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Une BD sous le bras : Guyanacapac, fin du voyage de Long John Silver ?



Voilà trois ans que nous l’attendions, trois longues années à entrevoir dans nos esprits ce que pourrait être le destin de Long John Silver, ce héros échappé de l’œuvre de Stevenson et qui espère encore arriver à construire et alimenter sa légende. Vivian, femme forte à l’origine de ce nouvel espoir, pourrait sombrer ou regagner le droit à une vie moins sobre. Que nous réserve le dernier volet de cette épopée dans les immensités de l’Amazonie, là où se dresse la cité mythique de Guyanacapac ? Quelques pistes pour vous inciter à faire le grand saut…

 LJS

 

Long John SilverLes images de la vieille Europe ont laissé depuis peu la place à des paysages démesurés desquels remontent un calme inquiétant. Des effluves échappées de la forêt dense qui se dresse de part et d’autre du chenal emprunté par le Neptune, ce navire courage qui a vaincu les éléments, viennent percuter les nasaux des hommes de Long John. A n’en pas douter cette luxuriante flore cache des secrets gardés et des trésors à profusion. Sauf que tout n’est pas aussi simple car le danger guette. Les aventureux partis à la recherche d’un gibier prêt à nourrir les hommes ont eux-mêmes semblent-ils servis de pâture à bien plus fort qu’eux. Le temps semble suspendu, comme sacralisé alors que Long John Silver se rapproche indubitablement de son but. Après avoir survécu à maintes péripéties, le pirate pourrait enfin tenir son heure de gloire, celle d’une vie pas toujours florissante qui s’animerait des coulis d’or brut tombant de fontaines aux flots ininterrompus. Les rêves les plus fous se réalisent parfois et le pirate s’en persuade dans les pires moments. Au détour de virages arrondis se cachent les prémisses de cette découverte. Chacun perçoit le froid des pierres dressées dans cette vaste jungle, des pierres qui sonnent comme une sacralisation d’un lieu, d’une civilisation jadis fière de sa superbe et qui pourtant aujourd’hui semble éteinte ou en sommeil… Moc, l’indien présent au sein de l’équipée a quitté le navire pour mieux le dérober ensuite et les hommes de Long John, perdus dans les eaux perfides de l’Amazone, pourraient y laisser la vie à défaut d’y laisser leur âme.

Guyanacapac se dresse enfin face aux rescapés de la dernière heure et son temple gigantesque offre l’espoir entraperçu plus tôt. Vivian Hastings la femme forte de l’équipage venue tout droit de ses terres déchues va retrouver son époux Lord Byron envahit par des desseins peut-être plus volatiles mais qui demandent pourtant bien des renoncements à compter par celui de ce bâtard qu’elle porte. Au milieu de la jungle, sur un territoire sacré avide de chair sacrificielle, Vivian, Long John Silver et le docteur Livesey vont essayer de déjouer les pièges qui se referment sur eux comme si l’immensité des lieux trouvait matière à rappeler aux hommes leurs faiblesses et leurs vices…

Ce dernier volet de la série devenue mythique Long John Silver nous plonge dans la fameuse cité de Guyanacapac. Et telle la légende qui plane sur elle, les dangers qui s’élèvent comme autant de forteresses, lui donne son côté sacralisé. Dans cet espace en pleine nature, les négatifs d’une civilisation jadis prospère, vivotent tant bien que mal, mais le dieu qui peuple les lieux, glouton en chair, se renforce des passagers égarés pour conserver son aura sur le peuple des forêts. Sauf que les impurs qui se présentent aujourd’hui à lui possèdent peut-être cette croyance en leur destin qui leur donne une chance de vaincre sa magie… Sur un scénario toujours parfaitement construit par Xavier Dorison, Mathieu Lauffray offre l’immensité de son talent. Aussi bien dans la recherche du détail que dans celui de la démesure, le dessinateur exhale, peut-être mieux que jamais cette vision romantique de l’aventure avec ses dangers perpétuels et ses espoirs pas encore déçus. Avec la volonté d’alterner les angles de vue pour mieux dominer son sujet et offrir au lecteur cette vision non seulement du premier plan mais aussi de sa périphérie, Lauffray participe à la construction d’une histoire qui hume bon le vent du large. Le huis clos aperçu sur les tomes précédents se renforce près du but, il densifie encore le propos pour laisser le lecteur en permanence sur ses gardes. Cette densité, cette démesure des décors et des desseins de chacun se trouvent renforcés par le fantastique qui vient teinter le récit d’aventure d’un volet mystique. Une série qui s’achève avec ce quatrième opus mais dont les personnages pourraient reprendre du service pour alimenter la légende… En tout cas Mathieu Lauffray nous le laisse entrevoir dans l’interview qui suit…

Dorison/Lauffray – Long John Silver T4 : Guyanacapac – Dargaud – 2013 – 13,99 euros

 

Interview de Mathieu Lauffray