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La BD du jour : Pouvoirpoint d’Erwann Surcouf



Dans un hyper-espace indéfini à une époque elle aussi indéfinie déambule l’Entreprise 2061, un vaste vaisseau qui abrite bien plus que des explorateurs de planète, une micro-société à part entière qui travaille pour un capitaine un brin azimuté fier de ses petites affaires florissantes. Un jour embarque dans le vaisseau un terrien casqué (car porteur de germes) qui vient pour effectuer un stage. Le moyen de découvrir de l’intérieur ce qui se trame dans ce paquebot flottant…

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Pouvoirpoint

Pouvoirpoint d’Erwann Surcouf – Vide Cocagne (2016)

Pouvoirpoint pourrait se résumer en quelques lignes, voire en quelques mots : un jeune terrien, graphiste de son état, est embarqué à bord d’un immense vaisseau flottant dans l’hyper-espace. Placé à la tête (il en est le seul membre) du service « Communication, corpo-média & bonne ambiance », il devra obéir au doigt et à l’œil d’une chef tortionnaire à l’humour plutôt particulier. Pas de quoi fantasmer dans les chaumières me direz-vous ? Oui mais voilà, dès lors que l’on considère le pitch de départ comme un simple cadre, un support pour porter le récit, et que l’on gratte un peu la surface des choses, l’épais album à la couverture solide se voit redimensionné à sa juste valeur. Et ce pour plusieurs raisons. La première et pas la moindre, Pouvoirpoint cache en lui tout un lot de références hétéroclites hommages à un temps révolu ou finalement les hommes étaient bercés par tout autre chose que l’actualité salace affichée par des médias en quête de sensationnel. Côté références donc celles au space-opera, tendance humour décalé à la Dark Star de Carpenter, un genre singulier s’il en est mais particulièrement efficace pour mettre à mal les maux qui traversent notre propre société. Et pour tout dire Erwann Surcouf en met une sacrée couche s’en prenant notamment aux travers du monde de l’entreprise. Services fantômes aux noms alambiqués, inefficacité structurelle chronique, sur-paperasse absurde. Le tout dans un environnement qui nie pas mal l’humain. On pourrait y voir un clin d’œil à Brazil ou à 1984 mais l’univers dépeint dans Pouvoirpoint reste quand même bien plus pop et psychédélique que les noirceurs qui recouvrent les univers de Gilliam et d’Orwell. Autres références succulentes celle à la mythique météo marine de Marie-Pierre Planchon qui nous berçait sur les ondes de France Inter par des mots et des expressions toutes bien choisies qui nous emportaient au loin. Chacun s’amusera donc à dénicher derrière telle ou telle planche une référence à une littérature, un cinéma, une émission passés à la postérité. Il serait pourtant faux et réducteur de résumer Pouvoirpoint à cela, et quand bien même ce serait déjà pas si mal car Erwann Surcouf mène son récit de main de maitre en dotant le pitch étroit de départ d’un suspense qui devient de plus en plus insupportable. Notre graphiste casqué pourra-t-il enfin présenter sa carte de cantine en se rendant au réfectoire ? Si la réponse reste en suspend tout au long de l’album (je vous fais un peu marcher) le vrai suspense, réside dans le sort réservé à nos personnages, car il semble bien qu’un danger se précise au fil des pages et notamment si on prend le temps de s’attacher aux fins de chaque chapitre qui présentent notre héros dans une situation bien peu confortable. Le découpage, sur près de 200 pages, se fait dynamique, les couleurs se fondent totalement dans le ton du récit donnant au fond une efficacité redoutable, bref un moment de lecture plus qu’agréable. Une histoire qui ne manque pas de peps et d’humour et qui recèle de véritables trésors dans chacune des scènes qui nous mène vers Nouméa-du-Centaure, la destination avouée, bien loin de notre chère Terre.

Erwann Surcouf – Pouvoirpoint – Vide Cocagne – 2016 – 23 euros