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Le vin et la vigne en BD, et l’interview exclusif de Corbeyran et Espé

Saga familiale déclinée dans l’univers du vin, Châteaux Bordeaux de Corbeyran et Espé offre non seulement une intrigue et un suspense féroce mais permet de nous introduire doucement dans l’univers complexe et passionnant du vin, de sa conception jusqu’à sa dégustation. Le tome 2 de cette série est l’occasion pour nous, à quelques jours du début des vendanges, d’évoquer ce vaste projet… Nous reviendrons également, par l’intermédiaire de deux de nos spécialistes manga, sur la série Les gouttes de Dieu, qui se déroule lui aussi dans cet univers et qui plus est encore une fois dans la région bordelaise. Petit bonus supplémentaire, les chroniques de deux autres albums à feuilleter, le Manhwa, Geonbae (Editions Clair de Lune) de Kim et Hong et la réédition du superbe La Bouille de Troub’s paru à l’origine à la fin de l’été 2002 et qui se trouve augmenté d’une préface d’Etienne Davodeau, lui-même auteur du passionnant, Les Ignorants sur la rencontre d’un vigneron et d’un auteur de BD ! Un dossier riche avec l’interview rare de Corbeyran et Espé…

 

 

Souvenons-nous. Dans le premier tome de Châteaux Bordeaux, la jeune Alexandra revenait des Etats-Unis pour assister à l’enterrement de son père propriétaire d’un vaste domaine dans la région de Saint-Emilion. La jeune femme, ignorante dans tout ce qui touche à la gestion d’une propriété et dans les choix à opérer pour magnifier son vin, décidait malgré tout de reprendre à son compte la direction du château. Mais ses deux frères, Charles et François, ne l’entendaient pas de cette oreille, eux qui n’envisageaient que la vente pour faire face aux dettes galopantes contractées par leur aïeul et la mévente des fameux flacons qui ne s’arrachent plus au négoce.

A force de travail et en relisant un carnet retrouvé de son père, Alexandra commençait une initiation accélérée pour essayer de remettre à flot ce domaine qui possède pourtant tous les atouts pour réussir.

Le second volet de cette saga nous permet de mieux revivre le passé de la jeune femme ainsi que l’histoire des vins de Bordeaux par la reproduction de certaines pages du cahier de son père. Cette astuce scénaristique qui permet de concilier la trame du récit aux éléments historiques et techniques donne du fond à cette série. Le lecteur, sans que cela soit envahissant, se trouve ainsi initié aux différentes étapes d’élaboration du vin, de son histoire, du terroir. Les détails graphiques, issus d’un immense travail de collecte de photos, apporte ajoute au réalisme.

Alexandra prend conscience que, même avec beaucoup d’investissement personnel, elle ne pourra pas arriver à relever seule le château. C’est pourquoi elle fera appel à l’œnologue Michel Rolland qui joue ici son propre rôle. Avec l’aide de cet éminent spécialiste, Alexandra sera initiée à la dégustation, son palais commencera à comprendre la complexité du vin : Tout d’abord il faut savoir que le sol, le climat et le cépage constituent ce qu’on appelle le terroir… Ces éléments sont déterminants, car ceux sont les conditions de départ que le vigneron devra prendre en compte avant toute chose… Alexandra goutera, emmagasinera le savoir ainsi distillé par le gourou du vin pour ensuite essayer de réaliser un nectar à son image. Tel est le défi lancé dans le second volet de Châteaux Bordeaux. Un opus qui voit aussi les sombres machinations de sa belle-sœur prendre corps…

L’amour et le respect pour le travail (les travaux) de la vigne de la part des deux auteurs est prégnant. Pour le scénariste qui vit dans cette région ce récit permet la redécouverte d’un terroir, d’une ville coincée entre la Garonne et les ceps qui fourmillent à ses abords. Espé quant à lui respecte la matière, le sujet, il offre aussi sa vision de personnages hauts en couleurs qui fondent le récit. Une série qui se savoure comme un bon verre de vin, en prenant le temps et en la laissant s’épanouir pour en révéler toutes les saveurs…

Corbeyran/Espé – Châteaux Bordeaux – T2 : L’œnologue – Glénat – 2012 – 13, 90 euros

 

Interview d’Eric Corbeyran & Sébastien « Espé »

Nous assistons depuis quelques temps au mariage du monde du vin et de la BD. Des récits ont vu le jour récemment comme le projet de Davodeau, Les ignorants. Une série manga existe aussi et connait un vif succès. Comment le projet Châteaux Bordeaux est-il né ?
Corbeyran : Le sujet m’a été suggéré par Jacques Glénat qui est un amateur éclairé de vin et qui, fort du succès des Gouttes de dieu et aussi en référence aux Maitres de l’orge qui avait été réalisé par Jean Van Hamme et Francis Vallès autour du monde de la bière, a souhaité me proposer un tel sujet. On s’est dit qu’il serait peut-être intéressant de réaliser une saga familiale sur le monde du vin. Cette proposition date de quelques années déjà. Comme je suis scénariste BD depuis une vingtaine d’années et que j’habite Bordeaux, j’avais le profil idéal pour creuser le sillon. J’ai donc accepté. J’ai commencé à réunir de la documentation, faire des interviews, discuter avec des producteurs, des maitres de chais, des directeurs techniques, des chefs de culture, des courtiers, des négociants, faire un petit peu le tour de tous les métiers afférents aux monde du vin et puis, au bout de trois ans d’enquête, j’ai commencé à rédiger cette histoire qui s’appelle Châteaux Bordeaux.

Pouvez-vous nous parler de votre travail commun sur cet album ? Vous avez déjà réalisé des projets ensemble, comment avez-vous attaqué cette nouvelle collaboration ?
C : Cela fait en effet quelques années que nous travaillons ensemble. Nous avons fait une première série chez Delcourt qui s’appelle Le Territoire, ensuite nous avons enchainé sur un diptyque qui se nomme Troisième œil et puis tout en réalisant un autre diptyque adapté d’un roman de Marc Levy, Sept jours pour une éternité, j’ai proposé à Sébastien le projet de Châteaux Bordeaux que j’étais en train d’écrire et il a été emballé par l’univers, le potentiel de la série. Il a signé sans contraintes, enthousiaste (rires).

Cet univers te plaisait au départ ?
Espé : Je ne connaissais pas cet univers. Comme beaucoup de monde j’aime bien boire un ou deux verres mais mes connaissances sont assez sommaires. L’idée était donc de découvrir les coulisses du métier, ce qui se cache derrière une bouteille de vin. Tout l’intérêt de la série repose sur cet aspect et la faire avec Eric devenait relativement stimulant surtout qu’il avait déjà bien creusé le sujet. Les rencontres qu’il avait faites ont permis de m’inclure rapidement dans ce projet. Nous avons effectué d’autres visites, il m’a mis en contact avec des producteurs… Les conditions de travail ont été très confortables dès le début. Cela m’a permis aussi de découvrir tout cet univers.

De ton côté Eric est-ce que le fait de travailler ce sujet t’a amené à redécouvrir ta ville ?
C : Oui ça a été un peu un double bonheur. La série me plaisait déjà en soi car c’était la première fois que j’écrivais une saga familiale et en fait je me suis rendu compte que j’habitais au cœur de l’action, Les Chartrons, qui est le quartier historique des négociants bordelais. Les premiers coups de fil que j’ai passé ont été pour contacter des personnes qui habitaient à 10 mn de chez moi. Très vite en voiture je pouvais me trouver dans le Médoc, à Pessac Léognan… j’ai visité Saint-Emilion. Cela m’a permis d’avoir une relecture d’une région que je connais et apprécie depuis 1987. Cela me permettait aussi de dépasser les façades des beaux immeubles en rentrant directement chez des négociants, dans certains châteaux, comme Smith Haut-Lafitte ou Chasse Spleen qui sont des châteaux prestigieux mais dont je n’apercevais jusqu’alors que les façades depuis la route. Je suis donc passé de l’autre côté des murs en compagnie de gens dont le vin est le métier et la passion, et cela a été clairement une très bonne (re)découverte.

E : Nous avons déjà réalisé une série, Le troisième œil, qui se déroule à Bordeaux. De mon côté travailler sur ce nouveau projet m’a fait traverser le périph pour aller dans les vignes avec Eric. Mais je connaissais déjà cette ville et ce projet me permettait de la redécouvrir. Sur le troisième œil nous avions travaillé sur des façades d’immeubles dont nous nous sommes servis sur Châteaux Bordeaux. Dans ce nouveau contexte elles avaient toute leur dimension, tout leur sens car l’architecture à un sens à Bordeaux qui est liée à la Garonne et au vin, c’est très particulier…

Vous avez souhaité que la série soit très réaliste, cela passe notamment par la description tant au niveau du scénario que du dessin de tout un fonctionnement technique, des notions précises, sans que cela soit trop lourd non plus. Etait-il essentiel pour vous de donner cette direction à la série ?
C : Nous essayons de montrer à travers cette série une héroïne qui découvre l’univers du vin, qui est née dedans mais sans jamais vraiment s’y intéresser auparavant. Elle revient [L’héroïne rejoint la propriété familiale où elle a vécu en raison de la mort de son père, producteur de vin – NDLR] avec un œil neuf, un œil d’adulte. Elle va revisiter son propre environnement. Cela nécessite de fait une bonne connaissance du milieu que nous sommes encore en train d’explorer avec Sébastien. Toutes les semaines je rencontre des personnes qui m’apprennent des choses que je ne connaissais pas encore, c’est aussi cela le plaisir des rencontres. Pour le côté réaliste, je pense que lorsqu’on décide de parler d’un milieu particulier il faut bien le connaitre pour ne pas le dénaturer. Il est donc nécessaire de bien se documenter. Cela passe par la constitution d’une solide base photographique car il n’est pas question de montrer un seul paysage ou un seul outil qui ne soit pas crédible. Nous avons donc tout photographié nous-même pour coller à ce souhait de réalisme. Ensuite Châteaux Bordeaux reste une fiction. Les personnages ont tous été inventés, le château n’existe pas, il a été recomposé à partir de plusieurs autres châteaux. En revanche, pour brouiller les pistes, nous faisons appel par exemple à Michel Rolland qui est un célèbre œnologue et a accepté de prêter son image pour l’occasion. Nous essayons de plaquer notre vision des choses à l’intérieur d’un monde qui existe déjà.

E : Comme le dit Eric nous avons essayé dans cet album de mêler fiction et réalité.

Le travail sur les couleurs a été très important je suppose car le vin, la vigne possède des teintes différentes en fonction des saisons… Il vous a donc été nécessaire de renseigner Dimitri [Dimitri Fogolin, auteur des couleurs sur la série – NDLR] sur cet aspect-là…
E : Nous avons dû lui envoyer des centaines de photos. Prenons la couleur du vin, un Saint-Emilion, ce n’est pas un Médoc, la couleur est différente. C’est un peu identique pour les chais, les cuviers en inox ou en bois, la lumière particulière qui se répand dans ces lieux… tout cela demandait un véritable travail de fond dans la restitution et Dimitri a très bien travaillé sur cet aspect. Mais cela nous a demandé un travail important pour constituer le fonds de photographies.

C : Avec Sébastien nous prenons, lors de nos déplacements dans les propriétés, des photos de la vigne. Cette banque d’images que nous nous constituons fait office d’un calendrier de la vigne avec des clichés des différents cépages, le Cabernet, le Cabernet franc, le Merlot, le Petit Verdot à chaque saison de l’année avec la floraison, la nouaison, la maturité… Pour cet aspect-là nous commençons à avoir, au fur et à mesure de nos déplacements, un fonds d’images dans lequel nous piochons pour alimenter la BD.

E : Dès le départ nous voulions être les plus précis possible, au niveau des dessins, des couleurs, de l’histoire…

C : Mais comme tu le disais tout à l’heure, nous ne voulions pas que cela soit embarrassant ou rébarbatif, car je reste un auteur de fiction. J’aime le vin, j’ai envie de faire partager cette passion mais je reste un feuilletoniste. Je n’ai pas la prétention d’être didactique. Je n’ai aucune leçon à donner. Tout ce que je sais, je viens de l’apprendre et je le restitue au lecteur comme un échange. Je suis plus dans le partage que dans le professoral. A chaque fois que j’apprends un aspect intéressant je me demande comment le restituer, comment l’intégrer dans l’histoire. Cela passe par le journal du père, les explications du frère, mais ça doit rester vivant, dans le mouvement de la bande dessinée.

La qualité du vin s’est beaucoup améliorée au cours des vingt/trente dernières années. Beaucoup d’agronomes sont entrés dans les vignes, le public est peut-être devenu de fait, par ricochet, plus sensible au vin, à son caractère, à sa qualité gustative…
C : Je discutais de cela récemment avec un courtier qui me disait exactement ce que tu évoques. Dans les années 70 il y avait beaucoup de gens qui buvait du vin de médiocre qualité mais cela leur suffisait. Aujourd’hui le public a évolué, son goût et ses exigences aussi. Il va moins boire mais va tabler plus sur le qualitatif. Il me disait aussi qu’après-guerre les gens préféraient boire du vin que de l’eau car il y avait moins de chance de s’empoisonner !

Dans cette saga familiale les femmes jouent un rôle déterminant. Etait-ce un choix de votre part dès le début, car le milieu du vin est plus masculin à la base ?
C : Justement cela a tendance à évoluer et nous voulions signifier ce changement qui est en train de s’opérer. De plus en plus de femmes font des études pour devenir œnologue. De plus en plus de femmes prennent les choses en main et ce monde, qui était exclusivement un monde d’hommes, du courtier en passant par le négociant, le producteur, qui transmettait sa propriété à son fils, est en train de sentir la parité faire son travail. Le vin s’affine, les goûts changent, les femmes apprécient le vin, elles n’ont d’ailleurs pas forcément les mêmes goûts que les hommes. Il y a des vins plus masculins, d’autres plus féminins, ce qui accroit le spectre du goût. Aujourd’hui, dans les chais, les cuviers on trouve beaucoup de femmes aux manettes.

L’héroïne a quitté le domaine familial alors qu’elle était très jeune, peut-on dire qu’elle doit tout (ré)apprendre ?
C : Elle vient d’un pays, les Etats-Unis, où le fait d’être une femme n’est pas aussi bloquant professionnellement qu’ailleurs. Elle revient donc avec la certitude qu’elle peut réussir à relever la propriété de son père.

Le carnet du père que découvre l’héroïne représente une véritable astuce scénaristique pour tout à la fois revenir sur le passé et placer pas mal d’éléments de background, sur les vins de Bordeaux, les personnages, le contexte… 
E : Je trouve effectivement cela génialissime ! Cette idée de mêler, grâce au manuscrit, la réalité et le passé pour construire l’avenir…

Le vin est plus qu’une question de technique, c’est aussi une question de sensibilité. Avez-vous pris conscience de cela par les rencontres que vous avez faites pour ce projet ?
C : Oui je dirais qu’à l’instar de la BD, il faut de la technique en revanche il faut aussi beaucoup de sensibilité pour que les émotions puissent passer au travers de ce qui est montré. Pour Sébastien sa technique et sa sensibilité mêlée font naître l’émotion dans son dessin. C’est un peu la même chose pour le vin. Je n’ai pas rencontré, dans le milieu du vin, une personne qui ne soit que technicienne. Tous ont une idée de ce qu’ils veulent faire. A partir de là ils se servent de ce qu’offre la nature pour essayer de faire coïncider les deux. Ces personnes sont tout à la fois des techniciens mais aussi des artistes. J’ai rencontré des gens avec des sensibilités complétement différentes : un médocain exacerbé, un producteur plus feutré dans les graves… chacun possède sa personnalité ce qui signifie que la sensibilité est autant à l’œuvre que la technique.

Depuis que vous travaillez sur ce projet est-ce que vous buvez le vin différemment ?  
C : Je bois toujours autant (rires) mais je l’aborde de manière totalement différente. Cela a changé notre rapport à la dégustation. Nous savons maintenant positionner, sans être pro, un vin par rapport à un autre. Nous savons les apprécier différemment et avoir un avis, en fonction du vin, du millésime, alors qu’avant ce n’était pas forcément le cas.

E : Maintenant j’ai des verres à dégustation chose que je n’avais pas avant ! Et mon fils de cinq ans me dit parfois « Tiens papa fait comme dans la BD » (rires). Nous abordons aujourd’hui le vin totalement différemment, même si ne nous sommes pas des experts. Nous prenons conscience de la sensibilité des gens qui sont derrière la bouteille, de tout le travail effectué pour arriver au produit fini. Nous avons goûté dans le cadre de ce projet des vins vraiment exceptionnels…

Oui ça se voit d’après les étiquettes que tu reproduits dans l’album (rires) : Cheval blanc, Smith Haut Lafitte…
E : Il existe bien sûr des bouteilles très chères mais lorsque nous dégustons le vin qu’elles contiennent nous sentons que nous sommes dans un autre monde, un autre univers. Cela n’a rien à voir avec les vins que nous pouvons boire au quotidien.

Justement que peut-on boire en lisant Châteaux Bordeaux ? J’ai fait l’exercice et ça donne à peu près ça… En restant dans les blancs bordelais, le premier volet de la série serait pour moi assez proche d’un Entre-deux-Mers, car c’est une bonne ouverture pour un repas et donc pour le premier tome d’une série BD. Ensuite je passerai sur un Graves blanc qui est plus complexe, plus travaillé. Pour le tome trois, je ne sais pas comment va évoluer l’histoire, mais j’aurai bien vu un vin plus sucré, un Barsac ou un Loupiac…
C : Pourquoi pas ! C’est cela qui est bien dans cette série, je n’ai pas de réponse à ta question mais je trouve que tu en parles très bien et si ça peut évoquer ces images chez les gens, je pense que nous avons réussi notre projet. Le vin on peut le boire mais aussi en parler. Je m’aperçois que l’on discute beaucoup de nos virées dans les châteaux, des anecdotes que nous avons vécues dans la journée. Le vin délie les langues, cela instaure le dialogue. Lorsqu’il est mis en bouteille ou en BD il crée une forme de partage.

Avez-vous eu des retours de spécialistes sur Châteaux Bordeaux ?
C :
Nous avons eu un retour l’an passé à la sortie du tome 1. Nous étions invités à dédicacer notre BD à Vinexpo à Bordeaux, qui est une sorte de salon du livre pour le vin et qui se déroule tous les deux ans. Ce salon n’accueille que des professionnels du vin, ce qui signifie qu’il faut avoir un rôle dans ce milieu pour pouvoir entrer à ce salon. Lors de notre dédicace dans ce temple dédié au vin nous avons eu des centaines de retours de personnes qui l’avaient acheté et apprécié. Pour nous ce moment-là a été comme un baptême du feu de la série. Les lecteurs BD nous ont suivis mais nous voulions aussi savoir comment nous allions être perçus par les professionnels de cet univers. Les avis positifs nous permettent d’aborder la suite de façon très sereine. 

 

Les Gouttes de Dieu par nos spécialistes Le Charentais & AlbataR

En bon bordelais, quand on m’a offert les premiers tomes des « Gouttes de Dieu », j’ai réagi avec un certain dédain : comment? Des japonais viendraient nous parler de vin ? Et plus particulièrement à nous, bordelais, maître des rouges les plus exceptionnels du monde ? Allons donc !

Et pourtant, ce manga est sans doute la plus belle preuve que le langage du vin est universel, et l’on sent que le mangaka a découvert le vin petit à petit, comme son héros le fait à son tour.

Le père du héros est un maître du vin. A sa mort, il laisse son héritage à celui qui saura décrypter ses différentes énigmes menant au meilleur vin de la planète, « Les gouttes de Dieu ». Bon, on pourra ergoter sur le choix du vin qui se révélera être ces fameuses Gouttes, mais passons. Le héros, qui n’y connaît rien, va donc découvrir le vin, au fur et à mesure, se basant sur ses perceptions sensorielles pour identifier les vins, aux images qu’ils renvoient, aux souvenirs qu’ils invoquent. Si la chose peut paraître étrange, elle constitue pourtant une manière intelligente et efficace de partager l’émotion que procure un bon vin, sa charge évocatrice. Car si notre héros est un parfait ignorant, il jouit néanmoins d’un nez exceptionnel, et au fil de sa lutte avec un œnologue réputé, il va découvrir un monde riche, fertile, mais surtout le vin va lui permettre de se retrouver et de renouer le lien avec son père à travers ce breuvage qui aura hanté tout la vie du disparu.

Hommage sublime au vin, agrémenté d’annexes passionnantes qui en apprendront même aux fins connaisseurs, en plus d’une délicatesse et d’une poésie étonnantes, les Gouttes de Dieu est un bijou de manga, de ceux qui vous ouvrent de nouveaux horizons, et il est impossible que vous refermiez un tome sans avoir envie de déboucher une belle bouteille !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé !

Le Charentais

 

Mais ceci n’est pas tout ! Sachez que le manga a connu sa version J-Drama, du même nom. Là aussi, on fait l’apogée du vin aux côtés de Kanzaki, Shinohara et Tomine pendant 9 épisodes. Dans le drama, 6 apôtres et «  Les gouttes de Dieu » sont à découvrir. Pour la version Live, les producteurs ont fait appel à un gros casting. Vous reconnaîtrez peut-être Kamenashi Kazuya (Nobuta wo Produce) que les filles vénèrent, ou Takenaka Naoto (Nodame Cantabile) qui a toujours des rôles de pouilleux. Ce qu’on peut dire, c’est que les grands moyens ont été employés (effets spéciaux, vins…). Cependant, la personnalité Live de Kanzaki et Shinohara n’est pas très proche de celle de la version manga, même si certains aspects ont été gardés. Sachez que les vins cités sont réels, et que cela a produit un choc au niveau du milieu viticole français, à tel point que TF1 s’en est mêlé. Nous vous laissons le soin de visionner ce reportage du JT de 20h :

 
En bref, la version Drama est aussi à regarder, surtout si vous n’avez pas lu le manga.

AlbataR 

 

Autres lectures…

Relecture de La Bouille de Troub’s où l’immersion dans les secrets de fabrication des eaux de vie en Périgord…

Quel plaisir que de reparcourir La Bouille de Troub’s publié pour la première fois en 2002. Cette observation attentive des gens, d’une tradition, d’un terroir avec l’humilité de l’auteur qui, pour se fondre dans son sujet, n’hésite pas à mouiller la chemise. La Bouille reprend de l’intérieur l’élaboration des eaux de vie dont les fruits surmûris passés au bouilleur, à la machine, à l’alambic – peu importe le nom – donneront ce degré d’alcool et de saveur identifiable de ceux qui s’y sont laissé prendre. Troub’s aurait pu se contenter de suivre, dans son album, le seul mécanisme de fabrication, la technique pure, le procédé de création savamment transmis de générations en générations. Mais là n’était pas son unique préoccupation car, il l’a compris très vite, l’élaboration de la gnôle est aussi prétexte à la rencontre, au lien social entretenu dans les campagnes avec leurs colporteurs de ragots, leurs gastronomes avides de cuisine champêtre, leurs curieux et leurs soiffeux. Tout ce petit monde qui s’agite ainsi autour de la fameuse machine, déplacée ça et là pour aller à la rencontre des gens, fait vivre la campagne à l’approche de l’hiver et bien après. On vient se réchauffer autour du foyer et partager un moment de vie jusqu’au prochain passage un an plus tard. On y découvre des personnages hauts en couleurs et tout ce qui fonde la vie de ce microcosme rural. A noter pour notre plus grand plaisir que cette réédition est ouverte par la plume d’Etienne Davodeau, lui aussi auteur en 2011 d’un album – Les Ignorants – construit sur un principe similaire. L’album se termine par quelques planches supplémentaires écrites début 2012 après le retour de l’auteur sur ces terres du Périgord… Un album qui n’est pas sans rappeler le fantastique roman de William S. Merwin, Les dernières vendanges de Merle (Fanlac).  

Troub’s – La Bouille – Rackham – 2012 – 20 euros

 

Plongée dans l’univers des alcools coréens au travers d’un manwha qui devrait s’imposer comme une référence…

Yu Tae-Gyong, jeune reportrice pour la TV coréenne doit réaliser un documentaire sur l’alcool traditionnel de son pays. Son dernier reportage, consacré à la gastronomie, a réalisé de très belles parts d’audience et le producteur entend bien poursuivre sur cette lancée. Pour décrocher le fameux scoop attendu la jeune femme devra approcher Ju le juste, un spécialiste des boissons fortes qui pourra sûrement lui offrir les informations qu’elle recherche. Ce buveur qualifié d’invétéré connaît quelques problèmes de santé et se trouve hospitalisé. Yu Tae-Gyong décide d’aller à sa rencontre. Lorsqu’elle arrive dans sa chambre la jeune femme ne l’y trouve pas mais déniche un étrange cahier qui semble contenir des séries de notes ayant trait à l’alcool… Surprise par Ju elle lui expliquera la raison de sa venue. L’homme lui proposera alors un marché a priori honnête, lui procurer une bouteille de Seocheonju, alcool inconnu et savoureux qui se doit d’être bu avant sa mort, contre quelques révélations qui lui permettront de réaliser le reportage demandé. Mais tout ne se révèlera pas aussi simple…

Très belle surprise réservée par Geonbae. Ce manwha qui aurait pu passer inaperçu pour cause de succès des Gouttes de Dieu, surprend par son mélange d’intrigues et de découvertes des alcools traditionnels coréens. Considéré comme une série phare en son pays, le premier volet édité par Clair de Lune nous permet d’entrer dans l’univers du Makgeolli, cet alcool de riz relativement doux qui fait fureur en Corée. Le premier tome nous offre même les secrets de fabrication de cette liqueur dans laquelle chacun appose sa marque de fabrique. Au-delà c’est tout un pan de la société coréenne qui se trouve mis à jour. Le suspense et l’humour sont omniprésents et les personnages véritablement creusés pour devenir attachants. Une série qui devrait rencontrer son public…

Kim Young-bin & Hong Dong-kee – Geonbae T1 – Clair de Lune – 2012 – 15, 90 euros

  


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