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La BD du jour : Zéro pour l’éternité de Souichi Sumoto



Récit poignant sur la guerre du Pacifique vu du côté nippon, Zéro pour l’éternité retrace le destin d’un homme devenu kamikaze par la force des choses et dont le destin laisse planer pas mal de doutes. Il n’est parfois pas si bon de déterrer de vieux souvenirs, mais cela s’avère pourtant nécessaire pour ceux qui en portent encore le fardeau…

 

Le sujet de la seconde guerre mondiale dans le Pacifique qui mit aux prises le Japon et les Etats-Unis reste un sujet quelque peu tabou dans l’Empire du Soleil levant notamment pour les nouvelles générations. Pourquoi ? En partie car il donne lieu aux résurgences de souvenances pas forcément agréables sur le rôle du Japon dans cette guerre mais aussi et surtout par les traumatismes engendrés par les bombes atomiques et le sacrifice de soldats kamikazes par milliers durant les derniers mois du conflit.

Kentaro, jeune étudiant désabusé de 26 ans ne sait plus trop où il en est dans sa vie. Une petite amie qui le quitte, le doute sur le sens de ses études et de son engagement dans la vie active font de lui un jeune homme au seuil de la dépression. Lorsque sa sœur le contacte pour lui demander de l’aider à entreprendre des recherches sur l’histoire de leur grand-père mort en kamikaze à la guerre, il hésite puis accepte par curiosité mais aussi pour essayer de donner un nouveau sens à son existence, puisque le passé explique souvent bien des choses sur le présent et son futur immédiat. Pour mener à bien cette enquête Kentaro va d’abord accepter de lire l’importante documentation recueillie par sa sœur. Il prendra part aussi à la rencontre majeure avec un vétéran de cette guerre, un dénommé Umeo Hasagawa, qui dévoilera un tout autre visage du grand-père, homme rongé par la peur dont le but ultime aurait été de sauver sa peau à chaque sortie. Tout un monde vacille pour Kentaro et sa sœur. Loin d’idéaliser leur aïeul, les deux jeunes adultes espéraient ne pas découvrir ce pan de l’histoire de celui qui devint au final kamikaze. Mais bien des mystères planent encore sur la personnalité de Hasagawa, tout comme il semble nécessaire de recoller les morceaux de la mémoire d’un passé devenu par la force des choses volatile et diffus.

Dans le premier volet de ce manga qui relie l’histoire de plusieurs générations Souichi Sumoto pose le cadre d’un récit qui allie le passé trouble d’un pays avec les actes et choix pris individuellement durant une guerre meurtrière et traumatisante. La pudeur, le respect pour la nation, les zones d’ombres alimentées par le nécessaire deuil collectif s’imposent comme des remparts à la compréhension des actes d’hommes au destin tragique. Un dessin particulièrement réaliste notamment dans les moments de combats menés dans les airs qui offre des images saisissantes à un récit tiré d’un best-seller nippon de Naoki Hyakuta. Un manga d’un genre nouveau qui se déclinera en cinq volumes.

Souichi Sumoto – Zéro pour l’éternité – Delcourt/Akata – 2013 – 7, 99 euros

copyright couverture : EIEN NO ZERO © 2010 by Naoki Hyakuta/Souichi Sumoto/FUTABASHA PUBLISHERS LTD., Tokyo