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Une BD sous le bras : Autour de la guerre (premier volet)



Difficiles reconstructions pour une Europe qui a connu l’horreur. L’après-guerre pourrait donner à penser que le plus dur est passé. Pourtant rien ne semble facile pour des âmes touchées durablement, pour des hommes et des femmes qui ont crus en l’espoir d’un avenir meilleur et qui ont perdus pourtant une partie de leurs illusions. Thomas Deschamps et ses proches pourraient se contenter de faire table rase du passé, mais un être manque et c’est tout le château de carte qui s’effondre…

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AGSi la France a été touchée dans sa chair et dans son âme par le second conflit mondial, plus au nord, la Belgique a aussi payé son tribu à ce conflit sordide et pas des moindre. Dans un premier diptyque dense, Les temps nouveaux, qui se nourrissait de personnages creusés, exposés avec toute leur fragilité et leur passé parfois difficile à concilier avec un présent lui aussi tout aussi trouble, Warnauts et Raives livraient un récit à la portée émotionnelle forte qui permettait au lecteur de découvrir le rôle, les enjeux et les conséquences d’une guerre farouche contre l’ennemi allemand. Dans les campagnes ardennaises, certaines familles ont vécus de véritables drames par le biais d’oppositions farouches entre rexistes – membres du parti fascisant belge – et les hommes prêts à s’opposer à l’impérialisme allemand. La famille Deschamps offre un raccourci de ces tensions de villages et, à travers le regard de ceux qui la compose, tout un pan de l’histoire de la Belgique se trouve ainsi exposé. Nous avions vécu dans Les temps nouveaux, la fin de la guerre avec l’arrivée des G.I qui devaient libérer le village de l’envahisseur allemand. Les habitants déboussolés se voyaient limités dans les possibilités d’administrer leur quotidien, de se reconstruire en prenant en compte les éléments de leur culture, de leur passé commun. Des résistants de la dernière heure sonnaient la charge violente contre les collabos dont certains faisaient il y a peu partis… Une dure et longue phase de guérison qui se poursuit dans ce nouveau diptyque qui porte le sobre nom d’Après-guerre.

A La Goffe les Américains ont depuis quelques temps quittés les lieux pour poursuivre leur travail à l’Est, là où des foyers de tensions se faisaient encore sentir. C’est à Berlin, découpée en territoires administrés par les puissances alliées (Grande-Bretagne, France, Etats-Unis et Russie) que se focalise maintenant toutes les attentions. Là où les dernières séquelles de la guerre se font encore sentir. Thomas farouchement tombé amoureux d’Assunta, la belle brune espagnole, essaye de retrouver sa trace. Tout porte à croire que la jeune femme a été déportée plus à l’Est dans les camps russes desquels toute fuite semble un pur rêve inatteignable. Pourtant, et en jouant de ses réseaux, Thomas, depuis l’hôtel familial, va essayer d’organiser les recherches pour tenter d’obtenir des infos sur le lieu où se trouve sa belle. Grâce à son amie Lucie, engagée dans l’armée américaine, il ouvrira une brèche qui redonne un peu d’espoir dans ce no man’s land berlinois où les enjeux diplomatiques cachent bien souvent des drames humains. Une lueur d’espoir verra le jour et c’est dans ce rai de lumière que le cadet de la famille va s’engouffrer…

Warnaut et Raives poursuivent leur travail sur les tensions et les drames causés par le second conflit mondial. Ce nouveau diptyque contournera une fois de plus le front des problèmes et des enjeux de fond pour s’attacher à une famille et à des personnages qui se densifient au fil des pages. La guerre a produit son lot d’horreurs sur les champs de bataille, dans des villes bombardées et partiellement ou presque totalement détruite. Des paysages offerts aux yeux de tous qui symbolisent l’effroi et questionne sur la nature humaine. Mais il serait réducteur de croire que ces seuls drames composent l’ensemble des horreurs perpétrés lors d’un conflit qui a mis à mal nos certitudes quant au potentiel de l’homme à tirer des enseignements du passé. Au travers de Thomas, de sa famille et de ses proches le lecteur découvre des drames enfouis alimentés par un contexte géopolitique complexe duquel il semblerait vain de croire encore aux possibles reconstructions harmonieuses si certaines lucarnes d’espoir ne diffusaient pas des lumières tenaces…

Warnauts & Raives – Après-Guerre T1 – Le Lombard – 2013 – 14,99 euros