l’enfance beaucoup de poésie et de nostalgie. Elle y décline aussi et surtout ce rapport à l’autre, cet échange essentiel et stimulant entre les générations. Le dessin d’Eric Puybaret en pleine ou double-page, laisse l’espace développer ses effluves. Les ciels sont larges, propices à l’évasion, déclinés dans des couleurs changeantes qui accompagnent les songes lointains. La symbiose du texte et de l’image opère de fait de manière remarquable. On ressent le souffle des vents, les cris de joie d’Anatole face à sa machine à dégommer les piafs, la chaleur des raies de soleil sur la peau et surtout cette ambiance si proche, si lointaine d’une enfance insouciante qui était nôtre il y a de cela quelques temps…  

Anne-Fleur Drillon & Eric Puybaret – Mireille – Margot – 2014 – 19,90 euros