- Article publié sur MaXoE.com -


Des fourmis aventurières et des outils, toute une histoire !



Les fourmis à l’assaut des outils, c’est ce que nous vous proposons de découvrir grâce à une petite histoire qui met en évidence le travail réalisé par un groupe de chercheurs et qui lève le voile sur un comportement surprenant venant de certaines fourmis que l’on pourrait qualifier d’aventurières !

Nous étions toutes épuisées après une si longue marche, et la journée ne faisait que commencer. Mais cette foi-ci l’expédition s’était avérée être un succès : là, devant elles, luisait une flaque, presque un étang, d’un précieux liquide sucré. Sylvie s’avança la première. Elle avait toujours été du genre aventureuse, presque tête brûlée disaient certains. Elle plongea sans hésitation ses mandibules dans la fluorescence rose et en avala une grande lampée. Nous retenions notre souffle. Était-ce même comestible ? Elle nous rassura d’une caresse de ses antennes, message que nous nous empressions de transférer au reste du groupe, maillon par maillon. Le message disait « Glace fondue, parfum fraise, avec un soupçon de vanille. Comestible,  sucré, délicieux !».

Quelle joie ! Quelle découverte ! Toutes nous nous jetions alors sur le précieux nectar, en remplissant à ras notre jabot social, jabot qui, il faut l’avouer, était extrêmement réduit… Nous sommes comme ça, nous les fourmis de la famille des Aphaenogaster : nous apprécions le minimalisme. Mais il fallait bien admettre que le transport de nourriture liquide s’en trouvait souvent ralenti. Il faudrait faire appel à toute la colonie pour exploiter ce trésor glucosé avant le coucher du soleil. C’est là que Sylvie -encore elle !- intervint, avec son caractère bien trempé. Sans poser de question, sans nous proposer le moindre conciliabule antennaire, elle découpa dans la mousse environnante un coussin, qu’elle plongea dans le liquide aussi loin que ses mandibules le lui permettaient. L’outil, car c’en était bien un, s’en gorgea. Sans laisser échapper une seule phéromone, sans un regard pour nous, Sylvie repartit vers le nid, portant son butin lourd de sucre. Et nous, qu’allions-nous faire ? Appeler la colonie, sûrement…

Cette histoire invraisemblable contient toutefois une part de vérité : les fourmis, comme d’ailleurs bien d’autres espèces de vertébrés et d’invertébrés, savent utiliser des outils. Chez les fourmis, c’est un comportement bien documenté, mais que l’on ne remarque que rarement au sein d’une colonie : quelques unes vont choisir des matériaux poreux pour les imbiber de nourriture, pour ramener leur butin à la fourmilière. Dans ce cas, s’est demandé une équipe de chercheurs Hongrois, Polonais et Français, ce comportement si rare est-il un trait commun à toutes les fourmis d’une colonie (toutes peuvent utiliser des outils, mais elles le font peu), ou est-ce un trait que l’on voit chez certains individus seulement ?

En observant le comportement de plusieurs éléments d’une colonie, passé à la loupe de tests comportementaux en laboratoire, ils ont pu mettre en évidence que seuls certains individus étaient capables de tels comportements. Plus étonnant encore : en les catégorisant sur la base de leur personnalité (si si, les fourmis ont des personnalités propres, et on peut les différencier), ils ont réalisé que les utilisatrices d’outils avaient plus souvent un caractère d’exploratrice, et une tendance à aller vers les proies. Bref, pour le bien de la petite histoire ci-devant, nous dirons des aventurières ! Des aventurières, qui utilisent des outils. De là à imaginer d’incroyables histoires de fourmis qui partent à la découverte du monde uniquement armées de leur intelligence, il n’y a qu’un pas, que la littérature de science-fiction a d’ailleurs déjà franchi plusieurs fois, notamment avec Les Fourmis de Bernard Werber.