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Game of Thrones – La saison 8 : And now our watch has ended



HBO, 17 avril 2011, 21h. Les notes de Ramin Djawadi résonnent et pour la première fois apparaît sur nos petits écrans le générique de Game of Thrones. Huit ans plus tard, la série tirée de l’œuvre dantesque (et inachevée !) de l’américain George R. R. Martin nous offre son ultime générique de fin.

Le 19 mai 2019 a mis un point final aux soixante-treize épisodes constituant la série Game of Thrones. Et dire que sa huitième et ultime saison a fait couler beaucoup d’encre (et continue encore à le faire) est un euphémisme. Dès le 14 avril – date de la diffusion du premier épisode de cette saison 8 – de nombreux articles fleurissaient, allant de l’analyse de l’épisode à son résumé complet (et tant pis pour vous si vous ne l’aviez pas encore vu), ou proposant une multitude de théories sur l’issue finale du jeu des trônes.

La saison – et avec elle la série entière – s’est achevée il y a maintenant une semaine, et elle provoque aujourd’hui encore le débat. Oui, celle-ci n’est pas sans défauts, illustrés par la présence de certaines facilités scénaristiques (ellipses, temporalité, incohérences au niveau de la stratégie militaire) et la rapidité avec laquelle certains éléments sont traités (ce qui, par ailleurs, avait déjà été reproché à la saison précédente). Sans les occulter, ces écueils sont pourtant à relativiser. S’ils sont aussi visibles, n’est-ce pas à cause de la comparaison entretenue entre les différentes saisons ? Ou de l’attente qu’elles suscitent chaque année ? De même, la qualité d’une œuvre ne doit-elle pas s’observer dans sa globalité plutôt que par le biais d’une infime partie ? Enfin, s’il est normal d’émettre certaines réserves à l’égard de certains aspects d’une démarche artistique, avons-nous pour autant le droit de demander à son ou ses créateurs de refaire l’œuvre en question sous prétexte que celle-ci nous déplaît ? Ainsi, que les signataires de cette stupide pétition – et le mot est faible – se mobilisent pour des enjeux autrement plus vitaux que la fin d’une série ne leur convenant pas. Le climat ? Ou la façon dont nos dirigeants exercent le pouvoir ? Tiens donc, deux sujets amplement abordés par Game of Thrones, douce ironie… Au lieu de perdre leur temps à signer la pétition d’un spectateur frustré (par la mort de Daenerys peut-être ?) – et contribuer de fait à la remise en cause de la liberté artistique, donc de la liberté d’expression – ces un million et quelques personnes devraient plutôt l’utiliser en regardant The Last Watch, une plongée en immersion au sein du tournage de cette saison 8.

Avoisinant les deux heures, ce documentaire (proposé par HBO, diffusé lundi soir sur OCS et toujours disponible en replay ici) est sans doute l’un des plus beaux hommages pouvant être rendu à cette série sans commune mesure. Un hommage rendu aux artisans de l’ombre, aux hommes et femmes que le spectateur ne verra jamais à l’écran et sans qui pourtant rien n’aurait été possible. Ce qui rend cette fameuse pétition d’autant plus affligeante, tant elle remet en cause un travail de titan d’un simple clic…

Si The Last Watch nous laisse entrevoir quelques moments éphémères avec certains protagonistes de la série (notamment la découverte par Kit Harington du script final et surtout du fait que Daenerys Targaryen meurt de la main de son personnage), il permet surtout de prendre conscience de tous les enjeux qu’un tel tournage implique. On y voit la construction durant sept mois de King’s Landing (inspirée de Dubrovnik en Croatie) sujette aux intempéries, un couple de maquilleurs privés de leur fille plusieurs semaines du fait de leur travail sur cette ultime saison, les nuits blanches passées à tourner la magistrale « Bataille de Winterfell » … et un figurant, fidèle aux Stark depuis plusieurs saisons, qui devient le fil rouge de ce documentaire.

A l’image du personnage de Tyrion Lannister qui se fait la voix des showrunners lors de l’ultime épisode de cette série grandiose, rappelant à juste titre qu’il est impossible de faire l’unanimité (« Personne n’est vraiment content, c’est donc un bon compromis. » ), n’oublions pas que Game of Thrones est une belle histoire. Une histoire qui a offert au cours de cette décennie un objet jamais vu sur petit écran, mêlant grand spectacle et réflexion politique poussée, proposant une direction d’acteur aussi exceptionnelle que son casting et bousculant continuellement les acquis des spectateurs saison après saison.

Ainsi, cette ultime saison achève en beauté un travail méritant tous les superlatifs. Evidemment, on aurait souhaité quelques heures supplémentaires afin que la conclusion des différents arcs narratifs soit mieux traitée. Mais cette conclusion n’est pas pour autant une trahison. Il suffit de voir l’évolution de chacun des personnages, de s’attarder sur la beauté visuelle des six derniers épisodes, de se pencher sur son propos (le pouvoir est un devoir avant d’être un privilège) ou de se laisser transporter par sa magnifique BO pour en être convaincu. A ce titre, bien que n’ayant pas encore vu cette saison 8, Tof a gentiment accepté de dire quelques mots du travail de Ramin Djawadi : « La tension. Voilà ce qui prédomine dans cette bande originale et les sensations suscitées par la musique. On sent une forme de violence aussi, quelque chose de pressé, quelque chose qui approche à grand pas. Cette impression n’est pas uniquement distillée par des percussions tonitruantes et par des envolées de cordes et de cuivres, non, il suffit d’un piano aux notes lourdes, pesant sur chaque mesure pour mieux insister sur la tristesse de ces heures de guerre. C’est bien fait, comme d’habitude, ces pistes nous offrent de vraies émotions. Voilà quelque chose qui ne divisera pas les fans ! » 

Au lieu de se diviser autour d’un débat stérile, ceux qui aiment Game of Thrones devraient au contraire se rassembler autour d’une simple idée empreinte de nostalgie : le fait que cette série, aujourd’hui achevée, marque la fin d’une époque en même temps qu’un immense tournant dans l’univers télévisuel.