La BD du jour : Trois peuples d’Alain Janolle

Un univers fantasy dans lequel des guerres entredéchirent les peuples qui y vivent… Pas foncièrement novateur. Et pourtant Alain Janolle arrive à tisser sa toile. Comment ? Tout simplement par un dosage équilibré entre la délivrance d’informations qui éclairent le lecteur et l’action pure, par la dramaturgie construite autour de personnages foncièrement attachants et complexes et par le talent graphique qu’on lui connaît. Un récit sur la force du pardon, la nécessaire harmonie entre les peuples et la complexité des rapports.

Il est dit que dans leur soif de conquête et de pouvoir les humains avaient asservis le peuple des lémurs qui ne possédaient pas, comme leurs maitres, la technologie et la magie. Les rapports s’étaient tendus si bien que des envies de révoltes ou les désirs d’affranchissements se fomentaient en privé de manière plus appuyés au fil du temps. Un autre danger peut-être plus marqué s’annonçait et inquiétait au plus haut point l’empereur et les chefs de guerre, les reptiles, à la force physique et à la détermination impressionnantes, se rapprochaient dangereusement des territoires conquis par les hommes, au point de menacer à brève échéance la capitale Kanthara. Il était peut-être temps de réagir pour ne pas sombrer… Dans cet empire sous perfusion la petite histoire livrait quant à elle des récits tout aussi poignants. Deux enfants nés d’une mère lémur et d’un père humain avaient vu le jour. Sous la pression reptilienne les rares zones encore franches dans lesquelles les possibles amours interdits pouvaient encore éclorent se trouvèrent vite occupés. La séparation de Mahyia, la mère lémur de Milhaan, le père humain devenait inévitable. Milhaan se résigna à partir au loin avec Soraya sa fille et Héios son fils, leur destin sera séparé dans le désert des Affrides. Quinze ans plus tard les reptiles sont maintenant aux portes de Kanthara qui ne résistera plus très longtemps. Dans ce contexte tendu Soraya et Hélios pourraient bien se retrouver et devenir une des clefs de la survie humaine.

Avec la construction de ce monde foisonnant Alain Janolle livre une copie de haute facture. Le luxe de détails qui fondent et enrichissent en permanence cet univers font de Trois peuple un récit qui prend le lecteur par l’atmosphère qui s’en détache dès les premières planches. L’histoire de Soraya et de son frère, qu’elle dénomme Petit singe en référence aux acrobaties que le jeune garçon aimait à réaliser pour s’amuser, se pose et s’épaissit avec la portée dramatique et romanesque qui sied bien à cet univers protéiforme. L’harmonie entre les peuples semble pure utopie, trop d’intérêts divergents, trop de haine et de rancune accumulées au fil du temps, trop d’envie de suprématie et de sang dans les gueules ouvertes, trop peu d’envie de rechercher une harmonie possible entre les trois entités qui peuplent un monde pourtant vaste et suffisamment riche pour satisfaire chacun. Alain Janolle délivre son message en s’appuyant sur un dessin expressif qui sait souvent se suffire à lui-même. Même si d’un point de vue formel ce récit construit en diptyque – il faudra nous expliquer les raisons éditoriales qui président au choix de sortir deux tomes séparés plutôt qu’un seul plus épais – ne révolutionnera peut-être pas le genre, mais là n’est pas sa finalité. Une finalité qui repose plus sur les rapports entre les peuples, entre les différents personnages de ce récit placés dans des contextes où ils doivent opter dans un temps contraint pour un choix souvent vital pour leur devenir. Un récit particulièrement bien construit et efficace !

Alain Janolle – Trois peuples tomes 1 & 2 – Glénat – 2013 – 13,90 euros l’un.