Un monde désolé et aride, dans lequel les hommes et les femmes vivent dans la peur d’insectes géants qui menacent ce qui reste de la civilisation. C’est l’univers post-apo que nous propose Jared Muralt après la très brillante série La Chute parue chez Futuropolis…

Adèle, entomologiste de son état, bifurque de son trajet en 4×4 qui doit la mener à une conférence de la plus haute importance, pour revenir à Rochedaine, le village de son enfance. Elle a reçu, quelques jours auparavant, une lettre étrange envoyée par son ami Pierrot au sujet de Maxim, un ancien ami perdu de vue. Elle apprendra de Pierrot que Maxim passait beaucoup de temps dans une communauté qui avait élue domicile dans un vieux monastère mais que la plupart des personnes qui s’y sont rendues ne sont jamais revenues. Pour Adèle, ce mystère épais ne demande qu’à être éclaircit…

Bien qu’il ait livré un premier album chez Paquet en 2015 (Hellship), il faut attendre cinq années supplémentaires pour que le dessinateur suisse (germanique) se fasse véritablement connaître en France avec l’édition chez Futuropolis à partir de 2020, d’une série en trois volets, La Chute. Ce récit se construit autour des préoccupations (ou des intérêts) du dessinateur, à savoir l’analyse des comportements humains dans un monde post-apocalyptique qui dévisse. Sorti en pleine crise sanitaire du coronavirus, ce récit qui suit le parcours d’un père et de ses deux enfants, révélait le talent d’un auteur à la ligne épurée en pleine maîtrise de sa narration et au plus près de ses personnages, des anti-héros attachants, creusés et complexes. Dans Buglands, Jared Muralt revient avec un récit lui aussi inscrit dans les univers post-apocalyptiques. Dans ce tome d’introduction à un univers que l’on imagine fouillé, le dessinateur livre les éléments avec parcimonie. Nous savons que le monde ne va pas très bien, que toute trace animale semble avoir disparue et que les hommes et les femmes, devenus méfiants, vivent retranchés dans des villages gardiennés dans lesquels les larcins, malgré tout, perdurent.

Les personnages de Jared Muralt gardent en eux les secrets enfouis d’un passé qui, s’il paraît lointain, trouble toujours le présent. C’est dans ces zones obscures, dans ces non-dits, que se cache la sève de Buglands, un récit qui en à peine plus de 50 planches laisse apparaître tout un tas de possibles. Des possibles qui prennent corps au travers du rôle joué par les insectes, qui s’ils semblent être devenus la seule source protéinique d’une nourriture plus rare et moins diversifiée, ont mutés en des corps hypertrophiés. Et la guêpe noire, gigantesque hyménoptère qui terrorise le village et s’immisce jusque dans la ville à la nuit tombée, n’est qu’un des dangers qui menace les populations civiles. Dans ce contexte, Adèle l’entomologiste, son ami Pierrot qui lui a adressé un courrier pour la faire revenir dans le village de son enfance, Maxim l’ami disparu et Leyla la mystérieuse chasseuse, composent une galerie de personnages tout à la fois (encore) obscurs et détenteurs de secrets enfouis, et porteurs de potentialités narratives sans fin dans un environnement aride qui ne demande qu’à être exploré.

Un tome d’introduction magistral par les ouvertures qu’il laisse entrevoir.

Jared Muralt – Buglands – Les Humanoïdes Associés