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Un an dans les airs, Jules Verne au cœur d’un voyage épique !



Jules Verne aimait dépeindre dans ses récits des voyages au loin, ceux qui portent le lecteur vers un ailleurs impalpable mais qui aiguise notre curiosité et notre soif de lecture. Aurait-il aimait lui-aussi prendre part à un voyage épique un an durant dans les airs au cœur d’une cité volante ? Peut-être, sûrement… Raphaël Albert, Jeanne-A Debats, Johan Heliot, Raphaël Granier de Cassagnac et Nicolas Fructus donnent corps à ce récit fictionnel qui nous replonge au cœur de l’œuvre d’un génie de l’écriture…

 train périmétrique

un anUn an dans les airs c’est tout d’abord une galerie de portraits d’hommes et de femmes dont les qualités inscrites sous leur nom démontrent l’attachement à la science et à l’exploration. On y retrouve des biologistes, des entomologistes, des chimistes, des linguistes ou des mathématiciens tout comme on y trouve des peintres ou des musiciens, des artistes donc qui explorent le sensible et rappellent que l’art fait partie intégrante d’une société. Tous les personnages qui apparaissent dans ce trombinoscope forment en effet un groupe uni, un de ceux qui se veut idéal, à l’image des phalanstères qui dénotaient l’espoir d’un projet commun harmonieux faisant fi des caractères parfois contradictoires ou des personnalités trop affirmées. Célesterre, c’est son nom, représente donc une expérience. Les hommes et femmes qui la composent ont acceptés de vivre coupés du reste du monde, et en particulier du monde terrestre car Célesterre, comme son nom l’indique est une société qui vit dans les cieux, construite à base de ballons à hydrogène monstrueux soudés entre eux pour soutenir une véritable ville volante. A l’intérieur de cette ville, on y trouve des lieux de culte, une bibliothèque, des laboratoires, des espaces de vie, un train qui la traverse, bref tout ce qui participe à la souder en lui permettant d’exister avec les mêmes particularités qu’une ville prospère partout ailleurs. Parmi ses invités de luxe on y retrouve un certain Jules Verne. L’auteur de Cinq semaines en ballon compose en effet cet équipage hétéroclite, il y est parvenu poussé par la belle et trouble Julie Servadac, le photographe génialissime et impétueux Nadar et Philippe Daryl qui sera à l’origine de la transmission de ce récit qui a traversé le temps pour nous parvenir et aiguiser notre curiosité. Jules Verne a toujours aimé les voyages, la science, la confrontation d’idées avec pour seul moteur l’idée d’envisager une société si ce n’est meilleure, au moins capable de comprendre les changements et orientations qu’elle prend et peuvent parfois la défigurer à jamais. L’homme acteur du changement mais aussi parfois de sa perte…

Projet particulièrement ingénieux initié par Frédéric Weil, à la tête des éditions Mnémos, Un an dans les airs prend place dans la luxueuse collection Ourobores. Cinq auteurs ont pris place à bord de l’aéronef à destination de Célesterre, Raphaël Albert qui incarne Nadar, Jeanne-A Debats dans le corps de Julie Servadac, Johan Heliot qui porte les traits de Jules Verne, Raphaël Granier de Cassagnac qui joue Philippe Daryl et offre ses lumières aux récits des trois premiers et enfin Nicolas Fructus, le dessinateur dans le rôle d’Adrien Nadar, le frère du premier. La difficulté du projet résidait dans la capacité à générer et canaliser les énergies et la tentation légitime de chacun à porter le récit. Raphaël Granier de Cassagnac dans ce contexte joue le rôle de tampon n’hésitant pas à reprendre ou couper les textes des trois auteurs pour leur donner du liant, de la cohésion. Et la magie opère. On retrouve dans les mots et billets qui s’enchainent à la façon de carnets de voyage la sève qui sied à son propos. Le suspense reste entier, les rebondissements s’enchaînent avec pour but de tendre vers un dénouement qui n’aurait pas déplu à l’auteur de 20 000 lieues sous les mers. Philippe Daryl, personnage joué par Raphaël Granier de Cassagnac apporte des éclaircissements a posteriori de ce voyage et lie l’expérience vécue dans les airs aux récits futurs de Jules Verne. Par là-même il apporte sa vision de l’œuvre de l’auteur français et tout un lot d’anecdotes qui réjouira les fans du maitre mais aussi l’amateur de récit d’aventures. Plus que des auteurs Raphaël Albert, Jeanne-A Debats, Johan Heliot et Raphaël Granier de Cassagnac incarnent donc des rôles à la manière d’acteurs de théâtre. Ils patinent leur écriture d’un style fin 19eme qui permet de tendre vers plus de vérisme. Acteurs, donc créateurs de climats, moteurs de ce qui se joue au fil des pages. Dans ce contexte le travail de Nicolas Fructus apporte l’élément qui soude, tout autant que le texte de Philippe Daryl, les contributions de chacun. Le dessin évite de longues plages descriptives en apportant une géographie, une image de Célesterre en la rendant palpable et permettant aux textes de se focaliser sur le sens, les sentiments, les perceptions, les envies, les peurs de chaque personnage.

Un ouvrage qui s’impose par sa qualité de fond mais aussi de forme, ce qui mérite d’être souligné, et permet de l’imposer comme une véritable invitation au voyage, dans un fauteuil ou bien ailleurs !

Collectif (sous la direction de Raphaël Granier de Cassagnac) – Un an dans les airs – Mnémos – 2013 – 36 euros