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Alejandro González Iñárritu : Bienvenue Monsieur le Président !



Alejandro González Iñárritu succède à Cate Blanchett pour présider le Jury de la 72e édition du Festival de Cannes et c’est le premier réalisateur sud-américain à ce poste. L’occasion pour nous de replonger dans la filmographie de ce réalisateur prodige.

Passons les débuts de producteur et réalisateur d’Iñárritu à la télévision mexicaine dans les années 90 et allons directement à l’essentiel. En 2000 sort son premier long-métrage, Amours Chiennes. Un film coup de poing qui reflète avec réalisme le chaos de la ville de Mexico, ville d’origine d’Alejandro González Iñárritu. Amours Chiennes est construit sur trois chapitres, racontant trois histoires radicalement différentes : Octavio (interprété par Gael Garcia Bernal dont c’est le premier rôle important au cinéma) adolescent gagnant sa vie en utilisant son chien pour des combats clandestins, décide de s’enfuir avec la femme de son frère ; Daniel un quadragénaire qui quitte femme et enfants pour aller vivre avec un top model ; et Chivo un ex guérillero communiste devenu tueur à gages qui n’attend plus rien de la vie. Un seul point commun va réunir ces trois histoires, un accident de voiture qui deviendra le centre du film. Amours chiennes et histoires canines, les combats de chiens clandestins auxquels participe Octavio représentent notre capacité de vengeance et de violence,  tandis que les chiens compagnons de route de Chivo représentent l’amitié. Le meilleur ami de l’homme incarne ici l’animalité de l’être humain. La narration particulière et originale d’Amours Chiennes, la juxtaposition des points de vue qui sera la marque de fabrique d’Iñárritu par la suite, nous imposent un rythme soutenu. Amours Chiennes reçoit le Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes en 2000.

Amours chiennes (2000), avec Gael Garcia Bernal, Goya Toledo, Emilio Echevarria, …

Le succès d’Amours Chiennes permet à Iñárritu d’accéder à Hollywood pour réaliser  21 grammes, son deuxième film sorti en 2003. Paul attend une transplantation cardiaque, Cristina ex-junkie, est mère de deux petites filles et Jack sort de prison et redécouvre la foi. A cause d’un accident, ils vont s’affronter, se haïr et s’aimer.

Sean Penn, Charlotte Gainsbourg, Naomi Watts et Benicio Del Toro sont au casting. Alejandro González Iñárritu collabore de nouveau avec Guillermo Arriaga (également scénariste du très bon Trois enterrements de Tommy Lee Jones et réalisateur en 2007 de Loin de la terre brûlée) pour l’écriture du scénario. On retrouve dans 21 grammes le même style de narration que pour son premier film, trois histoires différentes qui vont se croiser autour d’un même événement. Le récit est ici plus éclaté qu’Amours Chiennes. La mise en scène est nerveuse, et nous découvrons à la fois l’alternance des points de vue des personnages avant l’accident mais aussi après et cela de manière aléatoire et non continue. C’est parfois déroutant mais la parfaite maîtrise de ce montage alinéaire rend 21 grammes percutant et sensible. Iñárritu confirme son talent et réalise sans doute son film le plus sombre à ce jour.

21 grammes (2003), avec Sean Penn, Charlotte Gainsbourg, Naomi Watts, Benicio Del Toro, …

Babel, sorti en 2006, est le troisième film d’Iñárritu et sa troisième collaboration avec Guillermo Arriaga. En plein désert marocain, un coup de feu retentit. Il va déclencher une série d’événements qui impliqueront un couple de touristes américains  au bord du naufrage, deux jeunes marocains auteurs d’un crime accidentel, une nourrice qui voyage illégalement avec deux enfants et une adolescente japonaise dont le père est recherché par la police à Tokyo. Babel est la suite logique de cette trilogie sur l’expérience d’être vivant et le comportement humain, commencée en 2000 avec Amours Chiennes à Mexico, puis entre le Mexique et les Etats-Unis dans 21 grammes.

Cette fois-ci c’est à l’échelle planétaire qu’Iñárritu nous transporte. A travers ce nouveau puzzle, nous découvrons les montagnes du Maroc, la vie à Tokyo, les déserts mexicains. Les deux premiers films (Amours Chiennes et 21 grammes) étaient axés sur la vengeance, la culpabilité, la rédemption ou le remord. Babel nous montre du doigt l’individualisme et l’absurdité des comportements humains mais aussi les liens naissant malgré la barrière de la langue. La mise en scène plus apaisée nous permet d’être témoin de plans de cinéma fabuleux, dans les montagnes marocaines tout comme sur un balcon en plein Tokyo. Brad Pitt, Cate Blanchett, Koji Yakusho et Gael Garcia Bernal sont à l’affiche de Babel qui a remporté, parmi de nombreux prix, celui de la Mise en scène à Cannes en 2006.

Babel (2006) avec, Brad Pitt, Cate Blanchett, Gael Garcia Bernal, Koji Yakusho, ….

On continue notre présentation avec Biutiful le quatrième long-métrage D’Alejandro G. Iñárritu. C’est l’histoire d’un homme en chute libre. Sensible aux esprits, Uxbal, père de deux enfants, sent que la mort rôde. Confronté à un quotidien corrompu et à un destin contraire, il se bat pour pardonner, pour aimer, pour toujours. Biutiful, sorti en 2010, marque clairement un changement de style dans la filmographie d’Alejandro González Iñárritu. Le film suit une écriture plus chronologique. Le réalisateur prend le temps de se concentrer sur un lieu unique, les bas-fonds de Barcelone, autour d’un personnage central Uxbal (joué par l’excellent Javier Bardem – Prix d’interprétation masculine à Cannes en 2010). Ce choix d’écriture rend Biutiful plus lyrique mais tout autant bouleversant. A travers le côté miséreux de Barcelone et le destin tragique d’Uxbal, nous découvrons une critique sociale de la société européenne avec en ligne de mire la vie cachée des clandestins, hommes de l’ombre des grandes métropoles.

Biutiful (2010), avec Javier Barbem, Maricel Alvarez, Eduard Fernandez, Luo Jin, …

Son prochain film est Birdman, sorti sur nos écrans en 2015.

À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson (Michael Keaton au sommet de son art) était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego…
S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir…

C’est mal connaître Iñárritu que de croire que Birdman est une simple comédie sur un acteur has been ! Alejandro G. Iñárritu réalise un tour de force en utilisant un faux plan séquence sur toute la durée du film, nous faisant croire qu’il a été réalisé en une seule fois. Le réalisateur signe ici sa première comédie, parce que oui, Birdman est drôle. Par l’originalité de sa réalisation, nous proposant ainsi une mise en abyme prodigieuse à la fois poétique et cocasse. Et par l’autodérision de Mickael Keaton, qui fait écho avec beaucoup d’humour à sa propre carrière.

Pas de sélection cannoise pour Birdman mais quatre Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure photographie.

Birdman (2015), avec Michael Keaton, Emma Stone, Naomi Watts, Zach Galifianakis, Edward Norton, … 

On termine cette petite présentation de la filmographie d’Alejandro G. Iñárritu avec The Revenant, son dernier film à ce jour et certainement le plus impressionnant si ce n’est le meilleur en terme de technique de réalisation et de scénographie. L’histoire du trappeur Hugh Glass attaqué par un ours et abandonné par ses collègues en pleine forêt hostile. A sa sortie en salle en 2016, nous en avions fait une superbe critique made in Maxoe.

 A notre dossier il faut aussi ajouter qu’Iñárritu a réalisé des courts-métrages. Parmi eux Anna réalisé en 2007 dans le cadre du projet « Chacun son cinéma » pour les soixante ans du Festival de Cannes et plus récemment Carne y Arena (2017) réalisé en réalité virtuelle et présenté pour la première fois au soixante-dixième anniversaire du Festival de Cannes. Cette technologie permet au spectateur de s’immerger dans un film, de plonger au cœur de l’action et d’incarner un personnage. Pour Carne y Arena, Alejandro G. Iñárritu a reçu un Prix Spécial aux Oscars 2018

Voici un extrait du making of :

Voilà, en espérant vous avoir donné envie de découvrir ou redécouvrir ses films ! Et laissons le mot de la fin au Président du Jury avec un extrait de son interview lors de la conférence de presse du 14 mai 2019 à Cannes: ‘En tant qu’artiste, j’utilise mon travail pour contrer l’ignorance qui peut exister aujourd’hui. Il est important de faire des films, et que ceux-ci soient montrés partout dans le monde, pour nous aider à comprendre sa diversité.