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La BD du jour : Tomahawk de Patrick Prugne (Daniel Maghen)



Les batailles entre Anglais, Français, Espagnols et les tribus indiennes manipulées et asservies au plaisir des grandes nations furent souvent sanglantes. Dans Tomahawk Patrick Prugne nous conte une histoire qui prend part quelques heures seulement avant que n’éclate la bataille du fort de Carillon. Une tranche de vie au plus près des hommes et d’une nature luxuriante dans la tension palpable du drame à venir…

Le récit prend place quelques jours seulement avant ce qui fut la bataille la plus sanglante de la guerre de sept ans, au fort Carillon, en juillet 1758. Un mois avant l’assaut, Jean, coureur des bois devenu milicien, engagé dans un régiment français, s’apprête à quitter le fort pour traquer le grizzli qui, alors qu’il n’était qu’un jeune garçon, a tué sa mère. Depuis, chaque printemps, au réveil du mastodonte de son hibernation, Jean part à sa recherche. Des Abénaquis auraient aperçu les traces du grizzli, à qui il manque une griffe, près de la cascade des Trois fourches. Sur la base de cette information Jean quitte le fort et descend la rivière en canoé. Arrivé sur le lieu où les empreintes du grizzli ont été aperçues, il entend, non loin de là, des coups de feu. Des Mohawks à la solde des Anglais viennent de massacrer une garnison française et seul un soldat, caché derrière un arbre couché au sol, a survécu et prend la fuite pourchassé par un guerrier indien. Jean le sauvera et les deux partiront dès lors à la quête de l’ours. Mais le parcours des deux hommes reste dangereux pour beaucoup de raisons…

Depuis Canoë Bay, dessiné sur un scénario de Tiburce Oger en 2009, Patrick Prugne explore l’histoire du nouveau monde à sa manière, en se plaçant en périphérie des conflits qui ont opposés Français, Anglais, tribus indiennes et Espagnols. Il le fait en présentant des héros aux lourds passés que l’environnement sauvage des lieux préservés accentue toujours. Ici Jean, depuis qu’il est gamin, a juré de venger la mort de sa mère. La quête obsessionnelle de son personnage donne lieu à une traversée de paysages somptueux que Prugne aime à représenter. Au travers de verts profonds et denses il représente un cadre qui devient personnage à part entière, tout comme l’est la faune, omniprésente, qui rappelle les dangers et la fragilité des hommes : ours, lynx, pygargues, renards, corbeaux, loups et autres cerfs. Ici l’ours, prétexte à la déambulation des personnages, est aussi un moyen de relier Jean à son passé. S’il y a une forme d’exécration de l’homme pour l’animal, reste une forme de respect pour sa puissance, pour ce que la bête détient de la frange d’un passé meurtri. Jusqu’au dernier moment et avant que la bataille n’éclate entre les Français et les Anglais, Patrick Prugne parvient à conserver la tension. En faisant de la petite histoire le préambule à la grande, aperçue toujours de loin et en périphérie. A noter comme souvent dans les albums de l’éditeur Daniel Maghen, le cahier graphique qui suit le récit. Dans celui-ci Patrick Prugne propose d’en savoir plus sur ses personnages sous la forme de deux pages Que sont-ils devenus ? Il offre aussi des recherches et étapes de son travail qui immergent le lecteur auprès du créateur. Sublime !

Patrick Prugne – Tomahawk – Daniel Maghen