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L’homme qui pouvait accomplir des miracles de José Luis Munuera (Dargaud)



Tout le monde aimerait posséder le pouvoir de réaliser des choses par la seule pensée. Faire apparaitre des objets ou les déplacer. Tout comme se déplacer dans l’espace par la simple volonté et parcourir ainsi en quelques instants des centaines de kilomètres. C’est ce que propose à la fin du dix-neuvième siècle H.G Wells dans sa nouvelle L’homme qui pouvait accomplir des miracles (1898).

Un soir comme un autre à Immering. Nichée dans une campagne anglaise quelconque, la bourgade ferme tôt ses volets laissant graviter sa vie nocturne autour du pub local, The Long Dragon. George McWhirter Fotheringay, un jeune clerc de notaire dont la seule ambition se résume à voir filer les jours, réside dans ce village depuis toujours. Un soir, alors qu’il partage des chopes au Long Dragon, il devise avec verve sur la notion des miracles qui, selon lui, ne peuvent pas exister par définition. Pour illustrer ses propos il décide de se mettre lui-même en scène.

S’il pouvait, lui, homme simple, retourner la lampe à pétrole accrochée au plafond du Long Dragon, et que, malgré cette position inaccoutumée elle continue à éclairer la salle, cela démontrerait à coup sûr que les miracles existent, mais bien sûr cela est impossible… Et pourtant, malgré toute logique, la lampe prise pour cible se renverse bel et bien, manquant de mettre le feu au parquet de l’établissement. Le jeune clerc sait désormais qu’il peut accomplir des choses par la simple volonté et une fois quitté le pub local, il s’essaye à accomplir de nouveaux exploits, sans pour autant afficher une maîtrise totale des effets produits…  

H.G. Wells est connu de tous pour quelques-uns de ses récits : La Machine à explorer le temps, L’Île du docteur Moreau, L’Homme invisible ou La Guerre des mondes. Tous ont fait l’objet d’adaptations plus ou moins abouties au cinéma et/ou en bande dessinée. L’écrivain anglais est par ailleurs l’auteur d’une centaine de nouvelles parfois inégales, dont celle qui porte pour titre L’homme qui pouvait accomplir des miracles (The Man Who Could Work Miracles) publiée dans The Illustrated London News en 1898 (la même année que La Guerre des Mondes). José Luis Munuera est tombé sur ce texte et y a perçu un potentiel narratif à développer en récit séquencé. Pour cela le dessinateur s’est attaché à conserver la structure même du texte de Wells auquel il ajoute, pour le dynamiser, deux scènes supplémentaires : celle piquante et bourrée d’humour chez la voyante et celle éclairante qui revient sur l’enfance de George McWhirter Fotheringay. Ces ajouts accentuent la portée tragi-comique du récit original, jusque dans sa chute finale pour laquelle Munuera décide de coller au texte. Porté par un dessin léché qui exploite au maximum le cadre de la campagne anglaise du début du vingtième siècle, le dessinateur excelle dans la maîtrise des rythmes et dans cette capacité à mettre en scène des anti-héros vite débordés par des situations qui les dépassent.

A noter un soin éditorial apporté à l’album, tant dans la mise en page que dans le choix de l’accompagner de textes immersifs (préface de Véronique Béghain et postface de G. K. Chesterton). Léger et somptueux !

José Luis Munuera – L’homme qui pouvait accomplir des miracles – Dargaud

La nouvelle a été traduite en français en 1902 par Henry-D. Davray dans le recueil Les pirates de la mer et autres nouvelles (Mercure de France). Elle peut être lue en ligne sur Wikisource.