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Une couverture, un récit : ‘Royal City T2’ de Jeff Lemire (Urban Comics)



Quatre portraits pour une couverture. Quatre personnages qui semblent porter en eux bien des secrets, des craintes et des méfiances.

Des destins comme il en existe des milliers, des millions mais qui prennent toute leur singularité dans cette réunion de famille. En bas se dessine la ville, une ville industrielle et industrieuse, qui use les esprits et plie les corps. Une ville qui ne vit que par ses habitants asservis à des défis dont ils mesurent à peine les résultats. De l’acier assemblé, des fumées qui noircissent un ciel devenu gris depuis trop longtemps, des routes bétonnées en des séries de voies larges pour acheminer les travailleurs vers des richesses à construire mais aussi et surtout une misère à venir. La ville américaine peut offrir tout un tas d’espoir, de couleurs et de lumières tout comme elle peut se faire le berceau d’un néant presque absolu duquel personne ne réchappe pas. Des héros d’hier aux fantômes d’aujourd’hui dans l’attente d’une éventuelle libération.

La famille Pike ressemble à beaucoup d’autres. Elle a connu des jours fastes mais vit aujourd’hui avec le fantôme de Tommy, le fils, le frère, mort il y a des années déjà et qui vient heurter le présent de chacun en portant tout un tas de questionnements et d’incompréhensions. Dans Royal City Jeff Lemire creuse peut-être encore plus que sur Essex County ou Jack Joseph soudeur sous-marin les contours de ses personnages. Il donne à voir les imbrications des destins, la manière dont le passé percute le présent au point d’influer sur un futur tout sauf bercé de soleil. Sans placer ses lecteurs dans une situation de voyeur, le dessinateur interroge chacun d’entre eux en leur faisant peut-être apprécier à sa juste valeur l’instant présent, qui, s’il est par essence éphémère reste essentiel à la construction de tous.

Jeff Lemire – Royal City T2 – Urban comics – 2018