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Le Coin du Polar : L’éducation d’un malfrat d’Edward Bunker



Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de cet auteur, vous l’avez peut être déjà aperçu au cinéma dans Reservoir Dogs, où il interprète de manière éphémère Mister Blue… Edward Bunker, c’est une vraie «  gueule » de cinéma, les traits marqués, le visage buriné, mais c’est avant tout, et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, un grand auteur de polars qui a puisé directement dans sa vie la matière de ses romans.

 

Dans sa seconde vie, Edward Bunker a écrit quatre polars: Aucune bête aussi féroce, La bête contre les murs, La bête au ventre, Les hommes de Proie (j’omets volontairement de citer les deux ouvrages publiés après 2005…).
Il fut également scénariste sur deux adaptations cinématographiques de ses propres romans : Le Récidiviste, adaptation d’Aucune bête aussi féroce (d’Ulu Grosbard avec Dustin Hoffman, 1978) et Animal Factory, adaptation de La bête contre les murs (de Steve Buscemi, avec Willem Dafoe, Edward Furlong et Mickey Rourke, 2000),  ainsi que sur Runaway Train (d’Andrey Konchalovsky avec John Voight et Eric Roberts, 1985). Il accomplit aussi une carrière d’acteur, multipliant les petits rôles dans des films à la qualité assez variable (Reservoir Dogs donc, mais aussi Running Man, Tango & Cash, Best of the Best…)


Mais c’est essentiellement sa première vie qui est abordée dans L’éducation d’un malfrat (en version originale Education of a Felon), son cinquième livre. Celui-ci se distingue de ses 4 précédents opus car il s’agit d’une autobiographie, dans laquelle on s’en doute, le bonhomme se contente de raconter sa vie.

Une autobiographie d’auteur me direz-vous, cela n’a rien d’excitant, ça sent même l’ennui à plein nez… Et bien non, car la vie de Bunker n’a rien de banale, et il ne s’agit donc pas là d’une énième réflexion sur le processus créatif.

Edward Bunker a en effet connu l’infâme honneur d’être le plus jeune détenu de l’histoire de la prison de San Quentin en Californie, d’avoir passé 18 années de sa vie dans les pires prisons californiennes, où il a commencé à écrire des polars, toujours des histoires de criminels et de prison. Ancien délinquant juvénile, braqueur, dealer, voleur, et à peu près tout ce que la loi réprouve, il a pourtant fini comme un auteur reconnu, admiré par ses pairs (et on parle bien des écrivains et pas des taulards…).

 

Ce livre retrace donc son parcours, de la fange à une relative renommée, et allons y franco, c’est une véritable pépite ! Très bien écrit, passionnant de bout en bout, édifiant même dans sa description du système carcéral américain, il se lit tout seul. Jamais complaisant envers lui même, ni envers les autres, Bunker réussit à nous tenir en haleine du début à la fin.
Il évite l’écueil du récit purement sociologique, ce qui, vu son parcours, aurait pu être le cas, et nous livre un récit violent et touchant qui se lit comme le meilleur des polars, avec une intrigue (sa vie) qu’un auteur de fiction justement n’oserait pas inventer de peur qu‘elle ne paraisse invraisemblable.
On y découvre les arcanes du système judiciaire américain des années 50 à la fin des années 70, période ou Bunker a fait des allers-retours en prison, sa véritable frénésie criminelle de l’époque, sa frénésie d’écriture également, on y parle flics, voyous, Hollywood aussi…
Pour l’anecdote, l’un des meilleurs amis d’Edward Bunker et parrain de son fils, rencontré en arpentant la cour de la prison de Folsom, était Danny «  Machete » Trejo, l’acteur désormais culte de Robert Rodriguez.

 

Voici donc vous l’aurez compris un livre de haute qualité, susceptible je pense d’intéresser des lecteurs aux goûts variés, et que je vous conseille vivement. Un seul bémol toutefois, Eddy Bunker a passé l’arme à gauche en 2005, et ne nous fera donc plus jamais profiter de son talent…