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Les grandes épopées en BD : la croisière jaune, Hollywood et la ruée vers l’or…



 Le 9ème art foisonne de ces grands récits d’aventures qui nous passionnent tous par l’esprit de découverte et les rebondissements qui les parcourent propices à une mise en ambiance à laquelle il semble difficile de résister. Nous n’avons pas fini d’être surpris encore aujourd’hui et notamment par cette relecture de la fameuse épopée d’André Citroën à travers l’Asie, la fameuse croisière jaune revisitée par Régis Hautière et Arnaud Poitevin. Avec L’or sous la neige, tirée du roman de Nicolas Vanier sur la folie qui traversa l’esprit de près de 50 000 hommes et femmes partis chercher de l’or en Alaska en raison de la publication d’une simple rumeur par la presse de l’époque, Eric et Jean-Marc Stalner nous invitent à un voyage dans la rigueur de l’hiver dans le grand nord américain. Enfin que serait l’industrie du cinéma sans Hollywood ? C’est la naissance de cette légende que nous livrent les frères Astier dans Hollywood 1910… L’évasion comme philosophie !

 

 

Avec Le Marin, l’actrice et la croisière jaune, Régis Hautière (scénario) et Arnaud Poitevin (dessin) nous content l’une des plus belles épopées du premier tiers du XXème siècle, à savoir la Croisière jaune. Initiée par André Citroën afin de promouvoir la marque automobile éponyme, et au-delà d’accomplir une véritable aventure humaine et scientifique, cette chevauchée à travers l’Asie restera dans les mémoires. Tout débute en 1929 lorsque le constructeur français, après le succès de la Croisière noire (traversée de l’Afrique), se lance un nouveau défi, celui d’un raid de près de 30 000 km jusqu’à Pékin. Pour arriver à ses fins il doit cependant obtenir non seulement les visas de passages à travers les différents pays parcourus, mais aussi sonder les chefs de tribus pour obtenir leur accord et leur protection pour sillonner des terres pas forcément hospitalières sur lesquelles règnent de véritables pilleurs. Afin de réaliser ce travail préalable, André Citroën s’attachera les services de Victor Point, un jeune officier-marin qui possède une connaissance de l’Asie et un carnet d’adresse capable de vaincre les derniers obstacles. C’est à travers le regard de ce dernier qu’est construite la série Le Marin, l’actrice et la croisière jaune. L’approche entre Citroën et Point a lieu lors d’une soirée au Cercle de jeu Haussmann à Paris. Envoyé en Chine, le jeune marin sera accueilli par un mercenaire russe du nom de Petropavlovsky qui l’aidera à aborder les différents hommes de pouvoir afin d’obtenir les sauf-conduits nécessaires à la mise en place de la Croisière jaune. Mais tout ne se passe pas aussi bien que prévu et si les négociations avec les chefs de guerre d’Asie centrale semblent pouvoir se négocier moyennant quelques coûts substantiels, tout comme l’accord avec le gouvernement du Nankin qui obligera l’expédition à être rebaptisée « Expédition sino-française de la 19e année de la République », le plus bel obstacle viendra de l’Union Soviétique qui, pour des raisons obscures liées à des suspicions d’espionnage français, interdira la traversée du Turkestan. Cela aura pour conséquence de réorienter le raid vers l’Himalaya et ses sommets à plus de 5000 mètres… L’expédition sera de fait scindée en  deux. Le groupe Pamir, sous l’autorité de G.-M Haardt et Audoin-Dubrueil, qui partira de Beyrouth et le groupe Chine qui partira de Pékin. Les deux premiers tomes de cette série reviennent sur ces évènements. La reconstitution historique est remarquable tant au niveau du scénario que du dessin qui arrive à nous immerger dans le Paris de la fin des années 20 tout comme dans la Chine en pleine ébullition de Tchang Kaï-chek. Au-delà, Régis Hautière et Arnaud Poitevin nous font revivre les premiers épisodes d’une de ses grandes expéditions qui aurait sans doute passionné un auteur comme Jules Verne. Rebondissements, tensions et vision romancée, entretenue par la correspondance envoyée par Victor Point à sa petite amie et actrice Alice Cocéa, sont les ingrédients de cette série qui se lit avec une réelle passion !

Régis Hautière et Arnaud Poitevin – Le Marin, l’actrice et la croisière jaune T 1 et T2 – Soleil Prod/Quadrants – juin 2011 pour le T2 – 10,50 euros l’un.

 

Une ruée vers l’or de l’Alaska a bien eu lieu à la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis. Un fait divers raconte que des prospecteurs auraient trouvé des traces de présence d’or vers l’embouchure du Klondike. La nouvelle se répand très vite par voie de presse et la ruée s’organise alors. Ruée est le juste terme si on considère que 50 000 personnes participèrent, en quelques mois seulement, à cette chasse frénétique au filon tant convoité. L’écrivain américain Jack London fût l’un de ces chasseurs au métal précieux. Il décrit d’ailleurs dans certains de ces textes (Radieuse Aurore, Belliou la fumée…) cet épisode de l’histoire américaine. En 2004 Nicolas Vanier publie L’or sous la neige, qui décrit, dans l’esprit des grandes épopées nordiques, le parcours vers le Klondike de Matt, jeune fermier ayant tout quitté pour tenter sa chance avec seulement quelques dollars en poche. Eric et Jean-Marc Stalner ont décidé de revisiter ce roman sous la forme d’une série reprenant le côté épique de cette grande aventure dans laquelle peu réussirent à atteindre le but recherché. L’album débute à bord d’un bateau surchargé ayant quitté plusieurs jours auparavant San Francisco. La tension est palpable parmi cette petite communauté qui voit d’en l’autre un rival potentiel, un obstacle à sa propre fortune. A peine débarqués à Skagway, ville transit bouillonnante, les hommes partent à la recherche du matériel et de la nourriture nécessaires pour mener à bien leur expédition vers Klondike. La description de cet épisode de l’histoire américaine opérée par Eric et Jean-Marc Stalner est saisissante. Elle participe à une réelle mise en ambiance, une plongée dans les vastes étendues si dangereuses et pourtant si belles et si propices à l’introspection. Rien n’est laissé au hasard dans ce récit et les tragédies du quotidien alternent avec les espoirs de fortune et les petites victoires conquises sur une nature difficile à maitriser. Même si les obstacles pour atteindre la terre promise se multiplient, la force de conviction qui anime Matt lui permet de repousser toujours plus loin ses propres limites. Mais aura-t-il la force de lutter dans ce milieu hostile qu’il connait finalement peu ? La rigueur de l’hiver aura-t-elle raison du jeune homme ? Dans un cadre magnifié par le dessin de Jean-Marc Stalner, L’or sous la neige – version BD – nous redonne indéniablement l’envie de nous plonger dans la relecture de quelques textes fondateurs du Nature Writing…

Eric et Jean-Marc Stalner – L’or sous la neige T1 : Klondike – 12 bis – 2011 – 13, 50 euros

 

Le simple nom d’Hollywood suscite le rêve. Rêve de cinéma, d’actrices fabuleuses dévorant l’écran, d’acteurs charmeurs faisant preuve de bravoure et d’héroïsme pour conquérir leur belle. Hollywood c’est aussi pour beaucoup d’entre nous la Californie, le soleil et l’esprit de liberté qui y est attaché. Mais connaissons-nous la véritable histoire de ce fameux quartier ? Stefan et Laurent Astier nous plongent, avec Hollywood 1910 – Mister Griffith, dans la petite histoire qui fût à l’origine de l’industrie du cinéma américain. Le nom Hollywood a été donné par Daeida Hartell, épouse de Harvey Henderson Wilcox, aux terres qui composaient leur ranch situé à l’ouest de Los Angeles. Nous sommes à quelques années de la fin du XIXème siècle. A partir de 1888 le couple décide de revendre des parcelles de terre pour former un village et attirer des commerçants. Le tramway tout droit venu de Los Angeles arrive peu après et permet de densifier ce quartier qui compte près de 4000 habitants en 1911. Parmi eux, le marquis de Longpré, notable, artiste peintre et amoureux des roses. Devenu ami du couple Wilcox, il se verra offrir une parcelle sur laquelle il construira une superbe villa d’inspiration hispano-mauresque entourée d’un splendide jardin de roses qui fait l’attraction de la petite bourgade. L’histoire que nous content Stefan et Laurent Astier part du jardin du marquis de Longpré. Alors qu’il s’y promène, le notable surprend des bruits venant de l’extérieur de sa propriété. Il s’agit en fait du tournage d’un film réalisé par David Wark Griffith. Après avoir parlé avec le réalisateur, Longpré s’excusera d’avoir perturbé la séance et invitera l’équipe dans son entier à venir prendre un cocktail une fois le film dans la boite. Il obtiendra aussi l’accord que sa jeune fille suive le réalisateur. C’est le début de péripéties menées tambour battant dans les extérieurs d’Hollywood. L’album des frères Astier regorge d’anecdotes toutes plus truculentes les unes que les autres. Construit avec un humour tournant parfois au burlesque qui n’est pas sans rappeler les premiers films muets de Chaplin ou Buster Keaton, le scénario alterne passages sur les techniques de tournage, la description de machine avec des flash back formant des histoires dans l’histoire savoureuses. Un rythme effréné qui transporte véritablement le lecteur dans un univers féerique. La réussite de l’album tient dans le ton donné à cette histoire et au-delà à la reconstitution historique d’Hollywood appuyée sur un gros travail documentaire expliqué pour partie en fin d’album. Les dernières pages reviennent sur la vraie histoire et nous en disent plus sur la vie des principaux personnages. Si une réelle envie de visionner des pellicules des premiers films hollywoodiens vous vient une fois fermé l’album, ne vous en inquiétez pas, il s’agit seulement des effets indésirables procurés par la lecture passionnée de cette histoire !      

Stefan et Laurent Astier – Hollywood 1910 – Mister Griffith – Glénat (collection « treize étrange ») – 2011 – 15 euros