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Kurt Cobain, le mythe revisité en BD par Nicolas Otéro (+ interview)

Kurt Cobain. Une destinée comme on en voit peu qui entretient le mythe de l’artiste évoluant dans son propre monde, un de ceux au sein duquel la vie se veut éphémère, emplie de joies, de peurs, de douleurs et de bien-être de tout et son contraire, jusqu’à ce que la case fin apparaissent sur le chemin et emporte tout avec elle. Retour sur une comète trop tôt éteinte…

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Le roman de Boddah de Nicolas Otéro

Le roman de Boddah de Nicolas Otéro – Glénat (2015)

Tout commence avec l’apogée d’un album, Nervermind, qui vient « baiser » Michael Jackson dans les charts pour prendre la première place des ventes. Le ton est donné et dans le monde déglingué dans lequel ils évoluent, les Nirvana commencent à prendre conscience qu’un truc nouveau s’offre à eux. Au sein du groupe Kurt plane dans un monde parallèle, un univers où les possibles portent d’autres noms et dans lequel Courtney et la drogue viendront perturber un destin si mal tracé. Partout où il se produit, aux quatre coins du monde, Kurt est accompagné de Boddah, son double, l’homme qui le suit depuis toujours, celui qui le tempère, le rappelle à de vieux souvenirs mais pourraient tout aussi bien le conduire vers des horizons encore plus sombres que ceux qu’il aperçoit déjà. Un entre-deux monde dans lesquels il planera régulièrement…
Plonger dans la brève vie d’un chanteur comme le fut Kurt Cobain n’est pas mince affaire. Il faut d’abord dégrossir les bordures d’un tel destin pour ne garder que le substrat, la sève qui seule pourra permettre de prendre conscience de ce que fut la vie de l’homme placé derrière la bannière du mythe. Il faut accepter ensuite de reprendre dans les grandes lignes ce que l’on a pu savoir de sa double dépendance à la drogue et à sa muse Courtney Love. Ajouter un peu de cette ambiance des années 90 faite de groupies surexcitées, de défiance d’une société qui ne semble pas pouvoir mener tout le monde jusqu’à bon port et mixer le tout. Cela donne cet opus proposé par Nicolas Otéro, un album qui passe comme un single joué à fond la caisse, sans ruptures ni baisse de rythme, un récit qui nous happe dès les premières planches pour nous emporter dans son monde et ne plus nous lâcher. C’est parfois dur, décousu, un peu trop furieux (ou pas assez), mais surtout plein de cette vie que le chanteur a croqué jusqu’à se brûler. On ressent la dépendance de l’homme, son ultra-sensibilité, sa face cachée représentée par Boddah en personne, cet autre Kurt niché dans les abymes de l’âme et qui servira de balancier sur le fil tendu et ténu de la raison. On ressent enfin la rage, le gâchis et cette envie de briser les codes, de crier une liberté qui finalement n’est que simple mirage. Un mirage placé en plein désert et qui repousse toujours plus loin la soif, jusqu’à perdre conscience. 
Retrouver Nicolas Otéro autour de ce projet pourrait surprendre si l’on se souvient du dessinateur appliqué et respectueux aperçu sur New Moscow ou Amerikka. Ici il mène seul la barque. Et la première qualité que l’on ne peut lui enlever c’est d’assumer ses choix, dont notamment celui de se servir comme base de travail de la biographie éponyme publiée par Héloïse Guay de Bellissen, ou celui de travailler vite et de laisser, ici ou là, des planches non brouillonnes mais que l’on pourrait penser inachevées. Cela va de pair avec le choix de l’auteur de travailler vite, sous cette pression qui laisse vivre les idées premières et offre au récit cette force que l’on peut apercevoir parfois sur des sculptures brutes tout juste taillées et non encore lissées, où la matière et le travail exercé par l’homme ce ressentent à la simple vue. Autre qualité du récit : le rythme. Dopé par une division en chapitres qui autorise les transitions rapides, Le roman de Boddah est avant tout rythme. Celui d’une guitare branchée sur un ampli surpuissant et qui déverse son magma éructant dans des crescendos que l’on pourrait croire sans fin, celui d’une mustang lancée à pleine vitesse sur les 109 miles mal bitumés qui séparent Aberdeen de Seattle et qui laissent à la vie l’éphémère reprendre ses droits. Une fois achevée la lecture de ce récit et posé sur la table l’album une étrange sensation nous envahit comme pour confirmer ce que l’on pouvait déjà savoir. La comète brille toujours très fort avant de replonger dans les profondeurs de notre univers, jusqu’au prochain passage. Kurt Cobain a trop vite brûlé ses ailes pour partir à l’aube de sa vie, laissant derrière lui un vide difficile à combler. Le parcours qu’en offre Nicolas Otéro reste en phase avec le personnage, et, rien que sur ça l’album vaut plus qu’un indubitable détour…

Nicolas Otéro – Le roman de Boddah – Glénat – 2015 – 22 euros

Rencontre avec Nicolas Otéro 

 

 


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