L’art peut-il échapper à l’emprise de l’IA dont l’usage est devenu incontournable dans nos quotidiens ? Peut-on s’affranchir des trajectoires, des évidences, pour conserver le plaisir de créer ? Un questionnement qui se voit matérialisé dans un récit maîtrisé porté par un graphisme décloisonné et luxuriant qui appelle à l’émotion…
Au départ le projet d’écrire un récit inspiré d’une déambulation dans l’enceinte (galeries et réserves) du plus grand musée d’art du monde selon un schéma bien huilé qui a nourrit une collection développée conjointement par les éditions Futuropolis et le Louvre. Hugues Micol livre une première ébauche ayant pour objet la marchandisation de l’art dans les grandes enceintes censées les mettre en avant. Ce projet ne convainc pas et les priorités redéfinies par le Louvre n’ont pas permis sa concrétisation. Pour autant, Hugues Micol ne voulait pas en rester là et un récit qui emprunte à son idée initiale germe peu à peu dans son esprit. Mimèsia, c’est son titre, emprunte au Mimésis cette action dans l’art d’imiter pour apprendre, de reproduire le réel, non pas comme fin en soi mais pour s’approcher du sensible, du/des détail(s), qui comme le disait Roland Barthes permettent « de dégager un effet de réel, qui ne correspond pas à la réalité, mais à la vraisemblance de la réalité ».
La société créée par le dessinateur, profondément dystopique, se voit placée sous l’égide du Canon, une IA surpuissante qui dans un souci d’harmonie mais aussi et surtout de productivité et de croissance, gomme les différences et annihile les traces du passé qui peuvent se voir comme autant de perversions possibles face à la ligne officielle. Dans cette société vivent des humanoïdes augmentés ou assistés pas ordinateurs, des IA et… des réfractaires. Parmi ces derniers, certains entreprennent de soustraire des œuvres d’art du passé cachées aux yeux de tous pour démontrer qu’une autre forme de culture a pu se développer, non lissée, non aseptisée. Au cours d’une « extraction » menée par trois agrestes, un buste atterri entre les mains d’un robot, professeur de sport de son état, porteur du doux nom de TIN (pour Technicien Instructeur Normalisé) E-103. Contre toute attente ce dernier va tout faire pour éviter que ce précieux objet, cet artefact, ne retombe dans les mains de l’autorité de Canon…
En poussant le curseur très loin dans le futur, dans une société dominée par des IA, Hugues Micol interroge notre société dans laquelle l’Intelligence Artificielle s’impose comme un moyen d’accompagner les hommes dans leur quotidien, mais aussi dans leur création artistique. Le dessinateur pour qui le rapport à la matière, au palpable, à l’erreur (aussi) s’impose comme autant de moteurs de sa propre création, stimulant et repoussant toujours plus son imaginaire, ce récit se pose en outil de réflexion. Réflexion qui ne se veut pas conservatrice dans ses modes d’expression mais qui entend ne pas sacrifier le plaisir, l’humanité dans l’acte créatif. Inspirant et essentiel.
Hugues Micol – Mimèsia – Futuropolis