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Voyages au loin : l’aventure avant tout (2ème partie)



La première partie de nos voyages au loin se nouait autour de récits maritimes alliant rudesse et poésie, symbolisme et aventure. Notre nouvelle sélection fait aussi la part belle à l’aventure envisagée dans différents lieux et contextes. Le dernier volet du triptyque Le Voyage extraordinaire qui baigne dans un univers steampunk avec des clins d’œil permanent au maître Jules Verne, poursuit sur un rythme enlevé. Avec le septième opus des Pirates de Barataria, Franck Bonnet laisse exploser son talent dans la représentation de l’Egypte à l’époque napoléonienne, de la mer qui la borde et du désert insatiable qui fige les ardeurs mais pas toutes… Enfin du chaud passons au froid des mers du sud avec Antartica, le récit de la conquête du pôle sud, convoité par deux expéditions qui se tiraient la bourre, une anglaise dirigée par Robert Falcon Scott et l’autre norvégienne sous la houlette de Roald Amundsen. Trois récits forts en émotion !

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Voyage extraordinaireDépart de Paris. Les candidats au prix Jules Verne ont enfin embarqués dans la transatlantique, une machine somptueuse volante qui va les relier à New York où les prototypes seront examinés pour en désigner peut-être le vainqueur. Peut-être car jusqu’à présent aucune machine n’est parvenue à décider le jury de lui octroyer la palme suprême. Peu après le départ l’aéronef se pose sur la mer et devient un bateau de croisière de grand luxe, évitant de fait de se faire une cible facilement repérable dans les airs. L’engin posé sur l’océan accuse un fabuleux 70 nœuds de vitesse, un record qui laisse le temps aux participants de se reposer et de profiter du confort à bord tout en reliant New York dans des délais « raisonnables ». L’équipe de Noémie et d’Emilien va pouvoir quant à elle tenter de découvrir qui a bien pu enlever le père du jeune garçon car ils en sont maintenant persuadés, l’enjeu du concours est tel qu’il a conduit à l’enlèvement de l’inventeur qui pourrait être détenu sur le transatlantique. Quoiqu’il en soit les équipes concurrentes cachent toutes des secrets qu’il serait bien de révéler…

Dans les deux premiers tomes de ce triptyque Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni avaient su poser le cadre, tisser tout un lot de mystères et alimenter les suspicions. Car, rappelons-le très vite, le récit se construit autour du fameux concours Jules Verne, un concours d’invention destiné à récompenser le(s) créateur(s) d’un prototype pouvant tout à la fois se déplacer sur terre, sur mer et dans les airs. La récompense et l’aura qui s’attacheraient au vainqueur de ce défi suffit à faire des participants, non seulement des ingénieurs géniaux mais aussi des espions patentés prêts à tout pour briser les espoirs de leurs concurrents directs. Noémie et Emilien le savent d’autant plus qu’ils soupçonnent un des participants d’avoir enlevé le père du jeune garçon à l’origine de leur prototype. Le suspense se construit par doses homéopathiques, sans trop fournir d’éléments au lecteur qui voit ses mirettes s’émerveiller de la vision steampunk de New York. Après avoir parcouru Paris, c’est une autre capitale qui se trouve revisitée par Camboni. Une ville qui a conservé ses points de repères structurants, La statue de la liberté, Central park, l’Empire state building et ses gratte-ciel illuminés mais qui se charge de tout un tas d’aéronefs qui la survolent, de taxis à sustentation dynamique et de cette ambiance rétro-futuriste plutôt bien sentie. Le graphisme de ce dernier opus laisse exploser le talent d’un dessinateur qui arrive à nous immerger dans le récit tout en cultivant un sacré don pour les perspectives, la mise en relief de cette ville tentaculaire qui livre ses secrets. Nos héros obtiendront des réponses à pas mal de leurs questions mais c’est bel et bien  l’ambiance de cette série et l’univers construit qui emportent la palme. Une ambiance que l’on retrouvera dans une autre aventure qui prolongera le plaisir, baptisée sobrement Les Iles mystérieuses. Un album pour les jeunes amateurs de BD tout autant que pour leurs grands frères !

Filippi & Camboni – Le voyage extraordinaire T3 – Vent d’ouest – 2014 – 13, 90 euros

 

BaratariaFou à lier ! le chef de bataillon Boutin se prendrait pour un roi au milieu de son oasis. Pourtant il est l’un des meilleurs agents de Napoléon Bonaparte en Egypte et pour tout dire l’un des derniers. Artémis doit pourtant prendre contact avec cet intermédiaire de l’Empereur sur place et donc se rapprocher de Siwa où il aurait ses quartiers. Sur son chemin, à dos de dromadaire avec Charles son garde du corps, elle tombe sur une caravane qui vend des femmes comme esclaves. Mais pas n’importe quel type d’esclaves puisque les femmes en question souhaitent tout simplement fuir leur destin de paysannes en entrant dans l’un des somptueux harems de la région dans lequel, tout du moins l’espèrent-elles, la vie se fera plus douce. Cette caravane sera l’occasion pour Artémis et Charles de s’approcher de Boutin. Pour cela la belle française devra dévoiler sa beauté et endosser le rôle d’esclave sexuelle pour passer entre les mains du marchand puis entre celles de Boutin. Le contact aura lieu et Artémis pourra enfin demander au colonel de lui livrer les diamants qui devaient être utilisés pour un éventuel projet de débarquement en Egypte. Mais les choses vont sensiblement se compliquer…

Il faut grosso modo dix mois à Franck Bonnet pour réaliser un nouvel opus des Pirates de Barataria. Cela n’est pas mince affaire lorsqu’on feuillette les planches réalisées pour chaque album. Pour ce second cycle qui se déroule en Egypte il fallait non seulement prendre la mesure d’un pays pas facile à représenter avec ses grandes étendues désertiques, le foisonnement de sa culture orientale et la maitrise des éléments marins qui fondent la série, même si pour le troisième tome de cette seconde époque l’équilibre recherché entre terre et mer n’est pas atteint, l’action se situant surtout dans les oasis bariolés, mais aussi s’adapter à un cadre historique pour le décrire de façon plausible et gagner cette part de crédibilité au service de l’action. Une action qui se fait de plus en plus tendue à l’approche du final même si on se doute que la belle Artémis arrivera si ce n’est à son but – récupérer les diamants en possession du colonel Boutin qui a perdu la raison au point de s’auto-proclamer bey de Siwa – tout du moins à sauver sa peau. Mention spéciale à la scène de combat au deux-tiers de l’album qui, en une double planche et deux panoramiques, parvient à tout synthétiser, de l’horreur à la douleur. Pour ne rien cacher avec un titre de série comme Les Pirates de Barataria nous espérons vite revoir nos héros rejoindre le golfe du Mexique dans ces eaux poissonneuses de bateaux à aborder sauvagement pour amasser tout un lot de richesses prometteuses !

Bourgne & Bonnet – Les Pirates de Barataria T7 : Aghurmi – Glénat – 2014 – 13,90 euros

 

AntarcticaNovembre 1909 au large nord des côtes norvégiennes. Un bateau de pêche dirigé par le capitaine Knut Larson tente de maitriser les courants pour ramener des morues bien grasses. Mais les conditions ne sont guère favorables et la brume qui se lève pourrait perdre les hommes partis poser les harouelles autour du navire. Début 2010 l’Aurore rentre à Cancale son port d’attache en France. Sur le port une belle jeune femme rousse, Maureen, attend secrètement Knut avec qui elle doit se marier si tant est que son père, l’armateur de l’Aurore accepte de concéder sa main au capitaine. Au même moment, toujours sur le port, des pêcheurs tentent de rallier à eux les travailleurs de la mer pour fonder un syndicat qui permettrait une meilleure répartition des richesses. Cela ne va pas sans contrarier le père de Maureen qui va tuer accidentellement l’un des pêcheurs les plus respectés de Cancale, le vieux Bosco, maitre d’équipage de son état. Knut, qui découvre la victime avant la gendarmerie, se voit accuser à tort de ce crime et n’aura d’autre issue que de prendre la fuite. Une fuite qui le fera intégrer l’équipage du Fram dont le capitaine, un certain Roald Amundsen engage la course au pôle sud contre l’équipage londonien du capitaine Scott… Maureen ne se résignera pas à retrouver celui qu’elle aime et tentera tout pour retrouver son homme…

L’Antarctique a fasciné les hommes au point que nombre d’entre eux en sont mort. Magellan lors de sa circumnavigation en 1520 croit déceler des terres glacées au sud de l’Amérique mais il faut attendre trois siècles pour que soit aperçu véritablement le continent tel qu’on le connait aujourd’hui. Cette « découverte » nous la devons à l’explorateur Russe Fabian Gottlieb Thaddeus von Bellingshausen. Il faudra encore attendre presqu’un siècle pour que le pôle sud soit atteint. C’est dire si ces terres glacées recelaient bien des pièges pour que leur accès s’avère si complexe. A vrai dire cela construira leur légende au point de conduire à cette course folle lancée par ses deux plus féroces explorateurs, l’Anglais Robert Falcon Scott et le Norvégien Roald Amundsen. Jean-Claude Bartoll au scénario nous propose de revenir sur cette épopée grandiose qui agita les salons mondains européens et les sociétés géographiques avides de recueillir de nouveaux éléments capables de comprendre notre monde. Le récit se construit patiemment en laissant le temps nécessaire au lecteur pour appréhender chaque protagoniste. Concrètement les grandes lignes de l’histoire sont représentées tout en se laissant une marge pour tisser une trame romanesque qui permet de ne pas résumer ce récit à un simple face-à-face qui aurait pu s’avérer pesant sur un triptyque. Le dessin très travaillé, particulièrement soigné, riche de détails apporte un supplément de réalisme à cette histoire maitrisée. Un réel plaisir de lecture donc pour ce premier volet qui appelle indubitablement notre curiosité sur les deux suivants !

Bartoll & Kölle – Antarctica T1 : Jeu de dupes – Glénat – 2014 – 13,90 euros